Absence de droit de rétractation dans les foires et salons : gare aux achats impulsifs !

Par Louise Bargibant, Avocat.

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Explorer : # droit de rétractation # foires et salons # consommation # abus de faiblesse

La période des foires approche à grand pas et c’est l’occasion de rappeler que lors d’un achat dans le cadre d’une foire ou d’un salon, le consommateur n’a pas de droit de rétractation.
En effet, de nombreux consommateurs pensent, à tort, qu’ils peuvent revenir sur leurs achats effectués sur les foires et salons.

Ainsi, le consommateur qui achète dans le cadre d’une foire ou d’un salon et change d’avis peu de temps après ne pourra revenir sur sa décision et se faire rembourser. Il sera déjà trop tard ..!
Et pour cause : le législateur a décidé que l’achat dans une foire commerciale ou un salon d’exposition ne donne pas droit à un délai de rétractation.

-

Rappel sur le droit de rétractation du consommateur

Les contrats conclus à distance ou hors établissement entre un professionnel et un consommateur sont réglementés par les articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation.

Pour rappel, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision (article L. 221-18, al. 1 du Code de la consommation).

L’exercice du droit de rétractation met alors fin à l’obligation des parties soit d’exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement, soit de le conclure lorsque le consommateur a fait une offre. Il met aussi automatiquement fin à tout contrat accessoire au contrat principal, sans frais particuliers.

Le contrat hors établissement vise les trois situations suivantes :

1. Le contrat a été conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur.

2. Le contrat a été conclu dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes.

3. Le contrat a été conclu pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.

Mais qu’en est-il du contrat conclu lors d’une foire ou d’un salon ?

L’exclusion du bénéfice d’un droit de rétractation dans les foires et salons

Les consommateurs ayant conclu des contrats à l’occasion de foires ou de salons (soumis à déclaration au titre des articles L.762-1 et suivants du Code de commerce) ne bénéficient pas d’un droit de rétractation.

En effet, ces contrats conclus dans les foires et salons font l’objet de dispositions particulières.

Le législateur a considéré qu’ils ne devaient pas être assimilés à des « contrats hors établissement « permettant aux consommateurs de bénéficier d’un droit de rétractation ».

Ainsi, le consommateur se trouve privé de tout droit de revenir sur sa décision d’acheter, décision parfois « impulsive » surtout dans le contexte de foires ou salons, là où les techniques commerciales sont parfois pernicieuses et là où le consommateur cède souvent à la tentation de « l’achat impulsif ».

Cette position du législateur est critiquable d’autant plus qu’elle est contraire à la directive 2011/83 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui considère que les contrats conclus dans les foires sont des contrats hors établissement si le stand du commerçant n’est pas le siège permanent ou habituel de son activité.

Malgré les demandes des associations de consommateurs d’étendre le droit de rétractation du consommateur à la situation de l’achat effectué en foire ou salon, le législateur n’a toujours pas instauré le bénéfice d’un droit de rétractation dans ce cas précis.

Cependant, en contrepartie, le législateur a créé des nouvelles obligations d’information pré-contractuelle pour les vendeurs dans le cadre de foires et salons.

La nécessaire information « apparente » de l’inexistence d’un droit de rétractation

Reste pour le consommateur le bénéfice de certaines dispositions « protectrices » et notamment le consommateur doit être informé qu’il ne dispose pas d’un droit de rétractation selon les deux modalités suivantes :

1. les vendeurs ou prestataires de services doivent afficher, de manière visible pour les consommateurs, sur un panneau de format A3 au minimum, en caractères de corps 90 au moins, la phrase suivante : « Le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour tout achat effectué dans [cette foire] ou [ce salon] ou [sur ce stand]  » ;

2. les offres de contrat doivent mentionner, dans un encadré apparent, situé en en-tête du contrat et en caractères de corps 12 au moins, la phrase suivante : «  Le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour un achat effectué dans une foire ou dans un salon. ».

