Approche croisée des principes contenus dans la "convention de Maputo de 2003".

Par Hur Asani Mutentu, Juriste.

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Explorer : # environnement # développement durable # conservation des ressources naturelles # politiques environnementales

La convention d’Alger, justement, relative à la conservation de la nature et des ressources naturelles a été adoptée par l’OUA en 1968 puis entra en vigueur en juin 1969. Cependant, la nécessité d’adapter le texte à l’évolution des connaissances scientifiques, juridiques et techniques, une version revisitée de la convention a été adoptée le 11 juillet 2003 à Maputo au Mozambique sans que ne s’en suive jusqu’à ce jour sa mise en œuvre effective.

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Comme l’affirme le professeur Stéphane Doumbé-Billé, la nouvelle convention africaine de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, adoptée par la conférence des chefs d’États et de gouvernements, ne met pas fin à la convention d’Alger de 1968, tant il est vrai qu’elle la modifie substantiellement.

Nous dirons encore plus qu’elle la renchérit dans le sens précis qu’elle est intervenue pour pallier au manque des structures institutionnelles facilitant l’entrée en vigueur de manière efficace ou encore l’absence des mécanismes juridiquement contraignants. La note de la conférence des chefs d’États et de gouvernements de l’Union africaine publiée en août 2019 renseigne clairement que l’entrée en vigueur de la convention, intervenue 13 ans après son adoption, a été retardée de suite de la lenteur de sa ratification.

Nous pouvons compter à ce jour 17 États africains signataires soit moins du deux tiers du continent. Cependant, c’est sa mise en œuvre qui pose un problème non minimisable à ce jour. En effet, une réunion de la conférence des parties (Cdp-1) devra être convoquée en toute urgence pour assurer la mise en œuvre de la convention. Cette démarche devrait pourtant intervenir une année après l’entrée en vigueur de la convention. Cet organe de décision doit en effet adopter son règlement intérieur, veiller à l’application de la convention etc.

Lorsque vous lisez les instruments juridiques, il se dégage un intérêt confirmé des États de voir l’environnement, hissé au rang de catapulte du développement, être sain. Pour en avoir la conviction nette, il suffit de consulter l’article 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose en son sein que "tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement". La déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, abondant dans le même sens, n’a pas hésité de couler en principe et de rappeler utilement que les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. Et la déclaration d’ajouter que l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considéré isolément.

Cette volonté a été réaffirmée dans le préambule de la ’’Convention d’Alger de 1968’’, telle que modifiée et adoptée à Maputo, en des termes encore plus clairs traduisant leur désir d’entreprendre une action individuelle ou collective en vue de la conservation, de l’utilisation et du développement de ce capital par l’établissement et le maintien de son utilisation durable. De plus, l’article 2 du même texte s’est assigné trois objectifs principaux qui se résument en l’amélioration de la protection de l’environnement, la promotion de la conservation et l’utilisation durable des ressources naturelles et enfin l’harmonisation et la coordination des politiques dans ces domaines en vue de mettre en place des politiques et des programmes de développement. La Cour européenne des droits de l’homme a en outre souligné que la jouissance effective des droits compris dans la Convention européenne des droits de l’homme dépend notamment d’un environnement de qualité, calme et sain, propre à assurer le bien-être.

Quid du couple environnement-développement durable ?

Dans un sens plus universel et c’est l’avis partagé par bien des chercheurs, l’environnement peut comprendre l’ensemble des conditions naturelles, sociales et culturelles qui influencent la vie d’un individu ou d’une communauté. L’article 5 de la loi slovène sur la protection de l’environnement de juin 1993 donne une définition plus simpliste de l’environnement en ce qu’il constitue en une part de la nature qui est ou pourrait être influencée par l’activité humaine. En tant que tel il comprend les ressources à la fois biotiques et abiotiques, telles que l’air, l’eau, le sol, la faune et la flore et les interactions entre les mêmes facteurs ; la propriété qui constitue une partie de l’héritage culturel ; les aspects caractéristiques du paysage. Par ailleurs, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement a, en 1987 dans le rapport de Brundtland, défini le développement durable comme celui qui répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à subvenir à leurs propres besoins. Après avoir vidé le contenu de ces deux notions, abordons maintenant les principes de la convention sous examen.

