Les délais de carence Pôle Emploi.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # différé d'indemnisation # indemnités supra-légales # délai d'attente # pôle emploi

Les délais de carence liés à l’assurance-chômage, ou « différés d’indemnisation », sont parfois méconnus. Tant l’employeur que le salarié doivent en connaître le régime, notamment en cas de négociation de départ.

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1. Le différé d’indemnisation « congés payés »

L’article 21 du règlement général d’assurance-chômage du 14 mai 2014 (ci-après « RG ») prévoit le report du versement des allocations à l’expiration d’un délai qui tient compte de l’indemnité compensatrice de congés payés perçue par le salarié à la rupture du contrat de travail.

L’objectif de cette règle est simple : l’intéressé ne peut pas cumuler une indemnité de congés payés et des allocations d’assurance-chômage.

La durée du différé d’indemnisation « congés payés » est calculée en divisant le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés par le salaire journalier de référence déterminé par Pôle Emploi (RG, art. 13).

Ce différé court à compter du lendemain de la fin du contrat de travail (terme du préavis, qu’il soit ou non exécuté).

Si tout ou partie des indemnités compensatrices de congés payés est versé postérieurement à la fin du contrat de travail ayant ouvert des droits, l’allocataire et l’employeur sont dans l’obligation d’en faire la déclaration.

Les allocations indûment perçues par l’allocataire doivent alors être remboursées.

NB. Pour les salariés qui relèvent d’une caisse de congés payés (ex. dans le secteur du bâtiment), le différé d’indemnisation « congés payés » est déterminé à partir du nombre de jours correspondant aux congés payés acquis au titre du dernier emploi, ce nombre de jours étant déterminé par la caisse.

2. Le différé d’indemnisation spécifique

Au différé « congés payés » s’ajoute un différé spécifique applicable lorsque le salarié a perçu des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, quelle que soit leur nature, « dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative » (RG art. 21 § 2).

Ce différé concerne donc les salariés qui ont perçu de leur employeur, lors de la rupture du contrat de travail, des indemnités supérieures à celles strictement prévues par la loi (indemnités dites « supra-légales »).

2.1. Indemnités exclues

Ne sont donc pas visées : l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle pour sa partie n’excédant pas le montant de l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité de fin de CDD et l’indemnité de fin de mission de travail temporaire, l’indemnité de clientèle des VRP, les indemnités de départ ou de mise à la retraite,…

De même, sont exclus de l’assiette de calcul du différé spécifique les minima des sanctions indemnitaires prévues par le Code du travail (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de requalification d’un CDD, indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,…).

Par ailleurs, selon la circulaire Unédic n° 2014-26 du 30 septembre 2014, l’indemnité forfaitaire de conciliation versée au salarié lors de la phase de conciliation devant le Conseil de prud’hommes (C. trav. art. L. 1235-1 et D. 1235-21) échappe au différé d’indemnisation spécifique.

Cette solution est avantageuse car l’indemnité transactionnelle versée au salarié en dehors de cette hypothèse fait naître un différé d’indemnisation spécifique (cf. § 2.2).

La Cour de cassation a ajouté, à ces cas d’exclusion, l’indemnité pour jours de RTT non pris instituée par un accord d’entreprise, dans la mesure où celle-ci n’est pas inhérente à la rupture du contrat de travail mais correspond au montant de la rémunération légalement due au salarié en raison de l’exécution d’un travail entre 35 et 39 heures (Cass. soc. 31 octobre 2007 n° 04-17.096).

2.2. Sommes incluses

Les indemnités ou sommes inhérentes à la rupture de contrat, quelle que soit leur nature, dont le montant ou les modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application de dispositions législatives, entrent dans l’assiette de calcul du différé spécifique.

Il s’agit, d’une part, des indemnités ou sommes prévues par des dispositions autres que législatives et, d’autre part, de la fraction des indemnités ou sommes versées au-delà des minima ou des maxima prévus par la loi.

