L’intérêt d’introduire un référé
En droit administratif, l’administration dispose d’une prérogative que tout justiciable lui envie : le privilège du préalable selon lequel les décisions prises par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics qui en dépendent sont exécutoires de plein droit.
Cela signifie que leurs décisions n’ont pas besoin de sanction d’une quelconque autre autorité pour s’appliquer immédiatement aux situations qu’elles sont censées régir et que bien que pouvant être déclaré illégal ultérieurement, l’acte va produire ses effets dès sa notification à l’intéressé.
Il en va ainsi particulièrement en matière de fermeture administrative, l’arrêté du préfet ordonnant une telle mesure s’appliquant immédiatement à l’établissement concerné qui doit fermer ses portes dès la notification de l’arrêté, généralement faite par un officier de police ou par courrier recommandé, plus rarement.
Le choix de deux référés distincts
Compte tenu des conséquences dramatiques que ne manquent pas d’avoir une telle mesure sur un commerce, le droit prévoit des garde-fou sous la forme de deux recours en référé permettant chacun d’obtenir la suspension de l’arrêté sans obéir toutefois aux mêmes conditions et au même régime.
Tout d’abord, le référé-liberté permet d’obtenir la suspension de l’arrêté de fermeture administrative dans un délai de 48 heures à compter de la saisine du juge.
Toutefois, il s’agit d’un recours difficile d’accès, dès lors qu’il faut être en mesure de justifier d’une part, d’une urgence particulière rendant nécessaire l’intervention, dans les 48 heures, d’une suspension et, d’autre part, que l’arrêté porte une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, en l’occurrence la liberté d’entreprendre (CE, 21 mai 2016, China Town Belleville, req. n°399955).
Qui plus est, le juge du référé-liberté doit être saisi dans un délai extrêmement court qui demande une très forte réactivité de l’exploitant et de son conseil, la condition d’urgence étant présumée non remplie au cas où le requérant attend plusieurs jours avant d’introduire son recours (CE, 4 mai 2015, SARL FJCP, req. n°389897, pour un référé introduit une semaine après la notification de l’arrêté).
Le référé-suspension, quant à lui, connaît des chances de succès plus grandes, car il suffit de démontrer une urgence justifiant que sans attendre le jugement de la requête au fond l’exécution de la décision doit être suspendue et l’existence d’un simple doute sur la légalité de la décision, ce qui est admis plus facilement par exemple en présence de motifs erronés dans l’arrêté ou de procédure contradictoire non suivie.
En revanche, ce référé met plus de temps à être jugé (environ 2 ou 3 semaines) et doit, à peine d’irrecevabilité, être précédé par l’envoi d’une requête au fond demandant l’annulation de l’arrêté.
La démonstration de l’urgence
Selon une jurisprudence bien établie, la condition d’urgence est remplie lorsque l’exécution d’un acte administratif porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre.
L’urgence s’apprécie concrètement compte tenu des éléments fournis par le requérant. A cette occasion, toutes pièces peuvent être fournies démontrant que l’équilibre financier de l’établissement est menacé à brève échéance compte tenu des gains escomptés dont il serait privé durant la période de fermeture, entrainant des conséquences économiques difficilement réparables (CE, 28 octobre 2011, SARL PCRL Exploitation, req. n°353533, mentionné aux tables du Recueil Lebon).
L’exploitant doit établir que les conséquences attachées à la fermeture durant le temps qu’il reste à courir continueront de menacer sérieusement l’équilibre financier de l’établissement au moment où le juge statue, ce qui est rendu plus difficile lorsque la durée de fermeture est courte (CE, 8 avril 2016, Société Élysées Restauration, req. n°398476).
Ainsi, il sera conseillé, sauf circonstance particulière, de ne pas introduire de référé lorsque la durée de fermeture n’excède pas quinze jours et de préférer alors une action indemnitaire en réparation du préjudice subi en raison de la fermeture, dès lors que celle-ci s’avère injustifiée au fond.
Pour établir l’urgence, il est conseillé de disposer d’éléments comptables tels que les derniers comptes de résultat joints à une attestation établie par l’expert-comptable sur le résultat prévisionnel en cas de fermeture administrative prolongée et ses conséquences sur l’équilibre financier de l’établissement compte tenu de ses charges fixes ne pouvant être économisées durant la fermeture (loyers, salaires, impôts, etc.).
Cependant, le juge des référés ne saurait se fonder sur la seule absence de documents comptables pour écarter l’urgence lorsqu’il est évident que, compte tenu de l’absence de tout chiffre d’affaires pendant une période prolongée, l’équilibre financier de l’établissement est menacé (CE, 13 juillet 2016, req. n°399396 pour une fermeture administrative de 6 mois).
Outre ces éléments comptables, il pourra utilement être fait mention de l’annulation de certains évènements dont il est attendu des gains importants ayant un impact essentiel sur le chiffre d’affaires de l’exercice, du risque de résiliation du contrat lorsque le fonds est exploité en location gérance ou encore de la situation déjà déficitaire de l’entreprise (sur ce dernier point, voir CE, 9 mai 2014, EURL La Corne de Bélier, req. n°379422).
Pour la rédaction d’un recours, l’assistance d’un avocat spécialisé faisant le lien avec l’expert-comptable est vivement conseillée.