Le challenge du conciliateur de justice.

Par Christian Badé, Conciliateur de Justice.

705 lectures 1re Parution: 25 septembre 2023 1.36  /5

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Le conciliateur n’est certainement pas le juge de paix des années 50 en France ni celui de la Principauté de Monaco.
Sans pouvoir véritable, sa force réside dans le choix d’une telle vocation et dans la façon dont il assume sa mission au service des autres.

I - Loin de la justice de paix.

Prenons l’exemple actuel du juge de paix monégasque. Il siège en qualité de juge unique et constitue une juridiction du premier degré, avec pour première tâche en matière civile, dans la mesure du possible, de concilier les parties et de régler les litiges dont l’intérêt ne dépasse pas 4 600 euros.

En matière pénale, il préside le tribunal de simple police, préside le bureau de jugement du tribunal du travail, gère les contestations relatives aux élections des délégués du personnel et l’apposition de scellés.

A la différence du tribunal de première instance, qui dispose d’une compétence générale, le juge de paix monégasque ne connaît que des matières qui lui sont spécifiquement attribuées par la loi et le plus couramment des procédures suivantes : l’injonction de payer, les saisies-arrêts sur salaires et la procédure civile dite « ordinaire ».

Nous sommes bien loin du statut du conciliateur de justice en France, combien même notre Garde des Sceaux avait exprimé le vœu en décembre dernier que « les services de la chancellerie, en particulier de la direction des services judiciaires se mobilisent pour faire évoluer le statut des conciliateurs de justice et accompagner la revalorisation de la conciliation dans le processus judiciaire ».

Mais rien de cela en juillet 2023 car la loi de programmation du ministère de la Justice et son décret d’application visent particulièrement l’audience de règlement amiable qui ne concerne pas les conciliateurs de justice.

Qu’en pense la Fédération Nationale des Conciliateurs de France ? Difficile de le savoir.

Ce qui est certain, c’est qu’elle n’a pas voix au chapitre après avoir été écartée des États Généraux de la Justice (rapport Sauvé) puis des échanges concernant la création du Conseil National de la Médiation et enfin des décisions en matière de politique nationale de l’amiable.

Peu importe …

II - Le vrai pouvoir du conciliateur de justice.

Ce qui est intéressant et, pour utiliser un mot à la mode, est un vrai « challenge » pour le conciliateur de justice, c’est de parvenir à aider deux personnes qui ont un différend - ou une personne et un professionnel qui sont en litige - sans avoir aucun pouvoir ou si peu.

Presque tout, en sus de la déontologie attachée à la fonction, est dans l’attitude bienveillante et dans la conviction dont fera preuve avec persévérance le conciliateur pour rapprocher les parties et leur faire comprendre qu’elles ont davantage intérêt à s’entendre elles-mêmes plutôt que de dépendre de la décision d’un juge, avec toute l’incertitude qui peut entourer certaines affaires.

Cela commence par gagner la confiance des parties et surtout celle du défendeur qui se sent mis en cause alors que, contrairement à une idée reçue, le conciliateur, s’il intervient à la demande (sur saisine) du demandeur, n’est pas là pour représenter ses intérêts comme le ferait un conseil mais bien pour prendre en considération les intérêts des deux parties.

Ensuite, le conciliateur doit s’attacher à bien instruire le dossier qui lui est confié, éclairer les zones d’ombres, identifier les non-dits, faire dire à l’un et à l’autre tout ce qu’il faut savoir pour avoir une juste idée de la situation.

Il devra également connaître ou rechercher la règle de droit voire la jurisprudence, plus rarement l’usage, pour être en bonne position face à certains conciliables qui se targuent de connaître le droit ou leurs droits mieux que quiconque pour avoir ardemment consulté « la bible » : internet.

Lors de la réunion de conciliation, l’enjeu sera, sous le contrôle bienveillant mais ferme du conciliateur :

  • En premier lieu, d’apaiser la situation qui peut avoir atteint parfois son paroxysme entre les parties
  • Laisser ensuite chacun exposer brièvement sa position. Le conciliateur peut aussi en faire une rapide synthèse sous le contrôle des parties et leur laisser en suite la parole
  • Puis répondre de façon argumentée à chaque objection formulée par l’une ou l’autre des parties pour avancer de façon constructive vers une solution convenue du litige et l’engagement durable qui s’en suivra
  • Enfin le talent rédactionnel du conciliateur sera au service des parties pour exprimer précisément dans le constat d’accord amiable les termes de leur engagement, surtout si l’une d’entre elles renonce à un droit ou s’il s’agit d’un litige financier car alors ce constat sera soumis à l’homologation du juge de proximité qui lui conférera une force exécutoire.

Je terminerai en citant une éminente magistrate, Simone Gaboriau, dont l’adage est repris par nombre de ses pairs aujourd’hui, surtout ceux qui mettent en œuvre une « vraie » politique de l’amiable : « Humanité, humilité, humour » les fameux 3 H en prenant soin toutefois de manier le dernier avec discernement.

Tout le monde n’a pas le même sens de l’humour !

Christian Badé, Conciliateur de justice
Cour d’Appel de Versailles.

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