Tout manquement à ces dispositions est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

La renaissance du droit de rétractation en cas d’offre de crédit affecté

Également, le droit de rétractation « renaît » en cas d’achat à crédit affecté.

Ainsi, dans le cadre d’une foire ou d’un salon, si la conclusion d’un contrat de vente s’accompagne d’une offre de crédit affecté, le contrat de vente ou de prestation de service doit mentionner en des termes clairs et dans un encadré apparent que :
- l’acheteur dispose d’un droit de rétractation pour le crédit affecté servant à financer son achat ;
- le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité, si l’emprunteur, dans le délai de 14 jours, exerce son droit de rétractation ;
- en cas de résolution du contrat de vente ou de prestation de services consécutive à l’exercice du droit de rétractation, le vendeur ou le prestataire de services rembourse, sur simple demande, toute somme que l’acheteur aurait versée d’avance sur le prix.

La protection contre les abus de faiblesse

Enfin, reste les dispositions relatives aux abus de faiblesse, le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour obtenir des engagements dans le cadre de foires ou de salons étant passible de lourdes sanctions pénales…

En effet, le Code de la consommation prévoit qu’il est interdit « d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit » (art. L. 121-8 du Code de la consommation).

Les personnes physiques coupables d’un abus de faiblesse encourent une amende de 375 000 € et un emprisonnement de trois ans.

Quant aux personnes morales reconnues responsables de l’infraction commise pour leur compte par leur organe ou représentant, elles risquent une amende de 1.875 000 € et de peines complémentaires.

A cela s’ajoute que le contrat conclu à la suite d’un abus de faiblesse est nul et de nul effet.

En tout état de cause, le consommateur se doit de faire preuve d’une particulière vigilance dans le cadre des foires ou salons lesquels sont souvent propices à des « achats précipités » …

Maître Louise BARGIBANT
Avocat en droit immobilier et de la construction
Barreau de Lille
www.lba-avocat.com

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  • par AULOY , Le 27 avril 2024 à 19:53

    Bonjour,

    Une nouvelle proposition de loi vient d’être déposée au bureau de l’Assemblée nationale.

    La proposition n°2474 vise à instaurer un droit de rétractation d’un délai de quatorze jours pour les achats dont le montant est supérieur ou égal à mille euros lors de salons, foires ou manifestations commerciales.

    Juste avant le renouvellement du Parlement européen, adopter cette proposition de loi constituerait, comme l’indique le préambule du texte, "une avancée significative dans la protection des droits des consommateurs et favoriserait un environnement d’achat plus équitable et transparent".

    Les questions écrites posées au Gouvernement ces dernières semaines attestent de l’intérêt d’une évolution législative, à l’instar de la question n°17086, posée le 16/04/2024 par un député : "Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle est davantage répandue en France que dans d’autres pays de l’Union européenne, comme le révèle une étude réalisée [...] en 2024".

    Si tous les groupes politiques ayant instruit ce dossier sont en accord avec le texte de la proposition n°2474, et en demandent l’examen en Conférence hebdomadaire des Présidents, cette proposition pourrait remplacer les propositions n°235 (déposée au Sénat) et n°455, 1482 et 1583 (déposées à l’Assemblée nationale).

