Le Conseil d’État a été saisi le 4 mai 2008 par le Gouvernement pour des modifications éventuelles sur les mesures de surveillance des communications internationales, afin de faciliter la surveillance des menaces terroristes ou des cyberattaques en particulier.
Tout en concluant sur des questions techniques [2], le Conseil d’État a apporté une réponse favorable aux propositions de modifications du Gouvernement, notamment grâce aux garanties apportées par le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), tout en sachant qu’actuellement, cette mesure de renseignement est actuellement conditionnée par une procédure de saisine très spécifique.
I/ Des garanties apportées par le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Si des modifications doivent être apportées aux surveillances des communications internationales, l’une de ces avancées majeures serait de rendre obligatoire l’avis de l’autorité administrative indépendante pour la surveillance des communications et/ou des données de connexion (numéros d’abonnés ou identifiants) justifiant de l’immédiateté [3], ou, à tout le moins, de mettre en place une nouvelle procédure d’autorisation qui serait spécifique à ces surveillances [4].
Si ces vérifications supplémentaires vont dans le sens des exigences demandées par le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme en matière de respect du droit à la vie privée [5], il n’en reste pas moins que les dispositions potentielles ayant trait aux vérifications devraient comporter « les éléments utiles et pertinents pour caractériser la mesure de surveillance permise et préciser les garanties dont elles seront assorties » [6].
Ainsi, des modifications seraient apportées avec une probable saisine obligatoire de la CNCTR pour toute mesure touchant aux surveillances internationales, ce qui alignerait cette mesure avec les autres techniques de recueil de renseignement nécessitant une saisine préalable de la CNCTR, hors situation d’urgence absolue. [7].
Plus encore, le contrôle de la CNCTR aurait aussi trait aux mesures de surveillance des communications internationales qui seraient rattachables au territoire national, c’est-à-dire quand un numéro d’abonnement ou un identifiant technique serait rattaché à la France. Ce contrôle concernerait plus précisément de telles mesures au regard de finalités strictement définies [8] – mais toujours liés à la protection de la sécurité nationale [9] –, avec un contrôle du juge administratif in fine [10].
C’est en raison de modifications potentielles ayant pour but d’apporter de nouvelles garanties, tout en évitant [11] de toucher au droit au recours de l’article L. 854-9 [12] du Code de la sécurité intérieure [13], que la Haute juridiction administrative ne voit aucun motif de censure potentielle du Conseil constitutionnel [14]. Les modifications ainsi proposées auraient donc pour but de compléter un dispositif critiqué, en raison de la particularité de la mesure de surveillance des communications internationales.
II/ Une saisine propre au contentieux des mesures de surveillance des communications internationales.
Si les requérants ont la faculté de saisir le Conseil d’État en matière de techniques de renseignement [15], une réserve est faite cependant pour les mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Aujourd’hui, la demande doit obligatoirement transiter d’abord par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui décidera ou non ensuite, d’exercer une requête devant le Conseil d’État, si une telle mesure de surveillance existait [16].
D’autre part, seule cette Commission peut saisir le Conseil d’État, après avoir émis un avis défavorable au Premier ministre et, dans l’hypothèse où le chef du Gouvernement n’aurait pas souhaité suivre cet avis concernant la mise en place de cette mesure [17].
Le filtrage a été volontairement mis en place afin de limiter un encombrement des prétoires sur un sujet aussi sensible que la protection de la sécurité nationale assurée ici par la Direction générale de la sécurité extérieure, qui ne peut se permettre de voir ses missions réduites, voire lésées, par les différentes requêtes qui pourraient être formées devant le juge administratif [18].
Mais, initialement, faute de toute garantie, le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions initiales inscrites dans le projet de loi relatif au renseignement, puisqu’aucune voie de recours n’y était prévue à ce sujet. [19].
Avec la procédure actuelle, et alors même que le contentieux des techniques de renseignement déroge au droit commun, ce contentieux des surveillances internationales est donc encore plus spécifique et dérogatoire, ce qui s’explique par le fait qu’il concerne le domaine d’action du service de renseignement extérieur français. Néanmoins, « la dérogation n’étant pas mineure » [20], et, en se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi du 30 novembre 2015 sur la surveillance des communications internationales. [21], le juge administratif a préféré rappeler que le législateur avait concilié au maximum la protection des intérêts fondamentaux de la Nation justifiant les surveillances internationales et l’exercice de garanties procédurales. [22].
Pour le moment, il n’y a seulement qu’une seule jurisprudence à ce sujet. En l’espèce, après avoir fait une demande auprès de l’autorité administrative indépendante, le requérant avait néanmoins saisi le Conseil d’État. Après avoir rappelé que cette procédure était dérogatoire, la Haute juridiction administrative l’avait jugée conforme à la Constitution, eu égard à la conciliation entre le droit à un recours juridictionnel effectif et la protection du secret de la défense nationale. La formation spécialisée rejeta la requête en tant qu’elle était irrecevable [23].
Même si un filtrage est nécessaire pour des raisons de sécurité nationale, le droit au recours indirect marque un pas important en matière de garanties procédurales pour la surveillance des communications internationales. L’enjeu majeur dans cette affaire est de protéger le droit au respect de la vie privée contre d’éventuels abus tout autant que de permettre d’assurer à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sa mission au mieux, face aux nombreuses et différentes menaces. L’une des difficultés principales sera peut-être alors la probable saisine obligatoire de ces mesures de renseignement, qui nécessitent (très) souvent l’immédiateté au regard de l’imminence des menaces portées contre la France et sa population.
Sans vouloir faire barrage aux garanties procédurales, il ne faut cependant pas que ces recours et autorisations préalables ne soient un frein à la protection de la sécurité nationale.