Dans six jugements en date du 15 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Paris a considéré que l’accord donné par un artiste - interprète pour l’exploitation de sa prestation sous forme de phonogramme du commerce, incluait la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant.
Cette solution nouvelle revête un intérêt notable, car c’est la première fois qu’un tribunal se prononce sur la licéité de l’exploitation de phonogrammes du commerce par des plateformes de téléchargement payant au regard de l’autorisation initialement consentie par les artistes-musiciens.
La problématique de la violation des droits d’auteur et droits voisins sur internet, ne se limite pas à l’échange d’œuvres sans autorisation via les réseaux « peer to peer », comme le démontrent ces six jugements.
En l’espèce, la SPEDIDAM (Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes Interprètes de la Musique et de la Danse) avait assigné six plateformes de téléchargement légal de musique en ligne (Fnac, Itunes…) pour avoir mis à disposition au public plus de 250 titres, sans avoir sollicité l’accord des artistes – interprètes. En effet, selon la société de gestion collective, les musiciens ayant participé à ces enregistrements n’avaient donné leur autorisation qu’en vue de la réalisation de « phonogrammes publiés à des fins de commerce », cette notion s’entendant selon elle comme la commercialisation de supports physiques, excluant ainsi le téléchargement à la demande qui doit faire l’objet d’une nouvelle autorisation écrite par l’artiste conformément à l’article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle (et logiquement d’une nouvelle rémunération).
La question de droit principale que le Tribunal devait trancher était donc la suivante : L’autorisation donnée pour la réalisation d’un enregistrement sonore et l’édition de tous supports sonores de cet enregistrement pour la publication à des fins de commerce se limite-t-elle aux supports tangibles comme le prétendait la SPEDIDAM ?
Pour analyser la portée de l’autorisation donnée par les musiciens, le Tribunal va préciser ce qu’il faut entendre par « phonogrammes publiés à des fins de commerce », en s’appuyant sur la définition prévue dans les feuilles de présence signées par chacun des artistes, et dans les dispositions de la Convention de Rome de 1961 et des travaux parlementaires de la loi de 1985 sur les droits voisins.
Les juges parisiens estiment que la référence, dans la feuille de présence, à « tous supports sonores » n’est pas exclusive des supports non matériels.
En outre, la Convention de Rome définit le phonogramme comme « toute fixation exclusivement sonore de sons provenant d’une exécution ou d’autres sons » et la publication comme « la mise à disposition du public d’exemplaires d’un phonogramme en quantité suffisante ».
Le Tribunal en déduit que la notion d’exemplaires mis à la disposition du public n’implique pas nécessairement l’existence d’un support physique.
Par conséquent, l’autorisation donnée pas les artistes-interprètes vaut pour la reproduction de leur prestation sur internet en vue de la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant. Le Tribunal pose le principe selon lequel « l’exploitation autorisée par les artistes interprètes (…) inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ».
La SPEDIDAM a donc été déboutée de ses demandes, et fait savoir qu’elle comptait interjeter appel de ces six jugements très favorables aux plateformes payantes de téléchargement.
Par Damien Rémy, Avocat
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