Le contentieux judiciaire des primes d’objectifs est à la mesure de l’importance de ce mode de rémunération. De la jurisprudence la plus récente émergent trois thèmes principaux :
Pour interpréter les clauses de primes d’objectifs ambiguës ou lacunaires les juges se fondent en premier lieu sur l’intention des parties et la bonne foi contractuelle (I).
C’est à l’employeur de prouver que le salarié a atteint ses objectifs et non l’inverse (II)
L’employeur peut modifier dans le cadre de son pouvoir de direction les modalités de fixation de la prime d’objectifs dans le respect des conditions strictes fixées par les juges. (III).
I – L’interprétation par les juges des clauses de primes d’objectifs
La plupart des décisions rendues en matière de primes d’objectifs font mention en visa de l’article 1134 du Code civil :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
Comment les juges fixent-ils la prime d’objectifs qu’ils estiment due au salarié lorsque les clauses du contrat sont ambiguës ou lacunaires ?
- Lorsque la prime d’objectif est prévue par le contrat :
Si le contrat de travail fait obligation de mettre en place une prime annuelle sur objectifs alors la prime doit être payée.
Un contrat de travail prévoit une prime sur objectifs dont le versement est subordonné à la réalisation d’objectifs fixés annuellement d’un commun accord. Aucun accord n’a été fixé entre les parties et le salarié réclame le versement de sa prime sur objectifs.
L’employeur prétend que le bon accomplissement de ses fonctions par le salarié serait, selon les clauses du contrat de travail, le critère déterminant le paiement de la prime d’objectif. Considérant que le travail du salarié n’était pas qualitatif, il contestait le règlement de la prime sur objectifs.
Constatant que le contrat faisait obligation de mettre en place cette prime sur objectifs annuels ce qui n’avait pas été fait par l’employeur, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir reconnu l’employeur débiteur de cette prime d’objectif et d’en avoir unilatéralement fixé le montant à défaut d’accord entre les parties (C. cass ch.soc. 11 juillet 2012 n°11-14167).
- Lorsque le contrat de travail est lacunaire :
Le juge doit fixer la prime d’objectifs en fonction de critères réalistes.
1/ Si les objectifs sont fixés lors des entretiens d’évaluation et que l’entretien d’évaluation n’a pas eu lieu :
Un salarié sollicite un rappel de prime sur objectifs 2008/2009 alors que le salarié n’a pas eu d’entretien annuel durant cette période.
La cour d’appel rejette cette demande aux motifs que le salarié n’aurait pas rempli ses objectifs en se basant sur les objectifs fixés lors du précédent entretien de 2007.
La Cour de Cassation reproche à la cour d’appel de fixer les objectifs du salarié pour 2008/2009 identiques à ceux de 2007 sans motiver cette décision et sans avoir vérifié si les objectifs fixés en 2007 restaient réalistes pour 2008 (C. cass ch.soc. 10 mai 2012 n°11-14 635) :
« Qu’en statuant ainsi, sans indiquer en quoi les objectifs du salarié pour 2008 ou 2009 étaient nécessairement ceux fixés pour 2007, ni vérifier, alors que cela était contesté, si les objectifs fixés pour 2007 étaient encore réalistes pour 2008, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
2/ Si le contrat de travail prévoit une concertation entre l’employeur et le salarié pour fixer la prime qui n’a pas eu lieu :
Le contrat de travail d’un salarié prévoit une prime d’objectif fixée suivant les objectifs décidés après concertation entre les parties, seule une fourchette de prime maximale étant mentionnée dans le contrat.
En l’absence de précisions de la prime d’objectif pour 2008 la cour d’appel s’était appuyée sur les objectifs fixés en 2007 ayant généré le paiement d’une prime au salarié.
Reprochant à la cour d’appel d’avoir dénaturé l’argumentation du salarié qui constatait qu’il ne disposait pas des moyens de vérifier le mode de calcul de sa prime la Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel (C. cass ch.soc. 11 juillet 2012 n°11-15344) :
« Qu’en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions en cause d’appel reprises oralement à l’audience, le salarié soutenait qu’il n’avait jamais "signé d’objectifs individuels" et qu’il ne disposait "d’aucun moyen pour vérifier le mode de calcul de la prime", la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis ».