  • Bénévole au sein d’une association (le GPPEP, Groupement des Particuliers Producteurs d’Électricité Photovoltaïque), je me permet d’apporter une information complémentaire sur le dossier du droit de rétractation : nous avons réalisé, de novembre 2023 à janvier 2024, une enquête auprès des 27 Centres Européens des Consommateurs : nous voulions comprendre comment nos voisins européens géraient le droit de rétractation dans les foires et salons. Il en résulte que la législation française accuse un réel retard dans la protection de ses consommateurs. En effet, 70% des Etats membres de l’UE accordent un droit de rétractation lors de contrats conclus en foires et salons, de façon directe (au travers de leur législation) ou indirecte (en laissant un juge étudier les conditions dans lesquelles le contrat a été établi) : - huit Etats ont adopté une législation accordant un droit de rétractation aux consommateurs : Bulgarie, Danemark, Grèce, Lituanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque ; - onze Etats recommandent un examen "au cas par cas" des conditions dans lesquelles le contrat a été établi : Allemagne, Belgique, Chypre, Espagne, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Roumanie ; ils considèrent que la multiplicité des cas de figure ne permet pas de réglementer simplement cette situation : chaque cas doit être examiné individuellement ; - huit Etats n’intègrent aucun droit de rétractation dans leur législation : Autriche, Croatie, Estonie, Finlande, France, Irlande, Italie, Portugal. La raison la plus fréquemment avancée pour justifier cette position est qu’un stand de foire ou de salon constitue l’un des établissements commerciaux d’une entreprise : leur interprétation de la directive européenne est diamétralement opposée à celle des Etats du premier groupe cité. Mais la France se singularise : en maintenant, dans le Code de la consommation, des articles précisant que le consommateur ne dispose d’aucun délai de rétractation dans les foires et salons (articles L224-59 et L224-60), elle ne transpose ni la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, ni l’ordonnance du 17/12/2019 (affaire C-465/19).

  • Dernière réponse : 19 mars 2023 à 10:57
    par AIGOUY Pierre , Le 13 février 2018 à 13:21

    Excellent article précis, concis, donc utile

    • par Zimmer511 , Le 11 octobre 2018 à 15:57

      Bonjour,

      Juste une petite remarque linguistique en passant.

      La phrase "Le consommateur ne bénéficie pas d’un droit de rétractation pour tout achat effectué dans ...." laisse sous entendre que pour certains achats il peut bénéficier de ce droit.

      En effet, quand on dit "je n’ai pas le droit d’entrer dans tout le bâtiment" cela signifie que j’ai le droit d’entrer dans certaines parties de ce bâtiment.

      Quand on dit "je n’ai pas pu bénéficier de tous les avantages de ma carte de fidélité", cela signifie bien que j’ai pu bénéficier de certains de ces droits.
      Pas tous, certes, mais quelques uns.

      Donc on saisit bien l’idée de l’avertissement, mais un défendeur lors d’un litige éventuel pourrait probablement se baser sur cette formulation syntaxiquement erronée pour, avec un bon argumentaire, obtenir quand même un droit de rétractation.

      Une des bonnes formulations non équivoque pourrait être simplement "Le consommateur ne bénéficie du droit de rétractation pour aucun achat effectué dans..."" ou bien "Le consommateur ne bénéficie pas du droit de rétractation pour les achats effectués dans..".

      Certes tout cela n’apporte peut-être pas grand’chose, est certes tiré par les cheveux, que ce ne sont pas ces panonceaux posés dans les stands qui feraient jurisprudence, mais je pense qu’il pourrait être pertinent d’être attentif à ce détail, qui, évidemment, devrait être rectifié à la "source".....
      Après vérification par de vrais spécialistes.

      Bien à vous.

    • par claret , Le 20 juin 2019 à 16:17

      je voudrais savoir si le fait que l’entreprise avec qui j’avais conclu un achat sur foire m’a changé le contrat et est venu chez moi me le faire signer Est-ce qua ce moment là je bénéficie du droit de rétractation

    • par Me BARGIBANT Louise , Le 20 juin 2019 à 18:10

      La vente "hors établissement commercial" implique une protection du consommateur et donc un droit de rétractation.

      Un contrat hors établissement commercial doit avoir été signé dans les circonstances suivantes :

      - dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle : il s’agit par exemple du domicile du consommateur, même si celui-ci a demandé au démarcheur de se déplacer ;
      - ou, dans un lieu qui est celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle mais immédiatement après que le consommateur ait été sollicité personnellement et individuellement dans un autre lieu, c’est-à-dire par exemple, à son domicile, sur son lieu de travail ou dans la rue.
      - ou, lors d’excursions organisées par le professionnel hors des lieux de ventes habituels et qui visent à promouvoir et vendre des biens ou des prestations de services.

