Le protocole de Nagoya est un accord complémentaire à la Convention sur la diversité biologique (CDB). En effet, adoptée en 1992, la CDB vise (notamment) la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable de ses composants, etc.
Ainsi, adopté en 2010, le protocole de Nagoya, met en œuvre le troisième objectif de la CDB en établissant des règles claires pour l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA), renforçant ainsi la mise en œuvre de la CDB.
Pour rappel, les objectifs principaux de la CDB sont :
1. Conservation de la biodiversité [3] ;
2. Utilisation durable [4] ;
3. Partage des avantages [5].
La loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages autorise la France a ratifié [6] le protocole de Nagoya. Cette loi a permis la mise en place de mesures déclinant les trois piliers [7] du protocole de Nagoya, instaurant ainsi un dispositif national d’accès et de partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées (dispositif APA). L’article 37 de la loi n°2016-1087, crée la Section 3 au chapitre II, Titre Ier, du Livre IV de la partie législative du Code de l’environnement relatif à l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et partage des avantages découlant de leur utilisation (Articles L412-3 à L412-20) complétée par le décret n°2017-848 qui insère dans la partie réglementaire du code précité les articles R412-1 à D412-41.
Dès lors, le Code de l’environnement [8] pose le cadre juridique (en droit interne) de la question de l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, ainsi que le partage des avantages devant en découler de leur utilisation.
Il définit des termes clés [9] comme l’utilisation des ressources génétiques et le partage des avantages ; prescrit les modalités des procédures de déclaration [10] et d’autorisation [11] pour accéder aux ressources, incluant les conditions spécifiques et les délais d’instruction [12].
Le consentement préalable des communautés d’habitants [13] est requis pour l’utilisation des connaissances traditionnelles, avec des modalités de consultation [14] et de partage des avantages [15]. Des dispositions spécifiques [16] sont prévues pour les collectivités d’outre-mer, leur permettant d’exercer les fonctions de l’autorité administrative compétente [17]. Quid de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ?
L’Office Français de la Biodiversité (OFB) est un établissement public français dédié à la protection et à la gestion de la biodiversité [18].
Il est chargé de contrôler et surveiller la mise en œuvre des réglementations APA. Les agents de l’OFB peuvent effectuer des inspections pour s’assurer que les utilisateurs respectent les obligations légales. En outre, conformément à l’article L412-8.VI du Code de l’environnement, Police de l’Environnement : L’OFB exerce des missions de police de l’environnement pour lutter contre les infractions liées à la biodiversité. À ce titre, il a une redistribution juste et équitable des avantages financiers, en tenant compte de la biodiversité des outre-mer et des territoires qui ont contribué à la conservation des ressources génétiques.
I. Les activités exclues de l’APA et celles qui relèvent d’un régime spécifique.
L’APA n’a pas vocation à soumettre toutes les activités en lien avec la question des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles. En effet, certaines activités sont exclues alors que d’autres ont un régime plus spécifique.
A. L’article L412-5.II du Code de l’environnement liste les activités exclues de l’APA.
- Les ressources Génétiques Humaines
- Les ressources Génétiques Prélevées en Dehors du Territoire National et des zones sous souveraineté ou juridiction française.
- Les ressources génétiques couvertes par des instruments internationaux spécialisés d’accès et de partage des avantages qui répondent aux objectifs de la Convention sur la diversité biologique.
- Les ressources génétiques des espèces utilisées comme modèles dans la recherche et le développement [19].
- Les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ne pouvant être attribuées à une ou plusieurs communautés d’habitants.
- Les connaissances traditionnelles dont les propriétés sont bien connues et ont été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d’habitants qui les partagent.
- Les connaissances et techniques traditionnelles associées aux modes de valorisation des produits agricoles, forestiers, alimentaires et des produits de la mer définis à l’article L640-2 du Code rural et de la pêche maritime [20].
- L’échange et l’usage à des fins personnelles ou non commerciales de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées au sein des communautés d’habitants et entre elles [21].
- Activités Relatives à la Défense et à la Sécurité Nationale.
B. L’article L412-5.III du Code de l’environnement liste les ressources génétiques qui relèvent de régimes spécifiques et ne sont pas soumises régimes des collections [22] (art. L412-6 du Code de l’environnement.) et aux procédures déclaratives (art. L412-7 du Code de l’environnement.)
- Les ressources génétiques issues d’espèces domestiquées ou cultivées [23].
- Les ressources génétiques des espèces végétales sauvages apparentées [24].
- Les ressources génétiques objets de sylviculture [25].
- Les ressources génétiques collectées par les laboratoires dans le cadre de la prévention, de la surveillance et de la lutte contre les dangers sanitaires concernant les animaux, les végétaux et la sécurité sanitaire des aliments [26].
- Les ressources génétiques collectées par les laboratoires au titre de la prévention et de la maîtrise des risques graves pour la santé humaine [27].
II. Bréviaire de la mise en œuvre de l’APA.
Afin de faciliter la lisibilité de la présentation sommaire de la mise en œuvre de l’APA, ce dispositif sera appréhendé à la lumière de ses deux principaux piliers.
