Migrer des données n’est pas contrefaire.

Par Bernard Lamon, Avocat

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Explorer : # interopérabilité # migration de données # droit du logiciel # contrefaçon

La cour de cassation a rendu un arrêt très important le 20 octobre 2011, qui permet à au client de changer de logiciel plus facilement et à l’éditeur de logiciel qui veut récupérer les données d’un logiciel concurrent de le faire... sous conditions...

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La Cour de cassation a rendu un arrêt très important en matière de droit du logiciel le 20 octobre 2011. Ce n’est pas si fréquent, donc il faut en profiter !

La question concerne en pratique la migration des données. Quand un client veut passer d’un logiciel de gestion à un autre, il souhaite récupérer les données produites par l’ancien logiciel. Il est crucial pour l’éditeur du nouveau logiciel de proposer ce service de migration (on l’appelle aussi : « la récupération »). Cette opération peut-elle constituer une contrefaçon ?

Pour pouvoir réaliser cette migration, l’éditeur du nouveau logiciel doit souvent, en pratique, étudier le fonctionnement de l’ancien logiciel.

Est-ce que l’éditeur de l’ancien logiciel peut s’y opposer ?

Dans l’affaire tranchée par la Cour de Cassation, la situation en pratique était assez compliquée : le logiciel s’adressait à la profession des huissiers de justice. Il avait été développé par une seule personne successivement au sein de plusieurs sociétés. Ce qu’il faut retenir est que, en dernier lieu, un logiciel appartenait à la société FIDUCIAL et que son concurrent, la société ALPHAPI, détenait le logiciel FIDUCIAL pour assurer la migration des données vers le logiciel ALPHAPI. La société FIDUCIAL a donc fait un procès en contrefaçon en réalisant d’abord une saisie contrefaçon dans les locaux de la société ALPHAPIDans le procès en contrefaçon, ALPHAPI a fait valoir l’exception d’interopérabilité et cette exception qui a été acceptée par la Cour de Cassation.

Reprenons le raisonnement en quelques mots : détenir un logiciel sans autorisation et en faire une copie ou une exécution est une contrefaçon. Mais le code de la propriété intellectuelle permet de détenir un logiciel sans autorisation de l’auteur notamment pour en étudier le fonctionnement et aussi pour assurer l’interopérabilité avec d’autres logiciels. cette exception est prévue à l’article L. 122-6-1-V du code de la propriété intellectuelle et elle a été prévue par la directive numéro 91/250 du 14 mai 1991 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur. Elle est généralement entendue strictement, ce qui signifie qu’il faut se trouver très exactement dans le cadre de cette exception pour pouvoir en bénéficier. Un pas de côté, et c’est la contrefaçon ! La Cour de Cassation précise que les opérations de migration de données, commandées par les clients de ALPHAPI qui étaient titulaires de la licence sur le logiciel FIDUCIAL s’inscrivaient dans les strictes nécessités de l’interopérabilité.

Il n’y avait donc pas contrefaçon.

En pratique, cette décision permet donc au client de changer de logiciel plus facilement et à l’éditeur de logiciels qui veut récupérer les données d’un logiciel concurrent de le faire plus facilement. Attention néanmoins, car les conditions de l’interopérabilité, même si elles ont été acceptées dans le cas précis, sont quand même toujours des conditions strictes. Il est donc préférable de vérifier avant de se lancer dans une aventure en la matière (surtout si l’on pressent que le concurrent peut être agressif sur le plan judiciaire…).

Bernard LAMON, avocat spécialiste en droit de l’informatique et des télécommunications
www.lamon-associes.com et www.bernardlamon.fr

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