      Aussi, si vous souhaitez remettre en cause le second contrat, vous pouvez le faire en mettant en œuvre votre droit de rétractation.

      N’hésitez pas à contacter un avocat pour vous faire assister.

      Bien à vous

    • Bonjour,
      Il est probable que mon commentaire ne répondra pas aux règles de modération de ce site, et je comprendrai qu’il ne soit pas publié.
      Mais pour avoir subi moi-même les conséquences des mauvaises pratiques de certains exposants de foires, je souhaite néanmoins témoigner ici...

      Les conséquences des mauvaises pratiques citées plus haut sont dévastatrices :
      - pour les familles qui voient leur situation financière souvent mise à mal par des remboursements qu’elles peuvent difficilement honorer ;
      - pour les professionnels honnêtes qui, éclaboussés par les pratiques de concurrents indélicats, peinent à remplir leur carnet de commande.
      Permettre au client de réfléchir pendant 14 jours après avoir signé un bon de commande, c’est simplement garantir que son projet est établi sur des bases saines : les professionnels compétents et honnêtes ne souffrent pas d’attendre 14 jours avant de planifier un chantier.

      Afin d’accorder ce temps de réflexion, les parlementaires ont déposé deux propositions de lois destinées à instaurer un droit de rétractation sur les stands de foires et salons : à l’Assemblée nationale, la proposition n°455 ; au Sénat, la proposition n°235. Mais ces propositions n’ont de force que si elles sont examinées et adoptées. Et nos représentants n’ont pour le moment, et depuis 2 législatures, pas franchi ce pas.

      Nous, consommateurs, pouvons et devons leur montrer que nous sommes très nombreux à vouloir changer la loi : afin de leur prouver notre détermination, signons cette pétition que j’ai déposée à l’Assemblée nationale : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-1260.

      Je vous remercie pour votre aide

  • par CMARIO , Le 23 juillet 2019 à 12:07

    En complément des informations complètes fournies dans cet article, j’aurais aimé savoir quel article du code de la consommation était applicable lorsque la vente s’est faite sur un salon, que cette vente était liée à un crédit affecté, que le client a fait valoir son droit de rétractation sur le crédit dans le délai prévu, qu’il en a informé le vendeur qui a convenu que le droit de rétraction sur la vente était conforme, que le vendeur s’est engagé à rembourser la somme versée comme acompte et que, toutefois, le versement a eu lieu 104 jours après la réception du courrier du client par le vendeur.
    Merci de votre réponse.

  • Bonjour,

    Lorsqu’un consommateur achète un bien ou un service lors d’une foire, d’un salon ou de toute manifestation commerciale, il n’a pas de droit de rétractation.

    Les expositions ou manifestations exclusivement artistiques (entre autres), même si on les appelle foires ou salons, ne sont pas considérées comme des manifestations commerciales.

    De ce fait, un consommateur qui acquiert un bien (une peinture par exemple) dans une manifestations exclusivement artistique, bénéficie bel et bien du droit de rétractation, c’est bien ça ?

    • par Me BARGIBANT Louise , Le 21 juin 2019 à 13:41

      Les consommateurs ayant conclu des contrats à l’occasion de foires ou de salons soumis à déclaration au titre des articles L. 762-1 et suivants du Code de commerce ne bénéficient pas d’un droit de rétractation.

      Il s’agit de l’exception (l’absence de droit de rétractation).

      Si nous ne sommes pas en présence d’une foire ou d’un salon soumis à déclaration au titre des articles L.762-1 et suivants du Code de commerce, on en revient au principe : le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision.

      Bien à vous,

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