Indemnisation du marin non déclaré. Par Frédéric Cosseron et Raymond-Bernard Durand, Avocats

Indemnisation du marin non déclaré.

Par Frédéric Cosseron et Raymond-Bernard Durand, Avocats

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Explorer : # indemnisation # droit maritime # accident du travail

Par un arrêt de renvoi conforme, la Cour d’Appel de Toulouse vient de tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de Cassation par lequel la jurisprudence classique concernant le contrat de travail vient d’être étendue en matière de droit du travail maritime.

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L’Établissement National des Invalides de la Marine (ENIM) avait rejeté la demande de pension et d’allocation décès de la veuve d’un marin décédé dans l’accident de l’avion de reconnaissance servant à repérer les bancs de thons, appareil où il était embarqué en qualité de "pisteur".

L’Administration consentait à assimiler ce type de mission à une extension des emplois que l’article 1er du décret n° 67-690 du 7 août 1967 reconnaissait dans sa version alors applicable comme constitutifs de la qualité de marin. Toutefois, l’ENIM tirait prétexte de ce que le défunt n’était pas inscrit sur le rôle d’équipage du navire thonier de l’armateur qui l’employait pour soutenir que les conditions propres à établir le lien entre cette mission et l’activité maritime du marin dans l’exercice de son travail n’étaient pas réunies. L’ENIM refusait donc de reconnaître un accident du travail maritime et que la veuve puisse bénéficier de l’allocation décès et d’une pension.

Le défaut d’inscription relevait d’évidence de la responsabilité de l’armateur employeur du défunt (également décédé dans l’accident). La circulaire de l’ENIM n°28-92 du 03 novembre 1992 prévoyait également que "le fait d’un accident survenu à bord d’un navire à un salarié dont l’embarquement n’a pas été régulièrement constaté n’en a pas moins, lorsque sa matérialité est établie, le caractère d’un accident du travail."

Toutefois, le TASS (jugement du 12 mars 2007) puis la Cour d’Appel de Montpellier (arrêt du 16 janvier 2008) avaient repris l’argumentaire de l’ENIM pour rejeter les recours de la veuve, ajoutant qu’aucune preuve écrite (comme une promesse d’embauche) ne venait remédier à l’absence de mention au rôle d’équipage.

La Cour de Cassation est venue annuler le 3 septembre 2009 cette analyse excessivement formaliste en rappelant que la circonstance selon laquelle le marin fût embarqué dans des conditions régulières ou non ne dispensait pas l’ENIM d’assurer ses prestations envers lui ou ses ayants droits.

La Haute Cour a combiné les dispositions de l’article 1er du décret du 17 juin 1938 instituant cet établissement qui prévoit en son troisième alinéa qu’il lui incombe également d’assurer les indemnités et les pensions aux marins accidentés, avec celles de l’article 1er du décret du 7 août 1967. Pourtant, elle a surtout tiré implicitement la conséquence de la nouvelle rédaction de l’article 3 alinéa 1er du code du travail maritime, qui dispose depuis 2008 : "Est considéré comme marin, pour l’application de la présente loi, quiconque s’engage, envers l’armateur ou son représentant, pour servir à bord d’un navire."

Cette autre définition du marin, beaucoup plus large et favorable que celle dont disposait le décret de 1967, permet donc bien d’établir très librement la preuve de l’engagement envers un armateur et de revêtir ainsi la qualité de marin. Elle n’est pourtant pas visée par l’arrêt de cassation. Mais à la lumière de cet article, l’erreur du juge du fond qui s’était refusé à vérifier la réalité de cet engagement en l’espèce au-delà des exigences du décret dans leur acception la plus stricte concernant surtout l’enregistrement du marin au rôle d’équipage, apparaît plus claire.

La Cour de Cassation n’a fait que contribuer à l’harmonisation du droit applicable. L’article 1er alinéa 1er du décret de 1967 se trouvant vidé de sa portée limitative, le législateur en a tiré les conséquences quelques jours avant la lecture de l’arrêt de renvoi. L’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 modifiant la partie législative du code des transports est venue supprimer le premier alinéa de l’article 1er du décret du 7 août 1967. La seule définition juridique de la profession de marin reste donc à ce jour celle du code du travail maritime.

Le juge du fond n’ayant pas recherché l’existence d’un contrat de travail rendait donc une décision sans base légale. Cette solution assimile le régime applicable en droit du travail maritime à celui du pouvoir de vérification du juge, bien connu en matière de droit du travail.

Frédéric Cosseron et Raymond-Bernard Durand

Avocats au barreau de Montpellier

cosseron.avocat chez free.fr

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