Complexité, adaptabilité, réactivité : les 3 mots-clés d’une direction juridique Contentieux et Arbitrage.

Propos recueillis par Clarisse Andry
Rédaction du Village de la Justice

2663 lectures 1re Parution: Modifié: 4.9  /5

Explorer : # contentieux et arbitrage # gestion des risques # innovation juridique # adaptabilité

Le positionnement des directions juridiques exigent des juristes une grande capacité d’adaptation, afin de de gérer les évolutions législatives autant que la complexité des problématiques des clients internes. C’est d’autant plus vrai pour les directions juridiques consacrées au contentieux et à l’arbitrage.
Encore peu présentes au sein des entreprises, la matière demande la maitrise de domaines très variés du droit, et un travail collaboratif avec d’autres départements, pour prévenir au mieux les conflits et les négociations. Charlotte Gaussel, directrice juridique Contentieux et Arbitrage chez Veolia Environnement, a accepté de nous parler des particularités de son département.

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Village de la Justice : Quelles sont les particularités du poste que vous occupez ?

Charlotte Gaussel : J’en citerai trois. La première est qu’il y a peu de postes comme celui-ci. En France, seuls quelques grands groupes se sont dotés d’un département spécialisé en contentieux et en arbitrage. Le nôtre a été créé en 2013 et nous sommes une petite équipe.

La deuxième particularité est la complexité des dossiers que nous prenons en charge : les problématiques juridiques sont variées, parfois sensibles, et embrassent plusieurs domaines à la fois. Un dossier a par exemple commencé par un volet répressif administratif, pour évoluer vers du pénal et s’achever sur un sujet de responsabilité contractuelle. Pour les gérer, nous travaillons en binôme avec d’autres départements de la direction juridique. Lorsque ces dossiers comportent en plus des enjeux importants pour le groupe (financiers ou de réputation), nous sommes amenés à collaborer avec la direction financière, la direction de la communication ou la direction de la conformité.

La dernière particularité est la variété de notre travail : cela peut aller d’un simple conseil à une étude juridique approfondie, à la gestion quotidienne d’un dossier contentieux avec nos avocats externes, la rédaction de documents publics (document de référence, annexe aux comptes…), l’élaboration de procédures internes…

Votre équipe présente des profils variés, et est majoritairement passée par le métier d’avocat : est-ce important pour gérer les spécificités de votre département ?

Il faut certes avoir certaines compétences ou réflexes en matière de contentieux, mais il n’est pas nécessaire d’avoir été avocat. Venir en entreprise pour un avocat est en soi un défi car il va devoir s’adapter à un nouveau monde professionnel, qui obéit à des codes différents.

« Au-delà de ces connaissances techniques, il faut avant tout faire preuve de capacités d’adaptation et d’innovation. »


Au-delà de ces connaissances techniques, il faut avant tout faire preuve de capacités d’adaptation et d’innovation. L’entreprise est souvent le lieu concret où des questions juridiques nouvelles se nouent et où des solutions, souvent inédites, doivent être proposées. Le droit se crée surtout en entreprise. Il faut également une certaine curiosité intellectuelle pour comprendre et s’approprier pleinement les dossiers, même si la matière ne nous est pas familière. Je pense notamment aux dossiers qui évoluent dans un système juridique différent du nôtre et qui n’obéit pas non plus à la même logique.

Quelles actions mettez-vous en place pour prévenir en interne les risques de contentieux ?

Depuis de nombreuses années, le groupe organise des formations, notamment en matière contractuelle, projets, concurrence ou prévention de la corruption. Certaines de ces formations sont dispensées par la direction conformité du groupe, dont la fonction est aujourd’hui séparée du juridique.

Au niveau de notre département, nous incitons nos interlocuteurs internes à faire appel à nous le plus tôt possible. Nous travaillons avec eux pour anticiper les éventuels risques liés à un contrat ou une opération ; dans l’idéal, dès les pourparlers, puis lors de la rédaction d’un contrat, et le cas échéant, au cours de son exécution.
Lorsque la situation se tend, nous essayons de trouver des solutions amiables satisfaisantes pour les parties. Même si nous sommes parfois convaincus qu’un règlement amiable est la bonne solution, il n’est pas toujours possible de le faire accepter en interne.

« Nous incitons nos interlocuteurs internes à faire appel à nous le plus tôt possible. »

La décision Achméa a-t-elle eu un impact particulier sur la gestion de vos dossiers d’arbitrage ?

Tout à fait. Nous avons actuellement deux procédures d’arbitrage susceptibles d’être impactées par la jurisprudence Achméa. Une totale incertitude existe sur le sort de ces affaires en cours, compte tenu notamment de la communication de la Commission européenne de juillet dernier, qui appelle les tribunaux arbitraux à se déclarer incompétents. S’ils ne le font pas, c’est ensuite au stade de l’exécution de la sentence arbitrale que le problème se posera.

Pour l’avenir, il est évident que son impact va être considérable : puisque le recours à ces tribunaux arbitraux ne sera plus possible pour obtenir la protection des investissements intra-communautaires, d’autres voies juridiques doivent être explorées : comme nous y invite la Commission, se tourner vers les tribunaux nationaux ou lui demander d’engager une action en manquement contre l’Etat à l’origine des violations dont l’entreprise est victime… Il est pourtant difficile de garantir que ces voies de substitution offrent une protection identique et qui ne soit pas théorique.

Cette décision a également et surtout un impact qui dépasse le cadre juridique : c’est toute une politique d’investissement intra-communautaire d’un groupe qui peut être remise en question. En l’absence de mécanisme de protection efficient, les investissements dans des pays tiers à l’Union, où une protection via les tribunaux arbitraux demeure, seront privilégiés, au préjudice des pays européens.

Plus globalement, quelle est l’évolution de ce mode de résolution des conflits comme une entreprise comme la vôtre ?

Les dossiers d’arbitrage sont beaucoup moins nombreux que les dossiers contentieux judiciaires classiques. Sur la totalité des litiges qui nous remontent, entre 5 et 10% sont des procédures d’arbitrage. Toutefois, pour la majorité d’entre eux, les enjeux financiers sont très importants.
L’arbitrage ne vient pas en substitution d’un autre mode de résolution de litiges. Il est complémentaire car il répond à un besoin spécifique, que les parties ont exprimé.

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