CDD pour surcroît d’activité lié à « l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer » = requalification en CDI.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Elise de Langlard, Juriste.

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Ce que vous allez lire ici :

Un médecin gériatre a contesté la rupture de ses CDD avec la Fondation de Rothschild, soutenant qu'ils devaient être requalifiés en CDI. La Cour de cassation a finalement jugé que les CDD étaient inappropriés, car l'activité liée à l'ouverture d'une unité Alzheimer était permanente, renforçant ainsi la protection des droits des salariés.
Description rédigée par l'IA du Village

Le 18 septembre 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant concernant les conditions de recours aux contrats à durée déterminée (CDD).

L’affaire portait sur l’ouverture d’une unité Alzheimer dans un établissement médico-social de la Fondation de Rothschild, et la haute juridiction a cassé partiellement une décision de la Cour d’appel de Paris, retenant que des contrats à durée déterminée (CDD) ne répondaient pas aux critères de la tâche précise et temporaire exigés par le Code du travail.

La haute juridiction rappelle ainsi que les CDD ne peuvent servir à pourvoir un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’employeur.

Cet arrêt qui est une confirmation de jurisprudence constante et doit être approuvé.

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I. Faits.

Un médecin gériatre a été employé par la Fondation de Rothschild dans le cadre de plusieurs CDD entre 2014 et 2016, les deux derniers portant sur des périodes comprises entre le 16 mars 2015 et le 31 janvier 2016.

Ces contrats ont été justifiés par la Fondation de Rothschild comme répondant à un « surcroît d’activité lié à l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer » et ainsi s’inscrivant dans le cas de recours au CDD prévu en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Le médecin a saisi la juridiction prud’homale pour contester la rupture de son dernier contrat et demander la requalification des deux derniers CDD en contrat à durée indéterminée (CDI), ainsi que des indemnités afférentes.

Le salarié a soutenu que les contrats litigieux avaient pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, en violation des articles L1242-1 et L1242-2 du Code du travail. Il a relevé que l’ouverture de l’unité Alzheimer constituait en effet un projet intégré dans l’activité normale et permanente de la Fondation, et non un surcroît d’activité temporaire.

La Cour d’appel de Paris avait rejeté ces arguments en mars 2023, estimant que l’employeur justifiait d’un surcroît temporaire lié aux travaux préparatoires et à l’organisation du nouveau service.

II. Moyens.

Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses différentes demandes en requalification de ses deux derniers contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de certaines sommes alors « que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

III. Solution.

Au visa des articles L1242-1, L1242-2 et L1245-1 du Code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, reprochant à cette dernière de ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations.

Pour débouter le salarié de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l’arrêt constate que les deux derniers contrats à durée déterminée ont été conclus au motif d’un « surcroît d’activité lié à l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer ».

Il retient que l’employeur justifie de réunions préparatoires concomitamment à sa collaboration avec le salarié, notamment en mars 2015 et en janvier 2016, pour le projet d’organisation de l’unité de vie adaptée (UVA), qui a comporté des aspects architecturaux comme la création d’une unité sécurisée, mais qui a requis également des ressources, du personnel médical et paramédical spécifiquement formé, et la mise en place d’une organisation dédiée. Il retient encore qu’il est justifié de l’ouverture de cette unité en mars 2016.

Il ajoute que, peu important le lieu d’affectation du salarié, puisque le motif de recours aux contrats litigieux touchait l’ensemble de la structure, l’employeur démontre un surcroît d’activité lié à « l’ouverture de l’unité de vie Alzheimer », cette expression pouvant s’entendre, dans les circonstances décrites et compte tenu des préalables nécessaires, comme le projet d’ouverture de ladite unité.

En statuant ainsi, alors que le surcroît d’activité entraîné par l’ouverture d’une nouvelle unité, qui s’intégrait dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’association, n’était pas temporaire, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

IV. Analyse.

Dans cet arrêt, il est principalement question de la règle rappelée par la Cour de cassation selon laquelle un CDD, quel qu’en soit le motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En effet, en vertu des articles L1242-1 et L1242-2 du Code du travail, ces contrats ne sont permis que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et uniquement dans des cas limitativement énumérés, comme par exemple, une situation d’accroissement temporaire d’activité.

Ainsi, dans cette affaire, la Cour de cassation a jugé que l’ouverture d’une unité Alzheimer, bien que générant un surcroît d’activité évident, s’intégrait dans l’activité normale et permanente de l’établissement médico-social. Par conséquent, elle ne justifiait pas le recours au CDD et ce raisonnement a conduit la cour à requalifier les contrats litigieux en CDI.

Dès lors, cet arrêt s’inscrit dans la stricte application des règles régissant les CDD. Les notions d’accroissement temporaire et d’activité et de tâche précise et temporaire doivent être interprétées avec rigueur : dès lors qu’une activité s’inscrit dans la continuité de l’activité normale et permanente de l’entreprise, le recours à l’emploi en CDD ne peut être valablement justifié.

Au final, en pratique, cette décision souligne l’importance, pour les employeurs, de démontrer que le recours à des CDD répond réellement à un besoin temporaire et exceptionnel, au sens premier du terme.

En requalifiant les CDD en CDI et en rappelant les règles sur la notification des licenciements, la Cour de cassation renforce également la protection des salariés face aux pratiques abusives et réaffirme son rôle de garant du respect de leurs droits fondamentaux, comme celui à une stabilité professionnelle.

Ce cadre strict des cas de recours aux CDD, bien qu’exigeant pour les employeurs, constitue une pierre angulaire de la sécurisation des parcours professionnels en France.

Sources.

Cass. soc., 18 septembre 2024, n° 23-16.782
Non-respect des délais de carence d’un salarié en CDD en OPEX : requalification en CDI.

Frédéric Chhum, Avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
Elise de Langlard juriste
Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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