Marques contre autres signes distinctifs, par Aurélie Le Blaye, Juriste

Marques contre autres signes distinctifs, par Aurélie Le Blaye, Juriste

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Explorer : # signes distinctifs # marque communautaire # portée géographique # portée économique

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Parmi les droits antérieurs pouvant faire obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire ou, après son enregistrement, pouvant fonder une action en nullité à son encontre, figurent les "signes utilisés dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale" (1).

Ces signes distinctifs sont de natures variées : dénomination sociale, nom commercial, appellation d’origine, etc.

Ils peuvent être opposés à une marque communautaire à condition :
- qu’ils soient utilisés dans la vie des affaires ;
- que leur portée ne soit pas seulement locale ;
- que les droits sur ces signes aient été acquis avant la date de dépôt de la marque ou avant la date de priorité revendiquée lors de son dépôt ;
- que ces signes donnent le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, selon le droit national dont ils relèvent.

Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) s’est prononcé récemment et à deux reprises sur le sens de l’expression "dont la portée n’est pas seulement locale".

Dans un arrêt du 24 mars 2009, il a tout d’abord précisé que cette condition doit être interprétée uniformément au regard du droit communautaire et non de la législation nationale applicable au signe invoqué.

Selon le Tribunal, un signe a une portée qui n’est pas seulement locale sur un territoire dès lors que son "importance n’est pas limitée du point de vue des tiers concernés à une partie réduite du territoire pertinent" telle qu’une ville ou une province (2).

Cette importance doit être appréciée au regard de la dimension géographique de la portée du signe, ce dernier devant être utilisé plus largement qu’à une échelle locale, et au regard de la dimension économique de la portée du signe, appréciée au regard de la durée et de l’intensité de son usage.

Le Tribunal précise que le fait qu’un signe confère à son titulaire un droit exclusif sur l’ensemble du territoire national est insuffisant en lui-même pour établir que sa portée n’est pas seulement locale.

La portée du signe viserait donc la portée géographique et économique de son usage et non sa portée juridique.

Or, le Tribunal avait précédemment énoncé que cette notion visait "l’étendue de [la] protection [du signe]" ou "la portée du signe en cause et non la portée de son utilisation" (3).

Il s’était attaché à la portée juridique du signe, c’est-à-dire au territoire sur lequel son titulaire bénéficie d’un droit exclusif, et non au territoire sur lequel il est exploité.

Les deux notions peuvent parfois se recouper dans les faits mais ce n’est pas systématiquement le cas. Surtout, elles sont totalement distinctes sur le plan juridique.

Les deux arrêts du Tribunal, rendus à quelques mois d’intervalle, semblent donc difficilement conciliables.

Ils laissent entière la question de savoir si un signe dont la portée juridique est nationale, comme une dénomination sociale, mais qui est utilisée seulement localement, peut constituer un droit antérieur opposable à une marque communautaire.

La Cour de Justice ne s’est malheureusement pas encore prononcée sur la question. Sa saisine permettra peut-être d’éclaircir ce point.

Aurélie LE BLAYE

Juriste Propriété Intellectuelle

Cabinet WAGRET, Conseils en Propriété Industrielle

www.wagret.com

(1) Articles 8 et 52 du Règlement sur la Marque Communautaire

(2) TPICE, 24 mars 2009, T-318/06 à T-321/06, Alberto Jorge Moreira da Fonseca c/ OHMI et General Optica, SA

(3) TPICE, 16 déc. 2008, T-225/06, T-255/06, T-257/06 et T-309/06, Budjovicky Budvar c/ OHMI et Anheuser-Busch, Inc.

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