Déclaration d’appel hors délai et indivisibilité du litige.

Par Romain Laffly, Avocat.

14750 lectures 1re Parution: 1 commentaire 4.97  /5

Explorer : # indivisibilité du litige # déclaration d'appel # procédure civile # régularisation de procédure

Dès lors que son appel est recevable à l’égard d’au moins une partie, l’appelant, qui encourt la nullité de fond de sa déclaration d’appel faute d’avoir intimé l’ensemble des parties dans un litige indivisible, peut interjeter à nouveau appel même à l’encontre de l’une des parties contre laquelle il serait hors délai.

-

Par acte du 11 septembre 2013, une partie relève appel à l’encontre de deux assureurs dont le véhicule était impliqué dans un accident de la circulation et du Trésor Public au lieu de relever appel contre l’agent judiciaire de l’État, seul habilité à représenter l’État français devant les juridictions de l’Ordre judiciaire. Puis, par une seconde déclaration d’appel du 5 mai 2014, les appelants forment appel cette fois à l’encontre de l’agent judiciaire de l’État.

La cour d’appel de Besançon annule la première déclaration d’appel et déclare recevable le second motif pris de l’indivisibilité du litige puisque le premier appel était recevable à l’égard des assureurs nonobstant la signification qui était intervenue à l’égard de l’agent judiciaire de l’État. La Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que dans la mesure où le litige était indivisible, ce qui n’avait pas été critiqué, la cour d’appel avait exactement retenu que la première déclaration d’appel était affectée d’une irrégularité de fond et que dès lors que l’appel était recevable au moins à l’égard d’une partie, il était possible d’appeler en cause d’autres parties après l’expiration du délai pour interjeter appel à l’encontre de l’agent judiciaire de l’État.
Voilà une exacte application de l’article 552 du Code de procédure civile qui dispose qu’« en cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par l’une conserve le droit d’appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l’instance », et surtout de l’alinéa second qui ajoute que « Dans les mêmes cas, l’appel dirigé contre l’une des parties réserve à l’appelant la possibilité d’appeler les autres à l’instance ».

En effet, quand bien même l’appel à l’égard d’une partie eut été tardif – en l’occurrence à l’égard de l’agent judiciaire de l’État qui n’avait pas été intimé dans les délais – l’appel à l’égard d’autres parties, s’il était recevable, autorisait un second appel à l’encontre de la partie contre laquelle l’appelant se trouvait hors délai. Autrement dit, l’indivisibilité du litige fait que l’appel est irrecevable à l’égard de tous s’il manque une partie sur l’acte d’appel, mais c’est l’indivisibilité du litige qui permet de régulariser la procédure, même hors délai, vis-à-vis de la partie omise sur l’acte d’appel. Très tôt, la Cour de cassation a admis la possibilité de former un second appel, même hors délai, en cas d’indivisibilité du litige si le premier appel est recevable (Civ. 3e, 23 juin 1999, n° 97-22.607, Bull civ. III, n° 146 ; Civ. 1re, 5 oct. 1994, n° 92-20.149, D. 1995. 358 , note J. Massip ; RTD civ. 1995. 327, obs. J. Hauser).

A contrario, la Cour de cassation a pu casser et annuler un arrêt d’une cour d’appel qui avait estimé recevable un appel alors que le litige était indivisible comme relatif à un bail alors que l’appel n’avait été formé qu’à l’encontre d’un seul des cotitulaires du contrat de bail (Civ. 2e, 5 janv. 2017, n° 15-28.356). Et il en est de même systématiquement dans la matière indivisible qu’est la procédure collective si aucune régularisation à l’égard du mandataire judiciaire n’intervient (Com. 29 sept. 2015, n° 14-13.257, Dalloz actualité, 14 oct. 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 2007 ). Cela est d’autant plus logique que l’article 553 in fine précise qu’en cas d’indivisibilité, l’appel formé contre l’une des parties n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.
Ainsi en l’espèce, la seule voie ouverte à l’assureur eut été plutôt de critiquer le caractère indivisible du litige – il s’agissait d’un accident de la circulation mais sans que l’on ne dispose d’autres renseignements – et la Cour de cassation a d’ailleurs relevé que le caractère indivisible de l’affaire n’était pas critiqué. Mais la nullité de fond affectant la déclaration d’appel et retenue par la cour d’appel de Besançon permettait encore, indépendamment de la question de l’indivisibilité du litige, de former un second appel puisque l’on sait, depuis un arrêt du 16 octobre 2014, qu’une cour d’appel ne peut dénier l’effet interruptif à la nullité qu’elle a pu prononcer à l’encontre d’une première déclaration d’appel (Civ. 2e, 16 oct. 2014, n° 13-22.088, Dalloz actualité, 28 oct. 2014, obs. N. Kilgus ; D. 2014. 2118 ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 517, chron. T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis, N. Palle, L. Lazerges-Cousquer et N. Touati) et qu’une régularisation du vice de fond comme de forme est également possible tant que le juge n’a pas statué (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-14.300, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1196).

C’est finalement essentiellement dans le cadre de l’instance elle-même et des obligations procédurales des parties dans l’échange des conclusions que les effets de l’indivisibilité pourront s’avérer irrémédiables. La Cour de cassation approuve ainsi une cour d’appel d’avoir retenu une caducité à l’égard de toutes les parties présentes sur la déclaration d’appel plutôt qu’une caducité partielle en l’absence de signification des conclusions à un seul intimé défaillant dès lors que le litige était indivisible (Civ. 2e, 11 mai 2017, n° 16-14.868, Dalloz actualité, 6 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 1054 ). La caducité n’est pas la nullité et, par application du nouvel alinéa 3 de l’article 911-1 du Code de procédure civile applicable à compter du 1er septembre 2017, l’appelant, qui n’a pas conclu dans les délais ou qui a omis une formalité de signification, ne pourra plus réitérer son appel même en cas d’indivisibilité du litige.

Romain Laffly associé chez Lexavoue Lyon pour Dalloz Actualité

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

111 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussion en cours :

  • par VOISIN , Le 23 janvier 2018 à 13:33

    MCC
    votre article est très intéressant.....je rencontre actuellement un cas comme celui que vous citez et j’ai une grosse interrogation
    j’ai interjeté appel pour une société en redressement judiciaire d’une ordonnance du juge commissaire (contestation de l’admission d’une créance).....toutefois je n’ai pas intimé le liquidateur (mais seulement le créancier)
    le créancier soulève par conclusions d’incident, l’irrecevabilité de mon appel sur le fondement de l’article R661-6 du Code de Commerce (notion d’indivisibilité) parce que je n’ai pas intimé le liquidateur
    ma question est la suivante :
    mon appel est il réellement irrecevable ou puis je régulariser ma procédure vis à vis du liquidateur sur le fondement de l’article 552 du CPC ......dans ce cas dois je faire une nouvelle DA contre le liquidateur (+ jonction) ou dois je l’appeler à la procédure postérieurement en lui dénonçant la DA et les conclusions ?
    pouvez vous m’éclairer si vous avez déjà eu une situation identique ? l’article 552 du CPC est pour moi assez ambigü dans sa rédaction et je ne voudrais pas commettre d’impair...
    d’avance merci pour votre retour
    VBD

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs