L’annexe à la déclaration a connu sa saison, aujourd’hui achevée, mais qui a su palpiter le cœur des avocats, entre frisson et heureux dénouement.
Les avocats avaient été discrètement averti de ce qui les attendait [1].
Par huit arrêts du 25 juin 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, relevant d’office le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif, jugea que l’article 901 du Code de procédure civile ne permettait pas de joindre une annexe à une déclaration d’appel et considéra qu’elle n’avait été valablement saisie d’aucune demande dans la mesure où les chefs critiqués des jugements ne figuraient pas dans le corps même des déclarations d’appel.
La Cour de cassation a dans un arrêt du 13 janvier 2022 [2] dont nous ne pouvons pas dire qu’il a été unanimement considéré qu’elle n’avait été valablement saisie d’aucune demande dans la mesure où les chefs critiqués des jugements ne figuraient pas dans le corps même des déclarations d’appel.
Par la suite, la Cour de cassation a été interrogée sur une première question celle de savoir si la déclaration d’appel et l’annexe constituent ou non la déclaration d’appel ?
La Cour de cassation a également été interrogée sur une seconde question celle de savoir si l’absence de renvoi à l’annexe dans la déclaration d’appel donnait lieu à une sanction ?
Enfin, la CEDH a été interrogée sur la question de savoir si les règles procédurales avaient été « interprétées de façon imprévisible et excessivement formaliste » par le juge français ?
I- La déclaration d’appel et l’annexe constituent la déclaration d’appel.
La Cour de cassation dans un arrêt du 26 octobre 2023 [3] considéra que : « la déclaration d’appel, à laquelle est jointe une annexe contenant les chefs expressément critiqués, constitue la déclaration d’appel, et opère dévolution des chefs contenus dans l’annexe ».
II- L’absence de renvoi à l’annexe dans la déclaration d’appel ne donne lieu à aucune sanction.
Après le décret. n°2022-245 du 25 févr. 2022, JO 26 févr. ; Arr. du 24 févr. 2022 pris en application de l’art. 1411 du c. pr. civ., JO 26 févr., et des interventions notamment du Conseil national des barreaux, la Cour de cassation a plié.
La Cour de cassation dans quatre arrêts du 7 mars 2024 [4] considéra que : « la circonstance que la déclaration d’appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à la nullité de l’acte en application de l’article 114 du Code de procédure civile ; elle ne saurait davantage priver la déclaration d’appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi ».
III- L’annexe à la déclaration d’appel, le gouvernement français reconnaît le formalisme excessif des juridictions internes.
Devant la Cour européenne, un requérant a soutenu que ces règles procédurales avaient été « interprétées de façon imprévisible et excessivement formaliste ».
Après l’échec d’un règlement amiable, le gouvernement français avisa la cour qu’il proposait de prononcer une déclaration unilatérale en vue de régler les questions soulevées par le grief avancé par la société requérante et l’invita à rayer la requête du rôle conformément à l’article 37 de la Convention européenne.
La Cour européenne des droits de l’homme, devant l’acte de contrition du gouvernement français, a rendu une décision de radiation le 3 octobre 2024 (CEDH n°33851/23) :
Dans sa décision, la Cour européenne considéra que : « Le Gouvernement reconnaît qu’en l’espèce, en jugeant que l’effet dévolutif des appels formés par la requérante n’avait pu opérer alors que l’intégralité des actes d’appel permettait de comprendre quels étaient les chefs de jugement critiqués, les juridictions internes ont fait preuve d’un formalisme excessif constituant une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge garanti par l’article 6§1 de la Convention ».
Tel est le principe.
Que celui qui veut utiliser une annexe pour indiquer les chefs expressément critiqués le fasse, même si l’intérêt d’une telle pratique reste à trouver.
Notes :
Arrêt du 5 décembre 2019 (Civ. 2e, 5 déc. 2019, n° 18-17.867 FS-P+B+I)
Arrêt du 13 janvier 2022 (Civ. 2e, 13 janv. 2022, n° 20-17.516 P)
Arrêt du 26 octobre 2023(Civ. 2e, 26 octobre 2023, F-B n° 22-16.185)
Quatre arrêts du 7 mars 2024 (Civ. 2e, 7 mars 2024, FS-B n° 22-23.522, Civ. 2e - 7 mars 2024, FS-B n° 22-20.035- Civ. 2e, 7 mars 2024, FS-B n° 22-19.473 - Civ. 2e, 7 mars 2024, FS-B n° 22-19.157)
Arrêt du 3 octobre 2024 (CEDH n°33851/23).
Article 6-1 de la CEDH.
Discussion en cours :
Merci Confrère pour cet exposé très clair et cette mise au point nécessaire.