Résiliation du bail commercial pour défaut de paiement de loyer : quelles actions pour empêcher l’expulsion ?

Par Benoît Favot, Avocat.

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Explorer : # résiliation de bail # défaut de paiement # délais de paiement # expulsion locative

La plupart des baux commerciaux contiennent une clause qui prévoit la résiliation de plein droit du bail en cas de manquement du locataire à une de ses obligations, notamment le non-paiement du loyer. Le propriétaire impayé qui souhaite expulser son locataire doit suivre une procédure dont le formalisme est assez strict. Le locataire dispose ensuite de plusieurs actions visant à éviter l’expulsion.

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Les actions envisageables avant l’acquisition de la clause résolutoire

La clause résolutoire désigne clause aux termes de laquelle le bail sera résilié en cas de manquement du locataire à une de ses obligations, notamment le non-paiement du loyer. Elle est applicable pendant toute la durée du bail commercial dans lequel elle est stipulée et continue à s’appliquer à l’expiration du bail, si celui-ci est tacitement reconduit ou s’il est renouvelé.

La mise en œuvre de cette clause est impérativement subordonnée à la délivrance au locataire d’un commandement d’exécuter son obligation (par exemple de payer son loyer) par un huissier de justice mandaté par le bailleur. Ce commandement doit, à peine de nullité, faire connaître de façon précise au locataire le manquement aux obligations auxquels il doit être remédié et l’informer de ce que le bailleur entend résilier le bail si le locataire n’exécute pas ses obligations dans un délai d’un mois.

A ce stade, il est encore possible pour le locataire de régulariser sa situation dans le délai d’un mois. Dans ce cas, la clause résolutoire est privée d’effet et le bail se poursuit normalement.

Si le commandement de payer ou d’exécuter est resté infructueux dans le délai d’un mois, le bailleur saisira le Juge des référés du Tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’immeuble pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et demander l’expulsion du locataire.

Au cours de cette audience, le locataire pourra demander la suspension de la réalisation de la clause résolutoire, en demandant au Juge de lui accorder des délais de paiement. L’article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce permet en effet au Juge d’accorder au débiteur des délais en suspendant, sous certaines conditions, les effets de la clause résolutoire.

L’article 1244-1 du Code civil prévoit que : «  (…) compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. »

Les actions envisageables après l’acquisition de la clause résolutoire

Il peut arriver, pour diverses raisons, que le locataire ne se rende pas à l’audience des référés pour solliciter la suspension de la clause résolutoire et l’octroi de délais de paiement.

Tout n’est pas perdu cependant, car il est possible de demander au Juge du Tribunal de grande instance des délais de paiement rétroactifs.

L’article L.145-41 du Code de commerce dispose en effet dans son second alinéa : « Les Juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code Civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de Justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le Juge. »

Ainsi, en régularisant la situation, même après que soit rendue la décision constatant l’acquisition de la clause résolutoire, il est possible d’éviter l’expulsion du locataire.

La jurisprudence précise en effet que lorsque les causes du commandement ont été réglées hors du délai imparti, mais avant que le Juge ne statue, le Juge peut accorder rétroactivement des délais au locataire, puis constater que le paiement ou l’exécution demandé a eu lieu dans ces délais.

La Cour d’appel de Bordeaux a ainsi rendu la décision suivante le 2 novembre 2011 (n° Rôle : 11/4804) : « Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. (…) Dans ces conditions, compte tenu de la situation du débiteur, l’octroi rétroactif de délais de paiement pour la régularisation de deux termes de loyers et de la suspension de la clause résolutoire pour effectuer ce paiement sont justifiés. Le paiement intégral des loyers dus étant intervenu avant même que la cour accorde ces délais, il doit être constaté que la clause résolutoire n’a pas opéré. »

La Cour d’Appel de Paris, dans une espèce similaire, a considéré que « La demande de suspension des effets de la clause résolutoire est recevable, même si l’acquisition de la clause résolutoire a été consacrée par une ordonnance du Juge des Référés devant lequel le preneur, qui n’avait pas comparu, n’avait pas sollicité de délai. En effet, cette ordonnance n’a pas autorité de la chose jugée au principal. » (C.A. Paris, 4 mars 2009, JurisData : 2009-001506)

La Cour d’appel de Chambery a également jugé que « Attendu cependant que le juge saisi d’une demande de délai de paiement dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation et peut même accorder des délais au-delà de la demande ; Attendu qu’il résulte des pièces produites par la société Chevallier que la valeur du fonds de commerce est sans commune mesure avec le montant de la dette visée par le commandement, que la perte du droit au bail serait ainsi une sanction disproportionnée, qu’il y a lieu en conséquence de faire droit à sa demande ; Attendu qu’il résulte des explications de la société Chevallier qu’elle aurait intégralement payé les causes du commandement, qu’il convient en conséquence de lui accorder un délai de deux mois, soit pour parfaire le paiement, soit pour en justifier ;  » (CA Chambéry, 25 septembre 2012, RG : 12/00971)

Pour obtenir gain de cause dans ce type de procédure, il conviendra de démontrer la bonne foi du locataire. Celle-ci peut être caractérisée par les efforts faits par le locataire pour tenter de régulariser les paiements lorsque sa situation financière le permettait, ou encore s’il démontre que les difficultés financières de l’exploitation commerciale résultaient d’éléments extérieurs.

