Par la décision commentée, le conseil d’Etat juge au visa des dispositions relatives à l’urbanisme commercial en vigueur avant la loi du 4 août 2008, que :
« Considérant qu’aux termes de l’article 20 du décret du 9 mars 1993 relatif à l’autorisation d’exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d’équipement commercial, alors en vigueur, applicable à la décision litigieuse : " (...) L’étude d’impact jointe à la demande est adressée par le secrétariat de la commission, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou contre décharge, à la chambre de commerce et d’industrie et à la chambre de métiers dont les circonscriptions englobent la commune d’implantation du projet ; ces organismes disposent d’un délai de six semaines à compter de leur saisine pour communiquer leurs observations à la commission " ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 712-1 du code de commerce, applicable au réseau des chambres de commerce et d’industrie : " Dans chaque établissement public du réseau, l’assemblée générale des membres élus détermine les orientations et le programme d’action de l’établissement. A cette fin, elle délibère sur toutes les affaires relatives à l’objet de celui-ci, notamment le budget, les comptes et le règlement intérieur. Elle peut déléguer aux autres instances de l’établissement des compétences relatives à son administration et à son fonctionnement courant. (...) " ; qu’il résulte de ces dispositions que le pouvoir d’émettre un avis sur l’étude d’impact jointe à une demande d’autorisation et d’ouverture d’un équipement commercial, qui ne relève ni de l’administration, ni du fonctionnement courant de la chambre consulaire, appartient en propre à l’assemblée générale de cet établissement et ne peut être délégué à une autre instance de celui-ci ;
4. Considérant que, dès lors, en relevant qu’aucune disposition législative ou réglementaire relative à l’organisation ou au fonctionnement courant des chambres consulaires n’interdit que les avis qu’elle rend en application des dispositions précitées du décret du 9 mars 1993 soient recueillis auprès des services de l’organisme consulaire et transmis par le directeur de la chambre à la commission départementale d’équipement commercial, sans obtenir l’aval d’une délibération expresse de l’assemblée générale, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu’en réponse à la demande d’observations sur le projet autorisé par la décision attaquée, la chambre de commerce et d’industrie de Montpellier a transmis à la commission départementale un avis favorable au projet ; qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que cet avis, signé par le président de la chambre consulaire et visé par la décision attaquée, a été émis par l’organe compétent de la chambre de commerce et d’industrie de Montpellier qui, ainsi qu’il a été dit, ne pouvait être que son assemblée générale ; qu’un tel avis, a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières ; que, dans les circonstances de l’espèce, cette irrégularité est susceptible d’avoir eu une incidence sur le contenu de l’avis rendu au nom de la chambre consulaire ainsi que sur le sens de la décision attaquée ».
Cette décision vient mettre fin aux divergences des Cours administratives d’appel sur ce point de procédure de l’urbanisme commercial dans ses dispositifs antérieurs à la loi LME.
En effet, certaines Cours avaient jugé à plusieurs reprises, qu’aucun texte n’impose que les avis des chambres consulaires émanent de leurs assemblées générales (CAA Nancy 2 février 2006 Société Vanedric, n°04NC00703).
Cette position avait été admise également par la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a jugé, « qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que ces observations [des organismes consulaires] soient présentées sous une forme particulière ; que par suite le moyen tiré de l’irrégularité des observations formulées par les organismes consulaires doit être écarté » (CAA Bordeaux 25 janvier 2010, Sarl du Malabre et SAS SDAB, req. n° 09BX01380, 09BX01381).
Et, la Cour administrative de Nantes a confirmé, cette solution dans un arrêt rendu du 10 février 2011 (CAA Nantes, 10 février 2011, Sté Leroy Merlin France, req n°08NT02647).
Selon ces cours, la consultation des assemblées générales des chambres consulaires n’est prévue par aucun texte, dès lors que dans le cadre de l’instruction des dossiers de CDEC, ces organismes consulaires n’ayant nullement à émettre une décision ni même un avis.
