La compétence territoriale du défenseur syndical : exercice pratique de légistique formelle et matérielle. Par Edwin Matutano, Avocat.

La compétence territoriale du défenseur syndical : exercice pratique de légistique formelle et matérielle.

Par Edwin Matutano, Avocat.

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Explorer : # légistique # compétence territoriale # défenseur syndical # droit du travail

L’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social vise à toiletter les cinq premières ordonnances réformant le droit du travail afin d’en corriger les malfaçons ; ce faisant, outrepassant ses propres visées, elle modifie la compétence territoriale du défenseur syndical.

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Il est un dossier dans lequel se trouvent étroitement enchevêtrées des questions importantes de légalité interne, liées au respect des droits de la défense des salariés et des préoccupations présentées comme relevant de la légistique, au sens étroit et incomplet dans lequel ce terme est parfois confiné.

En effet, à tort, la légistique est parfois assimilée et réduite au respect de règles et d’usages portant exclusivement sur la présentation formelle des textes normatifs, quel que soit leur rang dans la hiérarchie des normes, sans avoir égard à leur contenu, c’est-à-dire, à leurs dispositions de fond. Pourtant, une œuvre parfaite, en terme de légistique, commande également de respecter la légalité au sens général de ce terme ; c’est là l’objet de la légistique matérielle.

Dans l’exemple que nous proposons d’analyser, il n’est pas certain, au demeurant, que l’illégalité flagrante étudiée soit due à une simple maladresse rédactionnelle. Il se trouve que celle-ci a été constituée par un texte dont l’ambition annoncée par ses auteurs était de « toiletter » les ordonnances précédemment prises aux fins de la réforme du droit du travail intervenue en 2017.

Il s’agit de la « sixième ordonnance », n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, dont l’intitulé traduisait la volonté de réparer les malfaçons des cinq ordonnances signées depuis peu par le Président de la République.
Et c’est ainsi que fut introduit dans l’ordonnance du 20 décembre 2017 le 35° de son article 1er.

Discrètement située au milieu de cent quarante-neuf items de ce seul article, cette disposition est ainsi énoncée :
« A l’article L. 1453-4, il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Le défenseur syndical intervient sur le périmètre d’une région administrative.
 »

Derrière ce qui peut paraître comme une simple précision, correction d’une coquille, rectificatif, parmi tant d’autres, apparaît une décision plus complexe, qui ne répond pas exactement à l’objectif poursuivi par l’ordonnance du 20 décembre 2017.

Avant que d’en exposer les tenants et les aboutissants, nous soulignons, d’emblée, la nature hétérodoxe de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 dans son ensemble, au regard de l’habilitation donnée par la loi n° 2017—1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Le Conseil constitutionnel, qui, se prononçant sur la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, a cependant jugé inopérant le moyen tiré de ce que cette ordonnance excédait le champ de l’habilitation issue de la loi du 15 septembre 2017, a incontestablement affermi cet ultime élément, à première vue fragile, au regard du respect de l’article 38 de la Constitution, de l’édifice ayant conduit à une refonte du droit du travail.

Cette précision apportée, la présente étude se propose, en premier lieu, d’exposer la courte, mais riche, histoire de l’actuel troisième alinéa de l’article L. 1453 du code du travail, puis, dans un second temps, d’analyser les implications de son insertion.

I. Genèse de l’actuel alinéa trois de l’article L. 1453 du code du travail.

L’insertion de cette disposition dans l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ne présente aucun caractère inopiné. Elle est le fruit d’un processus dans l’élaboration d’un texte affectant la mission du défenseur syndical.

Ce processus prit, d’abord, la forme d’une disposition réglementaire ; puis, celle-ci ayant été annulée par le juge administratif, intervint l’ordonnance.

A/ La limitation du champ territorial d’intervention du défenseur syndical : norme réglementaire illégale constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation.

Le point de départ réside dans l’article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dont le 19°, réécrivant l’article L. 1453-4 du code du travail, a prévu :
« Un défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale.
Il est inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret.
 »

Sur le fondement de cette disposition législative, est intervenu le décret n° 2016-975 du 18 juillet 2016 relatif aux modalités d’établissement de listes, à l’exercice et à la formation des défenseurs syndicaux intervenant en matière prud’homale.