3/ Le calcul de la prime d’objectif doit reposer sur des objectifs réalistes :
Un salarié demande en justice un rappel de prime sur objectifs et sa demande est rejetée par la cour d’appel qui considère que les formules utilisées par l’employeur pour le calcul de la prime d’objectif ne présentent pas de difficultés particulières de compréhension et qu’en outre ils n’ont jamais fait l’objet de critiques du salarié durant toute l’exécution de son contrat de travail.
La Cour de Cassation conteste l’argumentation des juges d’appel auxquels elle reproche de ne pas avoir vérifié le caractère réaliste des objectifs fixés par l’employeur :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les objectifs fixés au salarié et non atteints étaient réalistes, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision » (C. cass ch.soc. 15 février 2012 n° 09 - 72283).
- Si le salarié quitte en cours d’année la société la prime d’objectif doit être forfaitisée :
Un salarié quitte l’entreprise avant la fin de l’exercice annuel et réclame le règlement de sa prime d’objectif au prorata de son temps de présence dans l’entreprise.
L’employeur lui répond qu’en l’absence de clauses expresses en ce sens dans son contrat de travail il n’est pas tenu de la lui régler.
Il ajoute que le contrat prévoit que la rémunération variable garantie était au moins égale à celle perçue au cours de l’exercice précédent, ce qui signifierait que la volonté des parties n’était pas de mettre en place le versement de la prime au prorata temporis.
La Cour de Cassation approuve la cour d’appel d’avoir relevé que la prime étant versée aux salariés en contrepartie de son activité, elle s’acquérait nécessairement au fur et à mesure. Le salarié pouvait donc prétendre à un règlement de sa prime au prorata de son temps de présence (C. cass ch.soc. 23 mars 2011 n° 09 - 69127) :
« Mais attendu que la cour d’appel ayant relevé que la prime litigieuse constituait la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité de sorte qu’elle s’acquérait au fur et à mesure, en a justement déduit que M. X... dont le départ était antérieur au versement de cette prime, ne pouvait être privé d’un élément de sa rémunération auquel il pouvait prétendre au prorata de son temps de présence ».
II - C’est à l’employeur de prouver que le salarié a atteint ses objectifs (C. cass ch.soc. 9 mars 2011 n° 09 - 16 0313) :
Une cour d’appel a écarté la demande de prime d’objectifs d’un salarié au motif qu’il ne prouverait pas avoir réalisé les objectifs fixés ni les conditions d’attribution et du mode de calcul de la prime.
Cassant cette décision au visa de l’article 1315 du code civil
(Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation),
la cour de cassation rappelle qu’il incombe à l’employeur (se prétendant libéré…) : « de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié avaient été atteints » et non l’inverse.
III – Enfin l’employeur a le pouvoir de modifier la prime d’objectifs dans le cadre de son pouvoir de direction dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (C. cass ch.soc. 2 mars 2011 n° 08-44977) :
Un salarié dont le contrat de travail prévoit une prime d’objectif en cas d’atteinte d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de plans annuels de rémunération variable (PRV) prétend que la société aurait modifié sans son accord la part variable de sa rémunération.
Faisant une application stricte de l’avenant signé par le salarié et l’employeur, la Cour de Cassation constate que dès lors que le contrat prévoit que l’objectif est défini unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction celui-ci peut donc les modifier sous deux conditions : que ces objectifs soient réalisables et qu’ils aient été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice :
« Attendu que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice…
que l’avenant au contrat de travail stipulait que la détermination des objectifs conditionnant la rémunération variable du salarié relevait du pouvoir de direction de l’employeur ».
Discussions en cours :
Bonjour
J’ai une question a vous poser,mon employeur a donné l’objectif au début mars qui peut être variable selon des mois et malgré les restrictions couvre feu etc on a bien bossé et on a avancé même,du coup mon patron a augmenté l’objectif après quelques jours..j’aimerais savoir que il a droit ou pas modifier l’objectif si ça été déjà fait une fois merci.
Bonjour Madame.
Je me permets de vous écrire pour vous demander conseil.
