Projet de révision du système européen des marques : quels impacts sur votre portefeuille de marques ?

Par Mathilde Ponchel, CPI et Pauline Raymond, Juriste Stagiaire.

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Explorer : # réforme des marques # usage des marques # procédures administratives # portefeuille de marques

Début 2013, la Commission proposait une révision du système européen des marques mis en place par le Règlement des marques communautaires (Règlement (CE) n° 207/2009) et la Directive d’harmonisation des systèmes nationaux des marques (Directive 2008/95/CE). L’objectif affiché de la Commission est celui de moderniser et rationaliser le système des marques en Europe.
Le chantier est de taille puisque le projet de révision vise à la fois la marque communautaire et la législation des marques nationales de chaque État membre. Lancé en novembre 2013, le travail devrait s’achever en fin d’année 2014 avec le vote du parlement européen, co-législateur sur le projet (et c’est suffisamment rare pour être signalé !).

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A ce stade, un certain nombre de propositions sont sur la table. Parmi celles-ci on peut citer notamment :
-  Un changement terminologique. Ainsi, on ne dira plus « marque communautaire », ni « Organisation pour l’Harmonisation du Marché Intérieur (OHMI) » mais «  marque européenne  » et « Agence de l’Union Européenne pour les Marques et les Dessins et Modèles ». Cette modification terminologique n’aura en réalité aucun impact.

-  Un nouveau barème des taxes de dépôt. En effet, jusqu’à présent l’OHMI applique un forfait de 900 euros pour les trois premières classes. Avec le nouveau système, le barème des taxes sera calculé classe par classe. Ainsi, un dépôt en une classe coûtera 775 euros, auquel il faudra ajouter 50 euros pour la deuxième classe, 75 euros pour la troisième classe. L’objectif affiché est celui d’abaisser le coût de dépôt pour les petits déposants, en particulier les PME [1].

-  La modification de la définition de la marque en supprimant le premier critère de la représentation graphique afin d’ouvrir la protection du droit des marques à d’autres signes qui jusqu’à présent était difficilement protégeables. On pense notamment aux marques sonores, olfactives voire même gustatives. La possible protection de ces signes pourra donc (enfin) se concentrer sur leur capacité à distinguer des produits ou services, leur distinctivité, et non leur possible représentation graphique [2].

Parmi ce florilège de propositions de réformes, la modification la plus impactante est sans doute celle liée aux modifications des procédures laissant une place accrue à la nécessité d’un usage sérieux des marques enregistrées.
 Modifications des procédures : l’usage de la marque au cœur des débats.
L’usage de la marque par le titulaire fait l’objet de plusieurs dispositions du projet de réforme. Pour rappel, le titulaire de marque est tenu d’exploiter sa marque, d’en faire un usage sérieux, dans les 5 ans après son enregistrement. Dans le cas contraire, la marque pourra être annulée et l’opposition se fondant sur une telle marque pourra être rejetée.

La directive prévoit l’obligation pour tous les États membres de mettre en place auprès des offices nationaux des procédures administratives d’opposition, de déchéance et de nullité.

En France, à ce jour, seule la procédure d’opposition est une procédure administrative. La déchéance et la nullité d’une marque devant faire l’objet d’une procédure judiciaire. L’introduction de ces deux nouvelles procédures administratives va donc faciliter ces demandes en abaissant les coûts et les durées de ces procédures. La contestation de la marque postérieurement à l’enregistrement sera plus accessible et donc plus fréquente.

Notons au passage que les prochaines années seront sans aucun doute des années fastes pour l’INPI. En effet, l’ouverture récente de la procédure d’opposition aux indications géographiques et aux collectivités territoriales devrait déjà entraîner une augmentation de plus de 20% du nombre de dossiers d’opposition [3]

Le projet de réforme prévoit également l’obligation pour les Etats d’introduire l’absence d’usage (des marques enregistrées depuis plus de 5 ans) comme moyen de défense à une procédure d’opposition. Aujourd’hui, la clôture de l’opposition en cas de non-usage de la marque antérieure est déjà prévu au niveau communautaire et dans la plupart des pays européens (et notamment la France).

