Dans un arrêt rendu le 26 avril 2017 (n° 15-25.204), la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que la conduite de la procédure de licenciement par une personne extérieure à l’entreprise (en l’occurrence, l’expert-comptable), nonobstant la signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l’employeur par cette personne, rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La finalité de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise, comme c’est le cas de l’expert-comptable, pour conduire la procédure de licenciement jusqu’à son terme.
Ce principe découle de l’article L. 1232-6 du Code du travail sur lequel se fonde la Cour de cassation : lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Par principe, il incombe à l’employeur de procéder à la notification du licenciement.
Cette règle a reçu un accueil plutôt souple par la jurisprudence, qui considère que la lettre de licenciement peut être signée par le représentant légal de la personne morale ou par un de ses salariés ayant reçu une délégation de pouvoir. Par exemple, la signature de la lettre de licenciement pour ordre au nom du directeur des ressources humaines sans mention de l’identité de la personne signataire a été jugée valable (Cass. Soc., 10 novembre 2009, n° 08-41.076).
La délégation de pouvoir n’est pas nécessairement écrite. Elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié (Cass. Ch. Mixte, 19 novembre 2010, n° 10-10.095). Cependant, elle ne doit pas conférer un caractère vexatoire au licenciement prononcé (Cass. Soc., 28 octobre 2002, n° 00-44.548 : sur la signature de la lettre de licenciement pour ordre par une secrétaire hiérarchiquement subordonnée au salarié licencié).
En pratique, il convient donc de s’assurer que la lettre de licenciement soit signée par une personne habilitée (en ce sens : Cass. Soc., 30 septembre 2010, n° 09-40.114), qui n’est pas étrangère à l’entreprise, ce qui exclut, dans le cadre d’un mandat, tous les intervenants extérieurs, comme un avocat ou un expert-comptable (Cass. Soc., 7 décembre 2011, n° 10-30.222).
La qualité du signataire de la lettre de licenciement revêt une importance considérable au regard de la sanction encourue. En effet, la procédure de licenciement menée par une personne qui n’a pas le pouvoir de licencier ne constitue pas une simple irrégularité de procédure, mais rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 26 avril 2006, n° 04-42.860 ; Cass. Soc., 25 septembre 2013, n° 12-14.991).
Enfin, l’employeur ne justifie pas du pouvoir de l’auteur du licenciement lorsque la signature de la lettre de licenciement est illisible et que la mention « le responsable » ne permet pas d’en identifier l’auteur, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 16 juin 2016, n° 14-27.154).
Discussions en cours :
si l’entreprise (TPE) ne dispose pas de responsable RH. Un associé (même minoritaire), s’il n’est pas salarié de cette dite entreprise, peut-il néanmoins recevoir pouvoir de représenter l’employeur lors de l’entretien préalable ?
Bravo à la Cour de Cassation pour sa rigueur formelle et bien fait pour l’expert-comptable qui, trop souvent, s’arroge des pouvoirs qu’il n’a pas. N’oublions pas qu’un licenciement est avant tout un acte juridique majeur.
Que les experts-comptables s’occupent de comptabilité en cessant de considérer le social comme un "accessoire" à leur activité et les vaches sociales seront bien gardées.
Le code du travail est d’application stricte : lorsque j’ai été (dans une autre vie) avocat spécialiste en droit du travail, j’ai toujours trouvé normal de refuser à mes clients employeur de les représenter ou de leur tenir la plume... En signant à leur place !
Christian Tessier avocat honoraire (ex spécialiste !)
ancien Bâtonnier - médiateur agréé