Dans ma rémunération variable, un nouveau calcul de prime a été mis en place. Une partie de celui-ci repose sur l’obtention à titre collectif et non personnel d’un certain niveau de marge. De plus, l’évolution de cette marge ne nous a pas été régulièrement communiquée au cours de l’année.
Dans ces conditions, cet objectif peut-il svp être considéré comme smart ? Si non, quelle conséquence svp dans son évaluation ?
Merci beaucoup pour vos conseils, cordialement. S.
Bonjour, l’employeur doit préciser clairement quelles sont les conditions de fixation de la prime d’objectifs. À défaut celle-ci peut être considérée comme irréalisable par le conseil de prud’hommes qui peut alors condamner l’employeur à en payer une partie ou l’intégralité. D’après les informations que vous donnez, ces conditions sont loin d’être précises. Je vous suggère de contacter si nécessaire un avocat de préférence spécialiste en droit du travail qui pourra vous éclairer précisément.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
Bonjour Madame,
Je trouve vos éclairages très intéressants. J’ai cependant l’impression qu’il existe autant d’interprétations que de cas. Je suis dans une entreprise (de + de 500 salariés) qui se retrouve en difficulté. J’ai une prime annuelle sur objectifs (en valeur absolue)qui court du 1/7 au 30/6. L’entreprise a fait le choix :
1)° De couper drastiquement les primes des commerciaux. Pour ma part, toute la partie quanti est faite donc versée, mais sur les 30% de quali, j’ai eu 2% sur les 30% ! Très dure et très subjectif, d’autant plus que mon N+1 et N+2 ne sont plus là pour en témoigner (victimes du dégraissement...). L’entreprise en a t-elle le droit ?
2)° L’entreprise souhaite modifier la prime annuelle en mettant notamment une grosse part sur le résultat net (qui ne sera jamais atteint...) et les accidents du travail (commercial, je ne vois pas en quoi je suis concerné ?). Les critères n’ont toujours pas été communiqués, ils le seront fin Septembre. Mon nouveau supérieur me dit que je n’ai pas le choix et qu’il faudra signer mon Evaluation annuelle dans laquelle seront inscrits les objectifs. Je ne le souhaite pas, ai-je le droit et que se passe-t-il ?
Et enfin pour info, le seul contrat de travail que j’ai date d’il y a 10 ans quand je suis entré dans l’entreprise a une autre fonction... Les objectifs figurent chaque année dans l’entretien annuel.
Merci pour votre avis avant que je contacte un avocat du droit du travail.
Cordialement,
Bonjour, l’employeur doit être à même de justifier de critères objectifs dans l’évaluation qualitative de votre travail sur laquelle il s’appuit pour fixer votre prime. À défaut, vous pouvez saisir le juge prud’homal pour contester le montant de votre prime d’objectifs en démontrant que vous avez rempli vos objectifs qualitatifs. Votre employeur doit fixer des conditions réalisables de votre prime d’objectifs et ce en début d’exercice. À défaut, je vous invite à contester dans votre évaluation annuelle ces différents points, et à conserver la copie de votre entretien annuel avec votre contestation en vue d’un éventuel contentieux judiciaire.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
ww.bouhana-avocats.com
Bonjour
Mon employeur annonce par e-mail que la prime contractuelle lié au performance qualitative ne sera pas rémunérée cette année. A-t-il le droit aux yeux de la loi ?
Il aurait pu mettre directement 0% lors de l’entretien individuel mais là c’est annoncé à l’avance.
Merci pour vos conseils
Bonjour,
Non, une prime contractuelle doit être versée à objectif atteint. Il faut effectivement préalablement que votre performance qualitative soit appréciée pour asseoir la décision de votre employeur de ne pas vous régler cette prime.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
ww.bouhana-avocats.com
bonjour
Depuis mars mon employeur ne paye plus les primes (pour ma part c’est un pourcentage par rapport à n-1 sur le CA).
les difficultées proviennent du changement d’informatique.
Ils arrivent à trouver le chiffre France mais le chiffre par commerciaux ils arrivent pas .
que faire ?
merci de votre retour
Bonjour,
Mon contrat prévoit un salaire fixe + une prime dont le versement est divisé en deux sur l’année (une partie en juin et l’autre en décembre). Aucune précision ou objectif n’est donné sur cette prime dans le contrat et mon patron n’a jamais parlé de condition nécessaire à son obtention.
