Responsabilité des fabricants des produits : EPERS ou pas EPERS ? Par Sophie-Laurence Roy-Clémandot, Avocate

Responsabilité des fabricants des produits : EPERS ou pas EPERS ?

Rédaction du village

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Explorer : # responsabilité des fabricants # epers # responsabilité décennale # assurance construction

Les désordres affectant un ouvrage, après la réception de celui-ci pouvant être liés à une défectuosité du produit mis en œuvre et non à une faute des constructeurs, la question de la responsabilité des fabricants de produits est dès lors posée...

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Aux termes de l’article 1792-4 du Code civil, le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré.

Les fabricants et assimilés sont donc susceptibles d’être déclarés responsables des conséquences d’une défaillance de leurs produits s’ils font partie des "EPERS" ou des éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire.

Il ne s’agissait pas pour le législateur d’entraîner une présomption de responsabilité pour tous les fabricants et il est donc important de déterminer quelles productions constituent des EPERS.

La définition de la loi n’étant pas suffisamment précise, une circulaire a dressé la liste des caractéristiques que doivent avoir les éléments entrant dans une construction pour être qualifiés de "pouvant entraîner la responsabilité solidaire".

Quatre caractéristiques ont été définies :

1. Le déplacement d’une partie de la conception, incorporée au produit. Cette partie de conception est donc retranchée de la mission de conception ;

2. La prédétermination en vue d’une finalité spécifique d’utilisation ;

3. La satisfaction en état de service à des exigences précises et déterminées à l’avance ;

4. La capacité du produit à être mis en œuvre sans modification.

Il serait donc aisé de résumer ces caractéristiques en disant qu’il s’agit d’éléments préfabriqués : les maisons en kit, les charpentes métalliques, les coques de piscine en polyester, etc. sont donc des EPERS. Partant de ces caractéristiques, les tribunaux ont considéré que des pompes à chaleur, des planchers chauffants sont également des EPERS, au motif que leur mise en œuvre par le constructeur n’entraîne pas de modification des produits.

En réalité, ce n’est pas si simple, les panneaux isothermes, notamment, ont posé un véritable problème.

La Cour de cassation a d’abord refusé de les considérer comme étant des EPERS car ils doivent être découpés sur le chantier afin d’y insérer portes et fenêtres et que par conséquent ils nécessitent des modifications quant à leur mise en œuvre.
En revanche, le Conseil d’état y voit des EPERS, estimant que les adaptations dimensionnelles et l’adjonction de joints ne sont que de simples ajustements.

Ces panneaux ont ainsi été à l’origine de nombreux désordres et les différentes juridictions saisies sur le territoire national et les cours d’appel ont rendu des décisions, plus favorables aux maîtres d’ouvrages ; la plupart s’opposant donc à la Cour de cassation qui refusait de faire peser sur leurs fabricants le risque de la responsabilité décennale.

L’assemblée plénière de la Cour de cassation a donc fini par céder en 2007 et a ainsi accordé aux panneaux isothermes la qualité d’EPERS.

Force est de constater que la détermination d’EPERS est importante :
C’est en effet la nature du produit qui détermine sur quel fondement le fabricant peut voir sa responsabilité recherchée :

-  sur le vice caché du matériau (articles 1641 et suivants du Code civil) pendant un délai de deux ans à compter de la découverte du vice,
-  ou sur le fondement de la responsabilité décennale, soit pendant dix ans au même titre que le constructeur.

Actuellement, l’essentiel des auteurs et la Cour de cassation, dans un de ses rapports, appellent de leurs vœux la disparition de cet article 1792-4 du Code civil qui crée une différence arbitraire entre certains éléments de construction.

Contesté ou pas par les praticiens du droit, cet article est toujours là et entraîne une insécurité juridique tant pour les maîtres d’ouvrages que pour les constructeurs ou les fabricants.

Tous étant généralement assurés, il devient fondamental de vérifier attentivement, en amont, si les divers contrats d’assurance souscrits à l’occasion d’un chantier excluent ou non des EPERS, certains éléments de la construction. C’est également vrai des contrats d’assurance des fabricants.

Cela ne simplifie certainement pas la constitution des dossiers, mais c’est le meilleur moyen de se protéger contre les risques d’analyse juridique en cas de désordre.

Sophie-Laurence Roy-Clémandot

Avocat, Associée Co-fondatrice

RCS & Associés

www.rcs-associes.com

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