La convention fixe à son article 3, trois principes fondamentaux, qui devraient présider toutes les actions des Etats-parties, que nous allons évoquer dans les lignes qui vont suivre sans en percer aussi largement la profondeur. Tout d’abord, on en a suffisamment parlé, elle reprend le droit de tous les peuples à un environnement satisfaisant qui favorise leur développement. En effet, c’est la lecture de la déclaration de Stockholm de 1972 qui vient faciliter la compréhension de ce principe en ce sens qu’elle renseigne que l’homme a droit à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Ainsi, nous pensons que les États doivent donc s’évertuer à réunir des conditions de vie qui n’inquiètent pas la vie de ses citoyens.

C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans l’affaire Öneryıldız c. Turquie impliquant une explosion dans une décharge municipale tuant 39 personnes qui avaient illégalement construit leurs habitations autour de celle-ci, qu’en vertu de l’article 2 de la convention européenne des droits de l’homme les autorités étaient dans l’obligation de prendre des mesures préventives pour protéger les personnes vivant à proximité de la décharge, car elles savaient, ou auraient dû savoir, qu’il existait un risque réel et imminent à vivre près de la décharge. La Cour a également reproché aux autorités de ne pas avoir informé les habitants de ces constructions sauvages des risques qu’ils encouraient à vivre à proximité de la décharge. Le cadre réglementaire existant a également été jugé insuffisant.

La convention consacre par ailleurs le devoir des Etats d’assurer individuellement ou collectivement l’exercice du droit au développement. L’Etat d’assurer la jouissance effective du droit à l’environnement en limitant les dommages environnementaux pour favoriser la jouissance des ressources naturelles dans toute la quiétude possible. Dans une observation générale no 6 (1982) du Comité des droits de l’homme sur le droit à la vie, il a été admis que les obligations qui incombent aux États de respecter les droits de l’homme, de les protéger des atteintes qui compromettent leur exercice et de leur donner effet en œuvrant à leur pleine réalisation s’appliquent toutes dans le contexte environnemental. C’est dire que l’Etat doit respecter et protéger les droits de l’homme et leur donner effet afin de garantir un environnement sûr, propre, sain et durable. Les États devraient veiller à l’application effective de leurs normes environnementales aux acteurs publics et privés.

Enfin, la Convention consacre le devoir pour les Etats de veiller à ce que les besoins en matière de développement et de l’environnement soient satisfaits de manière durable, juste et équitable. Les principes 3 et 5 de la déclaration de Rio se sont inscrits dans la même logique en préconisant la satisfaction équitable des besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures et l’élimination de la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde. En clair, les États devraient interdire la discrimination et garantir une protection égale et efficace contre la discrimination qui permette à tous de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable tout comme ils devraient prendre des mesures supplémentaires pour protéger ceux qui sont les plus vulnérables face aux dommages environnementaux ou qui y sont particulièrement exposés

En conclusion, il est un secret de polichinelle que c’est à dessein que les instruments juridiques ont toujours abordé la question de l’environnement à côté de celle du développement car l’écosystème en est la gâchette. Ce petit tour dans la déclaration de Rio, ensuite dans celle de Stockholm, puis même dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en passant par la Convention de Maputo de 2003, nous a permis de comprendre la haute volonté des Etats de se référer à un certain nombre des principes pris comme universels afin de préserver la nature et conserver les ressources naturelles. Il nous a permis aussi d’en comprendre le sens de façon encore plus ouverte en puisant tour à tour dans l’intelligence de chaque législateur.

La Cdp-1 devrait en toute urgence être convoquée pour préserver les acquis substantiels de la toute nouvelle Convention de Maputo sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. Le Droit de l’environnement est un droit en profonde et permanente mutation. Les défis environnementaux actuels du continent Africain ont une réponse équilibrée dans cette convention qu’il faudra à tout prix appliquer pour endiguer des vrais problèmes qui deviendront des problèmes complexes tant qu’il ne sera pas appliqué la convention. Nous émettons de plus, nous référant à l’AGENDA 2063 de l’ONU, le vœu de voir toutes les institutions régionales s’évertuer pour l’avènement d’un continent qui intègre principalement les processus d’adaptation pour maintenir des écosystèmes sains, préserver l’environnement naturel de l’Afrique en tant que plus grande réserve restante d’eaux cristallines, de forêts anciennes et de terres dans le monde.

Hur Asani Mutentu,
Juriste CD | Chercheur

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