Toutefois, la façon dont les offices prennent en compte le non-usage présente des différences notables. Ainsi, par exemple, au niveau communautaire, l’opposition sera limitée aux seuls produits ou services pour lesquels des preuves d’usage ont été apportées par l’opposant [4]. En revanche, en France, l’INPI se limite à une analyse de la pertinence « avérée » des preuves d’usage fournies et reconnait l’opposition fondée sur l’ensemble des produits et services dès lors que les preuves d’usage fournies démontrent l’exploitation d’au moins un des produits ou services sur lesquels est fondée l’opposition. L’harmonisation de cet examen sur l’exemple communautaire va donc renforcer les conditions de preuve de l’usage dans le cadre de procédure d’opposition.

Ainsi, dans le cadre d’une opposition fondée sur une marque déchéable, le titulaire pourra s’opposer uniquement à l’enregistrement d’un signe similaire en rapport aux seuls produits et services effectivement exploités.

Ces modifications sont potentiellement impactantes pour votre portefeuille de marque car le non-usage d’une marque ou d’une partie d’une marque affecte directement l’étendue réelle de votre monopole.

Par chance, le temps législatif européen est long, et, la transposition de la directive est encore bien loin. Profitez de ce délai, dès à présent, pour mettre en place des bonnes pratiques afin de vous prémunir du risque de déchéance de vos marques.

 Bonnes pratiques et bons réflexes : comment se prémunir des risques de déchéance et de rejet d’une opposition pour non usage ?

Pour les nouveaux dépôts : une attention particulière aux classes de produits et services visées.

Un libelle large augmente votre protection mais comprend des risques et afin de réduire les coûts et de sécuriser le dépôt contre les risques de déchéance, il peut s’avérer utile de bien intégrer à votre stratégie de dépôt un ciblage clair et précis des classes de produits et services envisagés en fonction de votre projet et de votre cœur d’activité. Un arbitrage est à faire selon vos ambitions pour votre marque.

Pour les marques déjà enregistrées : adaptez votre politique de marque !

 Réaliser une photographie de votre portefeuille de marques afin d’identifier vos marques déchéables et non exploitées et pour vos marques exploitées les activités vulnérables.

 Mettre en place une politique de re-dépôt ou de ré-exploitation concernant les marques ou les activités stratégiques (ou que vous ne pouvez tolérer chez un tiers).

 Bâtir ou adapter votre stratégie de réaction afin de ne pas mettre en danger certaines marques (négociations d’accords, dépôts effectués pour servir de base à vos réactions).

 Organiser la sélection et la consignation régulière des preuves d’usage de vos marques car en matière d’usage le nerf de la guerre est bien sûr la preuve de cet usage !

Rappelons que tous les modes de preuves sont acceptés. Les preuves d’usage doivent néanmoins être datées et sans équivoque. La marque doit être identifiable et correspondre au signe figurant sur le dépôt (même si dans certains cas particuliers un usage d’une marque légèrement différente du dépôt peut justifier l’usage de la marque déposée). [5].

La propriété industrielle est une matière en mouvement. Les Directions Juridiques ont donc notamment pour défis (grâce à leur Cabinet de PI) :

-  de se tenir à jour des nouvelles règles,
-  d’adapter leur Politique de Marque en intégrant régulièrement les nouveautés en la matière (chaque situation est dès lors anticipée),
-  de passer au scanner leur portefeuille de marque au regard des nouvelles législations.

Ces réflexes intégrés à la Politique de Marque permettent d’aider les Directions Juridiques pour répondre à la nouvelle exigence des Directions Générales : le ZBB (Zero-Based Budget). Le budget base zéro est une technique budgétaire et de prise de décision qui a pour objectif d’allouer les ressources de manière la plus efficace possible en « repensant » chaque dépense.

Pauline RAYMOND Juriste Stagiaire Inlex IP Expertise
Mathilde PONCHEL CPI Inlex IP Expertise. Co fondatrice département LEXPERFORM http://www.inlex.com/departements/lexperform/

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