A. L’accès et utilisation des ressources génétiques.
Le Code de l’environnement établit les conditions d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, en définissant des procédures de déclaration et d’autorisation pour leur utilisation, tout en assurant un partage juste et équitable des avantages découlant de cette utilisation.
L’accès aux ressources génétiques est encadré par des règles strictes pour assurer un partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (art. L412-8.II du Code de l’environnement) :
- Déclaration ou Autorisation (art. L412-7 du Code précité) : Toute personne souhaitant accéder à des ressources génétiques doit effectuer une déclaration ou obtenir une autorisation auprès de l’autorité administrative compétente.
- Consentement Préalable (art. L412-11.6°.a du Code précité) : Lorsque les ressources génétiques sont associées à des connaissances traditionnelles détenues par des communautés d’habitants, leur consentement préalable, donné en connaissance de cause, est requis.
- Respect des Réglementations (art. L412-17.II du Code précité) : Les activités doivent respecter les réglementations nationales et internationales, notamment la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Nagoya.
Procédures Déclaratives
- Déclaration (art. L412-7.I du Code précité) : Pour des activités de recherche, de conservation en collection ou de valorisation sans objectif direct de développement commercial, une déclaration doit être faite auprès de l’autorité administrative compétente.
- Formulaire de Déclaration [28] : La déclaration doit inclure des informations détaillées sur les activités prévues, les taxons concernés, les modalités techniques d’accès, et les propositions de partage des avantages.
Procédures d’Autorisation
- Demande d’Autorisation (art. L412-7.IV du Code précité) : Pour des activités ayant un objectif direct de développement commercial ou lorsque les modalités générales de partage des avantages ne sont pas adaptées, une demande d’autorisation doit être soumise.
- Évaluation de l’Impact (art. L412-18.II.5° du Code précité) : La demande doit inclure une évaluation de l’impact sur la biodiversité et des propositions de partage des avantages.
- Délai d’Instruction (art. L412-8.I du Code précité) : L’autorité administrative dispose d’un délai pour examiner la demande et parvenir à un accord sur le partage des avantages.
Partage des Avantages
- Juste et Équitable (art. L412-4.3° du Code précité) : Le partage des avantages doit être juste et équitable, incluant des résultats de recherche, des avantages financiers, et des contributions à la conservation de la biodiversité
- Projets Bénéficiant aux Communautés (art. L412-14.I du Code précité) : Les avantages doivent bénéficier directement aux communautés d’habitants concernées, avec des projets menés en concertation et avec leur participation.
Utilisation des Connaissances Traditionnelles (art. L412-4.2° du Code précité).
L’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques est encadrée par des règles spécifiques pour protéger les droits des communautés d’habitants et assurer un partage juste et équitable des avantages.
- Autorisation Spécifique (art. L412-9 du Code précité) : L’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques nécessite une autorisation spécifique, obtenue après consultation des communautés d’habitants.
- Demande d’Autorisation (art. L412-9 al.1) : Toute personne souhaitant utiliser des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques doit obtenir une autorisation spécifique. La demande doit être adressée au ministre chargé de l’environnement.
- Formulaire de Demande (R412-18.II.2°) : La demande doit inclure des informations détaillées sur les activités prévues, les objectifs, les applications envisagées, et les propositions de partage des avantages.
- Contrat de Partage des Avantages (art. L412-11.6°.c du Code précité) : Un contrat de partage des avantages doit être négocié et signé avec les communautés d’habitants, définissant les conditions d’utilisation et les avantages à partager.
- Négociation et Signature (R412-33) : En cas de consentement des communautés d’habitants, la personne morale de droit public négocie et signe avec le demandeur un contrat de partage des avantages, conforme à un contrat type.
- Contenu du Contrat (L412-12.II) : Le contrat définit les conditions d’utilisation des connaissances traditionnelles et les avantages à partager, tels que des contributions financières, des projets de développement local, ou des actions de préservation de la biodiversité.
Règles de Conformité.
Les règles de conformité relatives à l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées sont établies pour garantir que les utilisateurs respectent les obligations légales et réglementaires :
- Diligence Raisonnable (art. D412-39.II.1° du Code précité) :
- Obligation de Diligence : Les utilisateurs de ressources génétiques doivent faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer que l’accès et l’utilisation de ces ressources sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables.
- Déclarations Obligatoires (art. L412-17.III in fine) : Les utilisateurs doivent fournir des déclarations attestant de leur diligence raisonnable aux autorités compétentes à différents stades de leurs activités.
- Déclarations aux Autorités (art. D412-39.II.1° du Code précité) : Les utilisateurs doivent déclarer aux autorités compétentes [29] les informations relatives à l’utilisation des ressources génétiques, notamment lors de la réception de financements de recherche ou du développement final de produits.
- Contenu des Déclarations Les déclarations doivent inclure des informations détaillées sur les ressources génétiques utilisées, les connaissances traditionnelles associées, les activités prévues, et les mesures prises pour garantir la conformité.