Pour l’essentiel, sont visées :

- L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle pour la fraction excédant le montant de l’indemnité légale de licenciement ;
- L’indemnité conventionnelle de licenciement, pour la part dépassant l’indemnité légale ;
- L’indemnité transactionnelle ;
- Les sommes prévues dans le cadre d’un PSE pour la part dépassant les minima légaux ;
- Les indemnités versées au VRP, pour la part dépassant l’indemnité légale de licenciement ;
- Les indemnités de non-concurrence ;
- L’indemnité forfaitaire de conciliation pour la part excédant le montant résultant de l’application du barème de l’article D 1235-21 du Code du travail ;
- Les indemnités accordées par le juge en cas de licenciement irrégulier ou dépourvu de cause réelle et sérieuse (C. trav. art. L 1235-2 et L 1235-3) pour la part excédant les minima légaux ou attribuées au salarié ayant moins de 2 ans d’ancienneté ou occupé dans une entreprise occupant moins de 11 salariés (Cass. soc. 15 juin 2010 n° 08-20.513).

Ici encore, si tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail ayant ouvert des droits, le demandeur d’emploi et l’employeur sont dans l’obligation de les déclarer.

Les allocations indûment perçues par l’allocataire doivent alors être remboursées, qu’elles soient versées en exécution d’une décision de justice, à l’amiable ou à titre transactionnel (RG, art. 21 § 2 ; Circ. Unédic 2014-26 du 30 septembre 2014).

2.3. Calcul du différé spécifique

Le différé spécifique correspond à un nombre de jours égal au nombre entier obtenu en divisant le montant total des sommes incluses (cf. § 2.2.) diminué, le cas échéant, du montant résultant directement de l’application d’une disposition législative (cf. § 2.1), par 90.

Ex. un salarié a conclu une rupture conventionnelle et perçu à cette occasion une indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 20 000 € alors que son indemnité légale de licenciement (théorique) s’élevait à 8000 €. Son différé d’indemnisation est de 133 jours (20 000 - 8000 / 90).

Le différé spécifique est plafonné à 180 jours, ramenés à 75 jours lorsque le contrat de travail a été rompu pour motif économique.

Ce plafond est donc atteint lorsque que le montant des indemnités supra-légales est supérieur ou égal à 16 200 € hors rupture pour motif économique (16 200 / 90 = 180 jours) et 6750 € en cas de rupture pour motif économique (6750 / 90 = 75 jours).

Précisons que le différé « congés payés » et le différé spécifique sont applicables à toute prise en charge par Pôle Emploi et qu’ils se cumulent.

3. Le délai d’attente

L’article 22 du RG prévoit un report de la prise en charge au terme d’un délai d’attente de 7 jours applicable à tous les demandeurs d’emploi.

Le délai d’attente est applicable à tous les cas de pris en charge : ouverture de droits, reprise du paiement de l’allocation et rechargement des droits.

Il s’agit d’un délai dit « préfix », qui ne peut faire l’objet ni d’une interruption ni d’une suspension.

Le point de départ du délai d’attente est fixé (RG, art. 23) :

- Soit au lendemain du différé d’indemnisation congés payés et du différé d’indemnisation spécifique applicables, si l’intéressé est inscrit comme demandeur d’emploi à cette date et si les autres conditions d’attribution des allocations sont remplies ;

- Soit au jour de l’inscription comme demandeur d’emploi, si celle-ci a lieu à l’issue du différé d’indemnisation congés payés et du différé d’indemnisation spécifique, ou à partir du jour où toutes les conditions d’attribution des allocations sont satisfaites.

NB. Le délai d’attente ne joue pas si Pôle Emploi l’a déjà appliqué dans les 12 mois précédents (RG, art. 22 al. 2). Le point de départ de ce délai de 12 mois est la date à laquelle le délai d’attente a effectivement commencé à courir dans le cadre d’une précédente prise en charge.

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Discussions en cours :

  • Bonjour
    J’ai signé une rupture conventionnelle , je suis en fin de vacances le 3 octobre 2017
    - on me propose un CDD avant mon inscription à pole emploi
    - que se passe t’il au niveau du différé , si ce CDD ne me convient pas , et que je démissionne
    - Pole emploi me dit au téléphone que ma période de carence serait de 90 jours ?
    _Merc
    _

  • par Fabien , Le 18 janvier 2017 à 13:02

    Bonjour, j’ai été licencié et mon ancien employeur à commencer à me verser mes indemnités de non concurrence 3 mois après la fin de mon contrat, ils m ont versé les 3 mois d un coup.
    Ma question est vais jedevoir procéder à un remboursement de mes indemnités chômage et est ce que les indemnités de non concurrence sont elles cumulable avec celles du chômage ? Merci.

