L'expérimentation des échanges oraux avant l'audience publique devant le Conseil d'Etat. Par Tom Collen-Renaux, Etudiant.

L’expérimentation des échanges oraux avant l’audience publique devant le Conseil d’Etat.

Par Tom Collen-Renaux, Etudiant.

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Explorer : # expérimentation juridique # instruction orale # conseil d'État # procédure administrative

La procédure devant les juridictions administratives est traditionnellement définie comme « écrite, contradictoire et inquisitoriale ».
En dehors des référés pour lesquels l’article L522-2 du code de justice administrative prévoit que la procédure contradictoire puisse être écrite ou orale, le seul contact entre le juge et les parties (ou leur avocat, le cas échéant) au stade de l’instruction était jusqu’à récemment limité aux échanges de pièces en ligne ou via la greffe de la juridiction.

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Le recours à l’expérimentation.

Si les parties ou leurs mandataires ont bel et bien la possibilité de présenter le jour de l’audience publique des observations orales à l’appui de leurs conclusions écrites après l’intervention du rapporteur public [1], celles-ci ne peuvent que développer le contenu des mémoires écrits sans ajouter d’éléments nouveaux [2].

Aussi, et à titre expérimental, le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant expérimentation au Conseil d’Etat des procédures d’instruction orale et d’audience d’instruction et modifiant le code de justice administrative instaure une nouveauté procédurale en prévoyant que, pendant une durée de dix-huit mois, une instruction orale puisse être organisée pour compléter l’instruction écrite devant le Conseil d’Etat.

Pour rappel, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré la jurisprudence du Conseil constitutionnel [3] en créant l’article 37-1 de la Constitution qui dispose que la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental.

Fin juin 2019, 269 expérimentations, principalement dans les domaines des transports, de la santé et de l’emploi, avaient été menées sur le fondement de cet article [4].

En ce qui concerne la procédure administrative contentieuse, l’expérimentation a déjà fait ses preuves dans le passé.

Tel est le cas de la plateforme Télérecours, l’application permettant la transmission électronique des requêtes des avocats et des administrations aux juridictions administratives, qui a été déployée dans l’ensemble des juridictions de métropole en décembre 2013, puis dans les territoires et départements d’outre-mer à compter de l’année 2015, à l’issue d’une période d’expérimentation.

Humaniser l’instruction administrative.

Par ce décret, le Conseil d’Etat souhaite ajouter « une dose de dialogue oral entre les parties et les juges en amont des audiences afin d’approcher davantage la réalité pour les affaires qui le nécessitent », comme l’indique Jean-Denis Combrexelle.

Le dialogue oral trouvera certainement un fort intérêt pour le juge dans les cas d’instruction de situations complexes, notamment en matière de libertés fondamentales. Le travail juridictionnel s’en trouvera ainsi facilité.

Cette réforme aura naturellement pour effet de renforcer le rôle des avocats auprès du Conseil d’État et de la Cour de cassation puisqu’ils ont auront désormais l’opportunité de plaider devant le Conseil d’Etat au stade de l’instruction de l’affaire.

Emergeront alors certainement des ténors du barreau mais aussi de grandes plaidoiries à l’image de celles que l’histoire de la procédure judiciaire a mis en lumière.

On imagine, par exemple, la force qu’auraient pu susciter les plaidoiries défendues par les avocats des deux parties dans l’affaire Vincent Lambert.

Quoi qu’il en soit, rendez-vous en mai 2022 pour tirer les conséquences de ce dispositif.

Si cette idée était néanmoins amenée à se démocratiser et à être étendue devant les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, on pourrait s’attendre à un alourdissement du travail juridictionnel - rappelons que le délai moyen de jugement devant les tribunaux administratifs et cours administratives est de 11 mois - (https://www.conseil-etat.fr/ressources/etudes-publications/rapports-etudes/rapports-annuels/rapport-public), mais aussi une détérioration de la qualité des mémoires des parties.

Il est à craindre en effet que l’instruction orale soit perçue par les parties comme une « bouée de sauvetage » visant à rattraper la qualité de leurs écrits, et tout particulièrement dans les contentieux dispensés du ministère d’avocat.

Tom Collen-Renaux, étudiant en double Master droit public des affaires et droit des collectivités territoriales à Paris 2

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Notes de l'article:

[1Article R732-1 du code de justice administrative.

[2CE, 7 décembre 2015, Fédération CGT des personnels du commerce, n°383856 Lebon.

[3CC, 28 juillet 1993, 93-322 DC.

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