Qu’est ce q’une rupture conventionnelle ?
Pendant longtemps la fin d’un contrat de travail à durée indéterminée se faisait soit par un licenciement, si l’employeur estimait avoir des choses à reprocher au salarié, soit par démission, lorsque le salarié avait, par exemple, trouvé un nouvel emploi ou ne souhaitait plus rester dans l’entreprise.
Dans la pratique, il est arrivé que des salariés quittent leur poste dans le cadre d’un départ à l’amiable, mais cette procédure, bien que reconnue par la jurisprudence, n’était pas prévue dans le code du travail.
Il s’agit d’un mode de rupture à part, ouvrant néanmoins droit aux prestations de pôle-emploi.
Ce n’est que la loi N° 2008-596 du 25 juin 2008 qui a mis en place la rupture conventionnelle du contrat de travail, en l’intégrant dans le code du travail et plus précisément dans l’article L1237-11 du code du travail qui indique :
« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».
Il convient de suite de relever que cet article dit bien d’une part, qu’il s’agit d’un accord commun entre l’employeur et le salarié et d’autre part, qu’il s’agit d’une simple faculté. Aucun des deux ne peut imposer de rupture conventionnelle à l’autre.
Enfin, et le législateur n’étant pas dupe, il prévoit que la loi prend des dispositions pour garantir la liberté du consentement de chacun.
Néanmoins, dans la pratique, il appert de plus en plus souvent que des employeurs peu scrupuleux « conseillent » à leurs salariés d’accepter une rupture conventionnelle en les menaçant de les licencier pour une faute grave en cas de refus.
Cette façon de faire est bien entendu illégale et si le salarié peut en apporter la preuve, il pourra saisir le Conseil des Prud’hommes et demander des dédommagements pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Comment mettre en place une rupture conventionnelle ?
La loi précise les diverses étapes dans les articles L 1237-12 et suivants du code du travail
L’article L 1237-12 du code du travail indique les modalités de la mise en place d’une telle rupture en indiquant que :
« Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
L’employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche ».
Avant tout, il convient de rappeler que la rupture conventionnelle étant un contrat, tous les vices pouvant affecter le consentement tel qu’en disposent les articles1109 et suivants du code civil, sont susceptibles d’entacher la régularité des négociations voire de la signature d’une rupture conventionnelle.
Aussi il convient d’être extrêmement prudent dans la phase de négociation et surtout, il convient de se faire assister pour éviter les abus.
En effet, même si le code du travail indique que les parties peuvent passer cette convention en un ou plusieurs entretien, il faut quand même savoir qu’il existe un certain nombre de cas où l’employeur convoque verbalement un salarié et lui fait signer un document antidaté, qu’il se dépêche de faire homologuer.
Bien entendu si le salarié peut prouver cet élément, la rupture conventionnelle va être annulée ou va être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par contre, la seule affirmation, par une salariée, de la fausseté de la date volontairement apposée par elle sur la convention sans que soit démontrée la moindre contrainte l’y ayant conduite n’est pas de nature à caractériser l’irrégularité de la procédure, ainsi qu’en a décidé la Cour d’Appel de Lyon, Chambre Sociale 04-12-2012 N° 12/01592
Il en ira de même si l’employeur impose la rupture conventionnelle au salarié, notamment en lui expliquant qu’il a le choix entre la rupture conventionnelle et le licenciement (Cour d’Appel de Riom, 4ème Chambre 18 janvier 2011)
La Cour d’Appel d’Amiens a elle, estimé qu’une rupture conventionnelle signée le jour du retour d’arrêt maladie de plusieurs mois d’une salariée, à l’occasion d’un seul entretien, alors que la salariée n’avait pas été informée de l’objet de l’entretien ni mise en mesure de se faire assister, n’était pas valable (Cour d’Appel d’Amiens, 11 janvier 2012)
Une fois que les parties se sont librement accordées sur le texte, il suffit de signer la rupture conventionnelle. Il convient de rappeler qu’il faut également remplir le formulaire de demande d’homologation (N° Cerfa 14598*01) disponible sur le site du ministère du travail par exemple.
A quelles indemnités le salarié a-t-il droit en matière de rupture conventionnelle ?
Là encore, le Code du Travail a tout prévu.
En effet, pour éviter que le mécanisme de la rupture conventionnelle fasse l’objet de tous les abus et serve à se débarrasser à bon compte de salariés qui ont cessé de plaire, voire à contourner les plans sociaux, le Code du Travail a prévu un minimum du dans son article L 1237-7
« La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L1234-9
Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie »
En d’autres termes, les indemnités dues lors d’une rupture conventionnelle ne peuvent être inférieures aux indemnités légales de licenciement qui sont, sauf dispositions plus favorables d’une convention collective ou du contrat de travail, dues à tous les salariés qui, au moment de la fin de la rupture de leur contrat de travail totalisent au moins une année d’ancienneté dans l’entreprise. Cette indemnité est de 1/5 de mois de salaire par année de présence dans l’entreprise auxquels s’ajoutent 2/15ème de mois de salaire lorsque le salarié totalise plus de 10 années d’ancienneté.
Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité est le 1/12ème de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse, le 1/3 des 3 derniers mois.
Dans ce dernier cas, les primes et gratifications exceptionnelles ou annuelles ne sont prises en compte qu’au prorata du temps de présence.
Bien entendu il faudra rajouter à tout cela les autres indemnités éventuellement encore dues, telle l’indemnité compensatrice de congés payés le cas échéant.
Il va de soi que si les dispositions minimales ne sont pas respectées, la DIRECCTE refusera toute homologation.
Par contre, la Cour d’Appel de Montpellier a décidé le 01-06-2011 N° 10/06114 que lorsque le salarié n’a pas une année d’ancienneté dans l’entreprise, la rupture conventionnelle est valablement conclue à 0 euro d’indemnité de rupture conventionnelle.
Comment se passe l’homologation ?
L’homologation par la DIRECCTE fait l’objet d’un encadrement législatif très précis.
A ce titre l’article L1237-14 du code du travail dispose :
« A l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie.
La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relèvent de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention. »
Aussi faut-il être extrêmement prudent avec la fixation de la date de la rupture du contrat.
En effet, il faut se souvenir que les parties ont 15 jours calendaires pour se rétracter à compter de la signature de la convention.
A la fin de ces 15 jours, la partie la plus diligente fait parvenir la demande d’homologation à la DIRECCTE. Cette dernière dispose de 15 jours ouvrables donc au minimum 17 jours, délai d’envoi de la lettre recommandé non compris, pour homologuer la convention, ce qui fait déjà un minimum de 32 jours.
Il faut ainsi impérativement tenir compte des délais postaux et des éventuels jours fériés. L’idéal est de fixer la date de la rupture du contrat de travail au minimum 40 jours après la date de la signature.
Il convient de rappeler que la DIRRECTE refuse systématiquement d’homologuer les conventions de ruptures conventionnelles qui ne respectent pas les délais ou dont la date de rupture, du fait des délais postaux par exemple, est antérieure à la date d’homologation.
Une façon d’éviter cette difficulté est d’indiquer dans la rupture conventionnelle que le contrat de travail se terminera le lendemain de l’homologation de la convention par la DIRECCTE. Cette solution a été approuvée par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Rouen par arrêt du 02-10-2012 N° 11/03752 et ceci même si le formulaire de transmission à la DIRECCTE fait mention d’une autre date.
Que se passe-t-il si la DIRECCTE refuse l’homologation ?
Lorsque la DIRECCTE refuse pour une raison ou pour un autre l’homologation de convention de rupture conventionnelle, le contrat de travail se poursuit normalement. Si l’employeur devait néanmoins inviter le salarié à quitter l’entreprise malgré ce défaut d’homologation, cette rupture s’analyserait en licenciement sans cause réelle et sérieuse. ( Cour d’Appel d’Aix-en-Provence 13-03-2012 N°10/06666).
D’autre part, la Cour d’Appel de Paris a estimé le 6avril 2012 N°11/06828 qu’une rupture conventionnelle non homologuée n’ouvre pas droit aux allocations chômage.
Les salariés protégés peuvent-ils conclure une convention de rupture conventionnelle ?
L’article L1237-15 du code du travail n’exclu pas les salariés du dispositif afférent à la rupture conventionnelle, et précise que :
« Les salariés bénéficiant d’une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l’article L1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l’article L1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation.
Pour les médecins du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail. »
Il en résulte que si les salariés protégés peuvent conclure une convention de rupture conventionnelle avec leur employeur, les délais sont à computer différemment dès lors que s’appliquent, à titre dérogatoire, les délais d’instruction du droit commun c’est à dire 2 mois et non 15 jours ouvrables.
Du fait du peu de recul vis à vis de ce texte, qui est somme toute relativement récent, il est évident que la jurisprudence va affiner sa position sur la mise en œuvre des ruptures conventionnelles qui sont susceptibles de faire l’objet d’un important contentieux.
En l’état actuel des choses, la jurisprudence sur certains points n’est pas encore stable et dans l’attente de l’unification de cette jurisprudence par la Cour de Cassation, il convient de faire preuve de beaucoup de précaution lors de la mise en œuvre d’une rupture conventionnelle, et notamment lorsqu’il s’agit de salariés protégés, de salariés en arrêt maladie ou de femmes enceintes. Il convient d’ailleurs dors et déjà de préciser que lorsqu’un salarié est en arrêt de travail en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, la rupture conventionnelle ne peut être mise en œuvre.