L’ancien article R 752-19 du Code de commerce prévoyait, en effet, uniquement que « l’étude d’impact jointe à la demande est adressée ... à la chambre de commerce et de l’industrie et à la chambre des métiers dont les circonscriptions englobent la commune d’implantation du projet ; ces organismes disposent de six semaines à compter de la saisine pour communiquer leurs observations à la commission ».
On pouvait donc considérer que cette consultation n’avait nullement pour objet d’obtenir de leur part une quelconque décision ou avis, mais de simples observations dépourvues de toute valeur contraignante.
Cette position n’était cependant pas unanimement partagée.
En effet, certaines cours avaient à l’inverse retenu la compétence exclusive de l’assemblée générale pour émettre des avis sur les demandes d’autorisation d’équipement commercial.
La Cour administrative d’appel de Versailles avait ainsi jugé que « seule l’assemblée générale des membres élus de la chambre de commerce et d’industrie est compétente pour rendre un avis sur les demandes d’autorisation d’implantation d’équipements commerciaux ; que, par suite, la société CREMER et la COMMUNE D’ETAMPES ne sauraient valablement se prévaloir, à l’appui de leur demande d’annulation du jugement attaqué, de ce que l’article 8.3 du règlement intérieur de la chambre consulaire de l’Essonne autorisait l’assemblée générale de cet organisme à déléguer, en méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires précitées, à un comité restreint le soin d’émettre des avis sur les projets examinés par la commission départementale d’équipement commercial » (CAA Versailles 29 décembre 2009, Commune d’Etampes, req. n° 09VE01061).
La Cour Administrative d’Appel de Lyon avait également considéré qu’ « il résulte des dispositions [...] de l’article L. 712-1 du Code de commerce que le pouvoir d’émettre un avis sur une demande d’autorisation et ouverture d’équipement commercial qui ne relève ni de l’administration, ni du fonctionnement courant de la chambre consulaire appartient en propre à l’assemblée générale de cet établissement et ne peut être délégué à une autre instance de celui-ci ; Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, et n’est pas allégué, que l’avis de la chambre de commerce et d’industrie de l’Yonne aurait été rendu par l’assemblée générale ; qu’il a dès lors été émis dans des conditions irrégulières ; que par suite la décision rendue par la commission départementale d’équipement commercial au vu de cet avis qui constitue une formalité substantielle, est entachée d’illégalité » (CAA Lyon 22 juillet 2010, Société les anciens établissements Georges Schiever et Fils, et autres, req. n° 08LY01953, 08LY02146).
Et, la Cour administrative d’appel de Nancy avait adopté cette interprétation en considérant qu’en application de l’article L. 712-1 du Code de commerce, « le pouvoir d’émettre un avis sur une demande d’autorisation et ouverture d’équipement commercial qui ne relève ni de l’administration, ni du fonctionnement courant de la chambre consulaire, appartient en propre à l’assemblée générale de cet établissement et ne peut être délégué à une autre instance de celui-ci ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’avis de la chambre de commerce et d’industrie de la Moselle en date du 23 mars 2007 a été émis par le président de la chambre consulaire ; que ces observations ont dès lors, alors même que le président disposait d’une délégation en application d’une délibération de l’assemblée générale du 13 décembre 2004, été rendues dans des conditions irrégulières ; que par suite la décision prise par la commission départementale d’équipement commercial au vu de cet avis est entachée d’illégalité » (CAA Nancy 25 novembre 2010, SOCIETE JARDIVELT, req. n° 09NC01023 ; CAA Nancy 25 novembre 2010, Société BRICORAMA France, req. n° 09NC01281).
Bien que la portée de cette décision du conseil d’État doive être relativisée eu égard à la réforme de l’urbanisme commercial introduite par la LME, il convient néanmoins de souligner que selon les dispositions des articles L. 751-2, R 752-20 et R 752-51 du Code de commerce, les CDAC et la CNAC peuvent entendre toute personne dont l’avis présente un intérêt.
Dans ces conditions, la chambre consulaire même facultativement saisie devra émettre un avis émanant de son assemblée générale.