Inégalité de traitement entre hommes et femmes, par Alina Paragyios, Avocat

Inégalité de traitement entre hommes et femmes, par Alina Paragyios, Avocat

3140 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # discrimination de genre # inégalité salariale # congé parental # Évolution de carrière

-

Une employée de BNP Paribas avait été victime de discrimination à son retour de dix ans de congès divers, passés avec ses cinq enfants. Mercredi, la cour d’appel de Paris a condamné l’employeur à lui payer près de 157.000 euros pour le préjudice financier subi, ainsi que 7.000 euros au titre du préjudice moral dans un arrêt du 5 mai 2010.

Le conseil de prud’hommes de Paris n’avait pas reconnu la discrimination en première instance, en mai 2008. Il avait en revanche condamné BNP Paribas à 150.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qu’a confirmé mercredi la cour. Celle-ci a observé, selon le texte du jugement, une « inégalité générale de traitement entre hommes et femmes au sein de l’entreprise ».

La HALDE qui avait été saisie par la salariée, a présenté ses propres observations, pour établir à partir d’un comparatif que "la rémunération de Madame N. était nettement inférieure à celle de ses collègues masculins, en dépit d’une classification égale, d’une ancienneté égale ou plus importante."s’est félicitée de cette condamnation qui représente, en incluant notamment l’indemnité légale de licenciement, « plus de 350.000 euros d’indemnités ».

BNP-Paribas réfléchit à un éventuel pourvoi en cassation. « En toute bonne foi, BNP Paribas ne pensait pas que le fait d’avoir fait une grande école il y a une trentaine d’années suffisait à pré-déterminer une position ou une rémunération pour une personne », a déclaré une porte-parole. L’entreprise a un accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes depuis 2004, renouvelé en 2007.

Diplômée d’HEC Paris et de Sciences Po Paris, Mme N. avait intégré en 1982 la banque comme analyste financier puis était devenue chargée d’affaires au sein du pôle financier. Ses cinq enfants sont nés entre 1985 et 1994. Entre octobre 1989 et janvier 2000, elle avait enchaîné des congés différents : maternités, allaitement, sans solde et parental.

Elle avait repris son travail à temps partiel (2/5e) en étant affectée à la banque de détail, secteur moins prestigieux, aux fonctions moins rémunératrices et qui ouvraient des perspectives de carrière moins intéressantes que son ancien poste.. Elle avait quitté la banque en 2007, dénonçant une inégalité de traitement subie en tant que femme depuis 2000.
La cour a reconnu sa discrimination concernant les conditions de sa réintégration en 2000, le montant de sa rémunération et son évolution de carrière, ce qui a rendu la rupture de son contrat de travail imputable à l’employeur.

En l’espèce, la salarié a été victime d’une discrimination au regarde de ses autres collègues hommes (I), cela à la suite de son congé parental (II). Il semble que la Banque devait prendre en compte le diplôme de la salariée (III).

I- DISCRIMINATION PAR RAPPORT AUX COLLEGUES AYANT UNE QUALIFICATION EGALE, ET UNE ANCIENNETE EGALE VOIRE MOINDRE

Dans l’arrêt du 21 janvier 2009, n° 07-40609, il a été jugé que les salariés d’une même entreprise qui effectuent un travail de valeur égal doivent être rémunérés de façon identique, même s’ils ne travaillent pas dans le même établissement.

En l’espèce, la salariée était embauchée depuis 1974. L’’arrêt énonce que "Mme X... relevait, en sa qualité d’employée qualifiée de service commercial affectée au service clientèle du magasin de Créteil, de la catégorie VIII de la convention collective des grands magasins et magasins populaires et qu’il résulte des tableaux de comparaison des salaires des employés affectés au même service dans d’autres magasins de la région parisienne et ayant des qualifications identiques, qu’aucun de ces salariés ne disposait de l’importante ancienneté de l’intimée ; qu’ainsi Mme Y..., affectée au service commercial et employée depuis 1980 percevait une rémunération fixe supérieure, augmentée d’une prime d’entrepôt ;
que les autres salariées d’une ancienneté nettement moindre bénéficiaient d’une rémunération fixe presqu’identique ; … qu’en conséquence, il existe bien une inégalité de traitement entre Mme X... et les autres salariées de la société ayant une qualification identique."

Cet arrêt est à rapprocher avec celui de la Cour d’appel de Paris puisqu’en l’espèce, la salariée était comparé autres salariées appartenant au même service d’autres magasins de la région parisienne, et ayant une qualification identique. Il est constaté que les salariés ayant moins d’ancienneté percevait une rémunération supérieure.

De même, dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, la salarié percevait une rémunération inférieure à ses collègues, en dépit d’une classification égale, d’une ancienneté égale ou plus importante.

II- LA DISCRIMINATION A LA SUITE DU CONGE PARENTALE :

a. Affectation à un secteur moins prestigieux et la baisse de rémunération qui en découle.

Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, la salariée a été affectée à un secteur moins prestigieux. Plusieurs décisions obligent l’employeur a affecter la salarié de retour de congé à un poste équivalent.