A-t’il le droit d’annuler le versement de la moitié de cette prime que je devais normalement recevoir en juin ?
Merci de votre aide
Bonjour,
Je suis aussi dans un cas de paiement partiel de prime et je voulais savoir si c’est légal.
Pour faire simple je travaille dans une enseigne de négoce dans l’ameublement avec des objectifs mensuel.
Nous avons repris l’activité le 13 mai avec un objectif réadapter de 20k€ à faire entre le 13 mi et le 31 mai (objectif communiqué d’ailleurs que le 22 mai sur un mail aux magasins du secteur).
Nous avons réalisé 30k € donc objectif réalisé à +50%, nous sommes payé au maximum à +20% hors nous avons eu un mail datant du 12 juin donc après coup... de notre directrice régionale stipulant que notre prime sur objectif ne sera pas payé en intégralité suite à la sortie du confinement. (covid 19= difficulté financiere).
Nous sommes 8 collègues en désaccord total avec cela et nous aimerions savoir si l’entreprise a le droit de faire ça sans notre accord. Et sinon que pouvons nous faire ?
En attente de vous lire.
Cordialement.
Dess écrit :
Je suis aussi dans un cas de paiement partiel de prime et je voulais savoir si c’est légal.
Pour faire simple je travaille dans une enseigne de négoce dans l’ameublement avec des objectifs mensuel.
Nous avons repris l’activité le 13 mai avec un objectif réadapter de 20k€ à faire entre le 13 mi et le 31 mai (objectif communiqué d’ailleurs que le 22 mai sur un mail aux magasins du secteur).
Nous avons réalisé 30k € donc objectif réalisé à +50%, nous sommes payé au maximum à +20% hors nous avons eu un mail datant du 12 juin donc après coup... de notre directrice régionale stipulant que notre prime sur objectif ne sera pas payé en intégralité suite à la sortie du confinement. (covid 19= difficulté financiere).
Nous sommes 8 collègues en désaccord total avec cela et nous aimerions savoir si l’entreprise a le droit de faire ça sans notre accord. Et sinon que pouvons nous faire ?
Bonjour,
Selon vos précisions, votre prime a été fixée très tardivement et vous avez réalisé vos objectifs. la prime est due intégralement.Vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir son paiement judiciaire à défaut d’un règlement spontané par votre employeur. Je vous suggère de consulter tous ensemble un avocat de préférence spécialiste en droit du travail pour en savoir plus.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
ww.bouhana-avocats.com
Bonjour,
En l’absence d’objectif fixé à une prime contractuelle la prime est due en intégralité (voir jurisprudence citée dans mes articles). A défaut de règlement spontané vous pouvez la réclamer devant le conseil de prud’hommes.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
ww.bouhana-avocats.com
Bonjour ,
la prime sur objectif a été versée a mes collègues le mois de Mai 2020 mais pas pour moi par pretexte que j’ai été en congé maternité or j’ai été absente la moitié de l’année , mon employeur a t’il le droit de ne pas me payer au prorata par rapport au mois de présence sachant que la prime est calculée sur l’année .
dans l’attente de votre retour
Menzou écrit :
la prime sur objectif a été versée a mes collègues le mois de Mai 2020 mais pas pour moi par pretexte que j’ai été en congé maternité or j’ai été absente la moitié de l’année , mon employeur a t’il le droit de ne pas me payer au prorata par rapport au mois de présence sachant que la prime est calculée sur l’année .
Bonjour, non votre employeur ne peut pas supprimer votre prime d’objectifs au prétexte de votre congé maternité, c’est une décision discriminatoire liée à votre grossesse. S’il ne revient pas sur sa décision, vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes pour faire valoir vos droits à votre prime d’objectifs et à une réparation intégrale de votre préjudice.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
Bonjour, D’après les seules informations que vous donnez, il n’apparaît pas que votre employeur puisse refuser de verser votre prime d’objectifs prévue contractuellement avec un versement en juin et un autre en décembre de chaque année.Il est néanmoins nécessaire qu’un avocat de préférence spécialiste en droit du travail puisse prendre connaissance des clauses de votre contrat de travail afin de vous informer précisément de vos droits.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com