L’indemnisation des préjudices subis par un agent évincé.

Par Catherine Degandt, Avocat.

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Explorer : # indemnisation # préjudice # agent public # responsabilité administrative

Le 28 mars 2018, le Conseil d’Etat a rappelé les principes de base de l’indemnisation d’un agent illégalement évincé, tout comme l’étendue des pouvoirs du juge administratif en la matière.

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Les principes généraux régissant l’indemnisation des préjudices subis par un agent illégalement évincé.

Les principes régissant l’indemnisation d’un fonctionnaire irrégulièrement évincé sont connus de longue date, puisque c’est dans un arrêt publié aux "Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative" que le Conseil d’État a posé les bases de cette indemnisation.

Dans l’arrêt d’Assemblée Deberles du 7 avril 1933, le Conseil d’État avait eu l’occasion d’annuler une décision de révocation illégale, en ce qu’elle n’avait pas été précédée de la consultation du conseil de discipline. L’agent révoqué réclamait, pour dédommagement de ses préjudices, une somme égale aux traitements qu’il avait perdus. Le Conseil d’État fixa, dans cet arrêt non démenti depuis, le principe d’une « indemnisation du préjudice réellement subi » par l’agent, appréciant ainsi au cas par cas chaque situation, pour mieux appréhender « l’importance des irrégularités », dont l’agent avait été victime.

Le raisonnement tenu depuis cet arrêt de principe est donc, pour le juge administratif, de systématiquement rechercher :
- le préjudice effectivement subi par l’agent,
- les fautes commises par l’administration,
- les fautes commises par l’agent, qui légitiment une réduction de l’indemnisation allouée.

Dans un récent arrêt, en date du 6 décembre 2013, le Conseil d’Etat a rappelé les principes gouvernant la réparation du préjudice subi par l’agent illégalement évincé (n° 365155 - Commune d’Ajaccio) :« En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; (...) sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. » Suit systématiquement l’exposé des éléments de fait du dossier jugé, permettant d’évaluer précisément l’ampleur du préjudice subi par l’agent évincé.

L’étendue du contrôle du juge, à côté de l’indemnisation des préjudices.

Le 28 mars 2018, le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler les principes de base de l’indemnisation de l’agent illégalement évincé, tout comme l’étendue des pouvoirs du juge administratif en la matière (n° 398851 - Monsieur A) : « En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; (...) sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. »

En l’espèce, un agent contractuel de l’École des Mines de Nantes avait été licencié pour faute disciplinaire. Le Tribunal Administratif de Nantes avait annulé la sanction au motif qu’elle était manifestement disproportionnée au regard des fautes commises (contrôle minimum classique du juge administratif en la matière) et estimé à 6000 € (sur les 83412 € demandés) l’indemnisation due à l’agent. La Cour Administrative d’Appel de Nantes avait rejeté l’appel formé et c’est finalement au Conseil d’État qu’il est revenu d’apprécier la situation de l’agent.

Après le rappel des considérants ci-dessus, désormais classiques, le Conseil d’État a relevé que « pour apprécier... l’existence d’un lien de causalité entre les préjudices subis par l’agent et l’illégalité commise par l’administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l’agent et de la nature de l’illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l’administration », ce qui peut s’analyser comme le corollaire du contrôle de proportionnalité - le juge contrôle que la sanction disciplinaire est bien adaptée aux faits reprochés. S’il y a illégalité, il vérifie que sans elle, une sanction de même gravité aurait été adoptée -.

L’affirmation n’avait, en elle-même, pas de quoi surprendre et était immédiatement suivie de : «  Le juge n’est, en revanche, jamais tenu , pour apprécier l’existence ou l’étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l’illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l’administration. », ce qui ramène le juge à sa mission traditionnelle, qui lui interdit de se substituer à l’administration, quant à la recherche de la sanction la plus appropriée aux faits de l’espèce, ramenée à l’appréciation du lien de causalité entre préjudices et illégalité.

Le juge n’a, à ce jour, jamais pris part à ce débat et contrairement à une idée reçue fort répandue, ne s’est jamais autorisé à dire quelle sanction était appropriée, voire à substituer à une sanction illégale, une autre plus adaptée.

L’arrêt du Conseil d’État emporte ici un rappel utile des principes généraux gouvernant la réparation des préjudices subis par un agent irrégulièrement évincé, mais aussi de l’étendue du contrôle opéré par le juge, en pareille circonstance.

Catherine DEGANDT

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