Arrêt du 11 mars 2009 n° 07-41821 : Après l’accumulation de congés, maternité, maladie et allaitement parental, une salariée, conseillère financier dans une banque, s’est absentée de son entreprise durant 11 ans. Au retour de ce congés, l’employeur l’a affecté au poste de guichetière au motif qu’il lui fallait une remise à niveau après 11 ans d’absence. La Cour de cassation rappelle que « le fait d’être affectée à l’accueil ou au guichet lui faisait perdre le bénéfice de l’intéressement à ses résultats, et des primes liées aux placements financiers, éléments de rémunération attachés aux fonctions de conseiller financier ; qu’en décidant que l’employeur avait satisfait à ses obligations, sans constater que Madame Y... avait retrouvé une rémunération au moins équivalente à celle qui était la sienne lors de son départ en congé parental, la Cour d’appel a privé son arrêt de base légale »

Arrêt du 17 février 2010 n° 08-44300 : dans cet arrêt, à la suite de son congé maternité, la salariée a été affectée à un poste de niveau inférieur (poste de télé-conseillère junior alors qu’elle était chargée de clientèle). La bureau de conciliation a ordonné à l’employeur de la replacé à un poste équivalent.

Donc, les juges sont attachés au fait qu’au retour d’un congé maternité, les salariées soient affectées à un poste et une rémunération équivalents à l’ancien. Et cela malgré une absence prolongée de 11 ans comme dans l’arrêt de 2009, ou 10 ans comme dans l’arrêt de la Cour d’appel.

b. Discrimination due au ralentissement de l’évolution de carrière

La salariée qui se dit victime d’un ralentissement de son évolution de carrière après son congé maternité doit prouver que ce ralentissement effectivement est dû à son congé. C’est ce que juge la Cour de cassation dans un arrêt du 21 avril 2010 n° 09-41036. S’il repose sur des éléments objectifs, l’employeur ne pourra pas être condamné. (dans cet arrêt, le ralentissement était justifié par des difficultés économiques).

Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, l’employeur n’avait présenté d’éléments objectifs permettant de justifier le ralentissement de carrière de la salariée.

III- L’IMPACT DU DIPLOME EN MATIERE DE DISCRIMINATION

BNP Paribas a soutenu que le fait que la salariée a été dans une grande école il y a une trentaine d’année avait eu un impact sur la décision.

Dans un arrêt du 16 décembre 2008, n° 07-42107, la Cour de cassation a jugé que la seule différence de diplôme alors qu’ils sont d’un niveau équivalent ne permet pas de fonder une différence de traitement, dès lors qu’il s’agit des mêmes fonctions. Une exception est faite si l’employeur démontre que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances spécifique par rapport au poste.

Au vue de cette jurisprudence, il semblerait que la salariée de BNP Paribas ne puisse demander une rémunération supérieure à ses collègues ayant une classification égale, une ancienneté égale, ayant les mêmes fonctions et une qualification équivalente.

Le licenciement et la maternité

I- Il est interdit de licencier les femmes enceintes ou durant le congés maternité.

Arrêt du 21 décembre 2006 n° 05-44.806 : cette interdiction ne vaut pas pour la période d’essai.

L’arrêt du 17 février 2010 06-41392 rappel la période pendant laquelle la salariée ne peut être licenciée :

« Attendu, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes ; que toutefois l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement ; que dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail ; qu’il en résulte que pendant les quatre semaines suivant l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail, le licenciement pour faute grave non liée à l’état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement est possible ».
II- En cas de licenciement durant la période de protection

Dans un arrêt du 17 mars 2010 n° 09-40266, la Cour de cassation rappelle que le licenciement au cours de la période de protection est nulle, sauf si l’employeur justifie :

- Soit d’une faute grave de l’intéressée, non liée à la grossesse :

o L’état de grossesse peut constituer une circonstance atténuante dans l’appréciation de la gravité de la faute.

- Soit d’une impossibilité, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption, de maintenir le contrat.

« Mais attendu qu’en vertu de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et qu’en application de l’article L. 1225-4 du même code, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse ou de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption, de maintenir le contrat »

Sanction due à la discrimination : nullité

- La salarié peut demander sa réintégration :

o Réintégration dans son emploi ou à défaut, un emploi équivalent.

o Elle aura droit aux salaires correspondant à la période de nullité même si elle a travaillé pour un autre employeur.

o L’employeur ne peut pas réduire de ce salaire les indemnités journalières de sécurité sociale, ni les allocations chômage.

- Si la salarié ne demande pas sa réintégration :

o Elle perçoit les salaires correspondant à la période de nullité.

o Les indemnités de rupture : indemnité légale conventionnelle de licenciement et indemnité de préavis.

o Une indemnité de congés payés.

o Une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire réparant intégralement le préjudice subit du fait du caractère illicite du licenciement.

Alina Paragyios, Avocat au Barreau de Paris

Droit Social, Droit du Travail et Harcèlement Moral au Travail

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

34 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs