Au préalable l’arrêt rappelle les règles permettant de distinguer si le dommage s’est produit dans le cadre d’un contrat d’entreprise ou d’un dépôt salarié [1]. En l’espèce dès lors que le dommage avait été constaté entre le box et le pré où se trouvait la jument, victime d’une éventration, la lésion n’était pas consécutive à une exploitation : les juges en déduisent que les parties se trouvaient bien dans le cadre d’un dépôt salarié. Le dépositaire salarié est tenu rigoureusement comme l’a rappelé à juste titre le tribunal d’instance de Blois en première instance : pour ne pas être tenu de réparer les détériorations de la chose qu’il a reçue, le dépositaire salarié doit prouver que le dommage n’est pas imputable à sa faute. Or les éléments du dossier n’avaient pas permis selon les premiers juges de déterminer la cause exacte de la mort de la jument. Ainsi, dès lors que les circonstances, ou la cause du décès restent indéterminées, une jurisprudence constante considère que le dépositaire ne rapporte pas la preuve de son absence de faute [2].
Condamné en première instance l’exploitant de l’établissement équestre avait cherché à échapper à sa responsabilité en appel en produisant d’autres attestations émanant notamment de ses salariés cherchant à imputer la cause du décès à une hernie suspectée mais non diagnostiquée. Mal lui en prend : la cour d’appel considère que cette version des faits n’est pas compatible avec celle donnée antérieurement par l’exploitant ni avec les constatations faites par le vétérinaire appelé sur les lieux qui avait indiqué que l’hypothèse d’une éventration par empalement de la jument sur une clôture était plausible. La cour d’appel considère à juste titre que cette nouvelle version qui n’est appuyée que par des témoignages émanant des salariés de l’exploitant (et qui sont donc si ce n’est suspect pas forcément probant), ne permet pas à l’exploitant de démontrer son absence de faute.
Concernant le préjudice subi par la propriétaire du cheval, la cour d’appel augmenta quelque l’indemnisation allouée par le tribunal. La jument avait été acquise 3 mois auparavant au prix de 5.500€ et avait avant de décéder, remporté les deux compétitions auxquelles elle avait participé (épreuves pour jeunes chevaux en concours complet). La Cour considéra qu’une évaluation à 7.200€ soit un peu plus que son prix d’achat devait être retenue. De même la cour porta à 2.500€ (au lieu de la somme de 1.500€ accordée par le tribunal) la réparation d’un préjudice qualifié de « moral » et correspondant à la perte de la possibilité de gagner de nouvelles compétitions. En principe la perte de gains en compétitions s’analyse en un préjudice matériel.
Toutefois s’agissant d’une jument acquise pour participer à des concours où les allocations sont faibles et ne recouvrent même pas les frais liés à la compétition elle-même, l’exploitation sportive se fait à perte ; Contrairement à la course, en sports équestres, il n’y a que les chevaux de hauts niveaux qui remportent des gains conséquents. Aussi c’est à juste titre que la cour n’a pas fait référence à un préjudice matériel puisque la perte de gains est inexistante. En revanche, au terme de préjudice moral nous aurions préféré celui de préjudice d’agrément, défini par la cour de cassation comme un préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d’existence [3]. En a propriétaire est privée du plaisir de pouvoir monter cette jument qui avait prouvé qu’elle était compétitive avec sa cavalière. Par ailleurs le décès de la jument a bien créé un préjudice moral pour la propriétaire cavalière qui méritait d’être indemnisée, mais séparément. Une distinction entre les deux chefs de préjudice aurait donné davantage de rigueur sur ce point à la décision.
Dernier point et non des moindres qui mérite d’être analysé. L’exploitante dont l’activité principale était de prendre des chevaux en pension se voyait opposer par l’assureur une clause contenue dans les conditions générales et excluant de la garantie, « les dommages subis par les biens et les animaux remis à l’assuré en dépôt en location en garde … ». La compagnie plaidait que le sociétaire ayant reconnu avoir reçu un exemplaire de chacun de ces documents, cette clause d’exclusion était apparente respectant l’article L 112-4 du Code des assurances, car rédigée en gras sur fond gris. Selon la compagnie, le sociétaire avait donc accepté sa volonté de ne couvrir que les dommages causés à autrui par les animaux (à l’égard des tiers) et non pas les dommages subis par les animaux eux-mêmes (à l’égard des propriétaires).
La cour d’appel confirme la décision du tribunal ayant condamné la compagnie après avoir notamment rappelé que la clause d’exclusion se trouve en page 7 d’un document de 26 pages et qu’elle était donc bien comme le soutenait l’assuré « noyée » dans un texte abondant subdivisé en de très nombreuses rubriques et sous rubriques. La cour d’appel confirme que la clause a pu échapper à un assuré normalement diligent qui en outre au regard de son activité s’attend à être couvert pour ce genre de risques. On ne peut qu’approuver la motivation. Si les compagnies d’assurance cherchent régulièrement à échapper à leur garantie, les tribunaux sont heureusement dans l’ensemble vigilants. On peut citer dans le même sens un jugement du tribunal d’instance d’Argentan du 30 novembre 2015 n°11-15-000065 dans lequel l’éleveur assuré dont l’activité principale était de prendre des chevaux en pension, se voyait opposer par son assureur une clause similaire des conditions générales, prévoyant que sont couverts les dommages causés aux animaux dont l’assuré a la garde sauf les chevaux confiés lorsque que l’assuré exerce une activité équestre. Or cette dernière notion visait toutes les activités d’élevage, pension, gardiennage de chevaux. Le tribunal a considéré que la compagnie devait garantie, l’exclusion générale des activités équestres sans autre précision n’était pas formelle et limitée et ne respectait pas l’article L 113-1 du Code des assurances. Toutefois on ne peut qu’inciter les professionnels à faire preuve d’une extrême prudence lors de la souscription de leur contrat d’assurance en rappelant notamment les activités précises pour lesquels ils souhaitent être garantis, tant à l’égard des tiers que vis-à-vis de leurs clients.