En tout état de cause, la décision du Juge d’accorder ou non des délais de paiement résulte de son pouvoir discrétionnaire. Cela signifie que même si le locataire débiteur est de bonne foi, il pourra refuser d’accorder des délais de paiement rétroactifs. Il est donc important de répondre à son bailleur et d’assister à toutes les audiences, pour éviter de laisser dégénérer la situation, sous peine de voir son bail définitivement résilié et l’expulsion réalisée.

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Discussions en cours :

  • par GO Patricia , Le 12 octobre 2016 à 11:27

    Bonjour,

    J’ai apprécié les explications claires et précises de ce texte.

  • par Fanny , Le 31 mai 2016 à 10:38

    Bonjour,

    J’ai monté une SCI avec l’acquisition d’un logement et les murs d’un commerce. Les propriétaires du fond de commerce ne règlent plus leur loyer.
    Pouvez vous, s’il vous plait, préciser les démarches possibles en cas d’impayé ?

    D’avance merci pour votre aide.
    Cordialement,
    F.

  • par Abachou , Le 6 mai 2016 à 21:57

    Bonjour maître
    Je viens de recevoir une assignation refere au tribunal pour un bail commercial me disant que soit disant je n’ai pas répondu au commandement de payer pourtant si car bailleur n’a pas prévenu le contentieux du coup le contentieux à continuer la procédure et m’assigner pour non paiement pour le 26 mai et pourtant à ce jour mes loyer sont payer jusqu’à juillet 2016
    Est ce que je dois m’inquiéter il vrai que je payer parfois un tard mais je payer comme même merci de me répondre.

  • par Louisa , Le 7 mai 2016 à 04:06

    Cher Maître,

    Pour débuter mon activité j’ai signer le bail d’un Locale mais avec la lenteur des traitement des dossiers de financement et les difficultés financières qui en écoule pour mon stat-up je me suis retrouver avec plusieurs mois de retard de loyer. Un jugement pour vise la clause résolutoire a eu lieu ou le juge m’a accorde un délais de trois mois pour régularise mes deux mois de loyers de retard. Pour le première versement après le signification du jugement j’ai envoyer un cheque par letter A.R. qui m’est revenue non-réclamer, J’ai contacter le gestionnaire du bail par téléphone, et pour lui prévenir et je l’ai envoyer un deuxième fois. On ne m’a rien dit par téléphone ni par mail mais en me rendant au locale j’ai trouver un commandement de quitte les lieux et un commandement aux fins de saisie vente. Qu’est que je peux faire pour interrompre la procedure ?

    merci d’avance

  • Bonjour Maître,

    Dans le cadre d’une procédure d’expulsion pour non paiement du loyer (bail commercial), nous avions saisi la clause résolutoire et obtenu le recours de la force publique.
    Néanmoins, l’avant veille de l’expulsion le locataire s’est acquitté d’une partie de sa dette et un accord (échelonnement de la dette sur plusieurs mois) a été trouvé.
    A ce jour le jour est à jour de son loyer.

    Néanmoins, pouvez-vous me confirmer que si dans le futur, le locataire ne s’acquitte pas de son loyer, la clause résolutoire ayant déja été saisie, l’expulsion pourra être faite plus rapidement sans devoir délivrer un nouveau commandement de payer et re-saisir le tribunal.

    Merci d’avance

    • par FAVOT , Le 13 octobre 2015 à 12:43

      Chère Madame,

      Non, il conviendra de reprendre l’intégralité de la procédure, y compris signification du commandement de payer visant la clause résolutoire, pour les éventuels futurs impayés.

      Meilleures salutations

    • par caroline , Le 18 mars 2016 à 22:04

      Bonsoir, je me permet de réponde a votre message, je sous loue actuellement mon local (propriétaire du fond) le propriétaire des murs et biensur au courant.
      Mon sous locataire a des retards de loyer j’ai la clause résolutoire pour rompre le bail.
      Je souhaiterai savoir la marche a suivre, pour récupérer le non paiement des loyers ainsi que l’expulsion.
      Cordialement

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