  • Bonjour,

    J’ai une question portant sur le calcul du différé d’indemnisation vis à vis des anciens droits.
    En effet, par mes nouveaux droits, j’ai eu une indemnisation "congés payés" de 3515€ brut ( soit environ 2800nets) pour environ 40 jours de congés et sachant que j’ai plus d’un an et demi d’ancienneté. Pôle emploi a estimé à 76 jours ce différé. Ce qui est assez long. Après explication, ils se sont basés sur le calcul suivant = Indemnisation congés payés/salaire de référence brut journalier. Sauf qu’ils ont pris en compte le salaire de référence brut journalier de mes anciens droits ( un reliquat de 107 jours qui ne comporte par ailleurs aucune indemnisation congé). Ils m’ont simplement dit que c’était dans la nouvelle convention de 2014. Cependant, je ne trouve aucune réponse concernant ce calcul du différé se basant sur le salaire de référence brut des anciens droits. Avez-vous cette information ? De plus, si cela est vraiment le cas, n’est pas illogique ?

  • Bonjour,

    J’ai commencé mon CUI le 01/02/2016 jusqu’au 31/01/2017.
    Sachant, que mon contrat sera renouvelle à compter du 01/02/2017.
    Ma conseillère Pôle emploi m’a dit que j’aurais une carence de 7 jours.

    Alors que en fin de CDD, je ne percevrais pas d’indemnité de précarité, ni les Congés Payés car ils seront pris.

    Le CUI est déjà un emploi précaire et le Pôle emploi, nous mets une difficulté financière en plus.

    Y a-t-il un moyen de faire entendre au Ministère du Travail ou au Responsable de Pôle Emploi, de supprimer cette carence de 7 jours ? Sachant aussi que l’employeur de l’Education Nationale a 95% d’Aide de subvention par mois sur chaque salarié CUI.

    C’est à dire que le lycée qui m’emploie, paye seulement, 40 Euros par mois sur 682 € net de mon salaire.

    Merci l’ASP.

    S’il vous plaît , y a-t-il un moyen de se faire entendre svp ?

    Cordialement

  • Inscrite à PE depuis le 1er octobre 2013 suite à un licenciement économique à l’age de 59 ans, j’ai perçu des AJ à partir du 14 février 2014.
    Le 1er février 2015 j’ai eu un CDD d’un an de 20h en CUI et continuais donc à percevoir des AJ de PE.
    Le 31 janvier 2016, date de fin de mon CDD, PE me dit que je suis désinscrite.
    Je me manifeste, ma conseillère me répond que c’est suite à la fin de mon cdd et que c’est dû à l’outil informatique. Je suis réinscrite mais je subis un délai d’attente de 7 jours.
    Après de multiples échanges avec PE, j’ai reçu aujourd’hui un courriel de PE :

    "Au regard de la règlementation et suivant confirmation de ma responsable règlementaire, je vous confirme que les 7 jours de délais d’attente ne vous sont pas opposables".

    J’ imagine que cela est dû au fait que mes droits courraient jusqu’ à ma retraite qui sera effective le 1er aout 2016. Ou est-ce dû à cette automatisation de désinscription à la fin d’ un CDD ?

    Ce délai d’attente est vraiment très flou et ce que l’on peut constater, c’est que si on n’est pas vigilant et tenace, on est vite supprimé des demandeurs d’emploi.

    Pour ma part, j’aurais pu prétendre à la retraite à 60 ans, ayant tous les trimestres requis, mais je subis la réforme des retraites.

    Merci de vos explications, et vos réponses, elles peuvent aider beaucoup de personnes

    • par DÉSESPÉRÉ , Le 20 septembre 2016 à 12:35

      Bonjour
      J’ai été licencié dans le cadre d’un PSE
      - dernier jour de travail le 31 12 2015
      - Congé de reclassement du 01 01 2016 au 31 08 2016 interrompu par
      - CDD du 18 01 2016 au 31 07 2016 donc plus de 6 mois
      - indemnité supra legales + CP chez employeur sous CDI

      Ma question est simple : comment pôle emploi va t il calculer ma carence ?

      D’avance merci de vos réponses

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