- Confidentialité (L412-17.I) : Les utilisateurs peuvent indiquer les informations confidentielles dont la divulgation pourrait porter atteinte au secret des affaires.
- Inscription au Registre Européen (R412-40 al. 1) : Les détenteurs de collections de ressources génétiques peuvent demander l’inscription de leur collection au registre européen des collections, ce qui atteste de leur conformité avec les règles de diligence raisonnable.
- Contrôle des Collections (R412-40 al. 2) : Les collections inscrites au registre européen sont soumises à des contrôles réguliers pour vérifier leur conformité.
- Sanctions en Cas de Non-Conformité :
- Sanctions Administratives : En cas de non-respect des obligations de diligence raisonnable, les utilisateurs peuvent être soumis à des sanctions administratives, incluant des amendes et la suspension de leurs activités.
- Recours Juridique (L412-11.4°) : Les autorités compétentes peuvent engager des actions en justice pour faire respecter les règles de conformité et protéger les intérêts de la biodiversité et des communautés d’habitants.
B. Rôle des communautés d’habitants et des collectivités d’outre-mer.
Le consentement préalable des communautés d’habitants est requis pour l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. Des dispositions spécifiques permettent aux collectivités d’outre-mer d’exercer les fonctions de l’autorité administrative pour les demandes d’accès et d’utilisation sur leur territoire.
Consultation des Communautés d’Habitants (art. L412-11.5°).
Les communautés d’habitants jouent un rôle central dans la gestion et l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques.
- Consentement Préalable (art. L412-9 al. 1 in fine) : L’autorisation ne peut être accordée qu’après avoir obtenu le consentement préalable, en connaissance de cause, des communautés d’habitants concernées.
- Consultation (art. L412-9.II in fine) : Elles participent activement aux consultations organisées par la personne morale de droit public. Cette consultation vise à informer les communautés et à recueillir leur avis sur l’utilisation des connaissances traditionnelles.
- Personne Morale de Droit Public (art. L412-10 in fine) : Une personne morale de droit public est désignée pour organiser la consultation des communautés d’habitants et négocier le contrat de partage des avantages.
Procédure de Consultation
- Calendrier de Consultation (art. R412-31 al. 1) : La personne morale de droit public fixe le calendrier de la consultation et informe le demandeur. La durée de la consultation doit permettre une participation suffisante des communautés d’habitants.
- Information et Participation (art. R412-32 al. 2) : Le dossier de demande est présenté aux communautés d’habitants dans des conditions adaptées à leur mode de vie et à leur culture, notamment dans une langue ou un dialecte qu’elles comprennent.
Autorisation et Conditions
- Délivrance de l’Autorisation (art. R412-22.II) : Le ministre chargé de l’environnement statue sur la demande dans un délai de deux mois après réception du contrat signé et du procès-verbal de consultation. L’absence de décision vaut délivrance de l’autorisation.
- Conditions d’Utilisation (art. L412-8.II) : L’autorisation précise les conditions d’utilisation des connaissances traditionnelles et peut être assortie de prescriptions complémentaires pour garantir le partage juste et équitable des avantages.
- Partage des Avantages (art. L412-9.II) : Les communautés d’habitants sont bénéficiaires des avantages découlant de l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles. Ces avantages peuvent inclure des contributions financières, des projets de développement local, ou des actions de préservation de la biodiversité.
- Participation aux Projets (art. L412-14.I in fine) : Les projets bénéficiant des avantages doivent être réalisés en concertation et avec la participation des communautés d’habitants concernées.
Modifications et Suivi
- Modifications des Activités (art. R412-35 al. 1) : Tout projet de modification des activités doit être porté à la connaissance du ministre chargé de l’environnement et de la personne morale de droit public. Les modifications peuvent nécessiter une nouvelle consultation et un ajustement du contrat de partage des avantages.
- Suivi et Gestion des Avantages (art. L412-14.II) : La personne morale de droit public veille à ce que les avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles soient conformes aux critères fixés et bénéficient directement aux communautés d’habitants concernées.
Les collectivités d’outre-mer exercent des responsabilités spécifiques (art. L412-15) en matière de gestion des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées.
- Autorité Administrative : Les conseils régionaux de la Guadeloupe et de La Réunion, les assemblées de Guyane et de Martinique, et le conseil départemental de Mayotte peuvent exercer les fonctions de l’autorité administrative pour les demandes d’accès et d’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées sur leur territoire.
- Personne Morale de Droit Public : Dans chaque collectivité où est présente une communauté d’habitants, une personne morale de droit public est désignée pour organiser la consultation des communautés d’habitants et négocier le contrat de partage des avantages. Cette personne morale peut être un établissement public de coopération environnementale ou un établissement public compétent en matière d’environnement.
- Gestion des Avantages : La personne morale de droit public est également chargée de gérer les avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles, en veillant à ce qu’ils bénéficient directement aux communautés d’habitants concernées.
- Délibérations : Les collectivités d’outre-mer peuvent adopter des délibérations pour exercer les fonctions de l’autorité administrative et pour organiser la consultation des communautés d’habitants.