Ce dernier a inséré un article D. 1453-2-4 dans le code du travail, lequel a aligné la compétence territoriale des défenseurs syndicaux sur le ressort des cours d’appel de la région administrative, siège de l’établissement de la liste qui les identifie, ladite liste étant dressée par le préfet de région.

Ce faisant, le décret du 18 juillet 2016 précité a limité le champ de leur intervention et ce, bien que dans certaines branches professionnelles, il n’y ait pas, dans le ressort d’une région administrative donnée, de défenseur syndical bon connaisseur de la branche professionnelle à laquelle appartient tel ou tel salarié qui sollicite l’assistance de l’un d’eux.

C’est ce qu’ont fait valoir, en déférant le décret du 18 juillet 2016 au Conseil d’État, deux syndicats : l’Union départementale des syndicats Force ouvrière d’Indre-et-Loire (UD FO 37) et la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle CGT.

La Haute juridiction, par une décision n° 403535 du 17 novembre 2017, mentionnée aux Tables du Recueil Lebon, rendue sur recours des deux syndicats requérants précités, ainsi que du Conseil national des barreaux, a annulé cette disposition (cf. Considérants 12 à 14 de la décision en question) .

A l’appui de sa décision, le Conseil d’État a relevé, en premier lieu, que l’objectif poursuivi par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, avait été de créer un statut des défenseurs syndicaux, délégués des organisations syndicales, notamment pour protéger les conditions de leur intervention devant les juridictions prud’homales, renforcer leurs droits et accroître les garanties de compétence attachées à l’exercice de ces fonctions et qu’en ouvrant aux organisations représentatives, au niveau national, dans au moins une branche, la possibilité de proposer l’inscription de défenseurs syndicaux sur la liste permettant l’exercice de ces fonctions, la loi avait entendu permettre aux parties de choisir un défenseur syndical en raison de sa connaissance particulière des conventions et accords applicables dans la branche considérée.

En deuxième lieu, le Haut Conseil a souligné l’impossibilité, soutenue par les organisations syndicales requérantes, de désigner dans le ressort de chaque région, des défenseurs syndicaux ayant des compétences suffisamment variées pour assister et représenter les salariés y compris dans des branches présentant de fortes spécificités, la moindre spécialisation des défenseurs syndicaux qui découlera de l’application de ces dispositions, ainsi que les difficultés qui en résulteront en cas de déménagement ou de mutation d’un défenseur syndical en cours d’instance.

En troisième lieu, le Conseil d’État a motivé sa décision en ce que les parties avaient toujours pu, avant l’intervention des dispositions contestées, faire appel aux organisations syndicales, dans le cadre de leur libre organisation, pour la désignation d’un délégué, sans considération de son domicile ou de son lieu d’exercice professionnel, et en ce que les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 ne s’appliquant pas devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel statuant en matière prud’homale, elles peuvent être assistées et représentées par l’avocat de leur choix quelle que soit sa résidence professionnelle.

Or, devant les juridictions prud’homales, le défenseur syndical assiste et représente le salarié, à l’instar d’un avocat.

Le Haut juge a vu dans la limitation du champ géographique une erreur manifeste d’appréciation commise par l’administration et a, précisément, prononcé l’annulation des mots : « dans le ressort des cours d’appel de la région », qui terminaient et complétaient la phrase unique de l’article D. 1453-2-4 du code du travail, dont le début était ainsi libellé : « L’inscription sur cette liste permet l’exercice de la fonction de défenseur syndical ».

En conséquence de cette annulation, le Gouvernement aurait dû, par décret, régler la question de la compétence territoriale du défenseur syndical, autrement qu’il ne le fit par la disposition censurée par le Conseil d’État.

Ce n’est pas cette orientation, logique et conforme à la légalité, qui fut suivie.

B/ Le prétexte du toilettage des malfaçons des cinq premières ordonnances par la « sixième ».

Au lieu de respecter la décision juridictionnelle précitée et de mettre pleinement en conformité les dispositions réglementaires du code du travail avec sa partie législative, le Gouvernement usa de la faculté de prendre une ultime ordonnance en la matière, à propos de laquelle, à tout le moins, il est permis de s’interroger sur son appartenance au champ de l’habilitation prévue par la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, dès lors qu’elle contenait des dispositions entièrement nouvelles, qui ne pouvaient pas même être qualifiées de mesures de coordination par rapport aux cinq ordonnances intervenues le 22 septembre 2017.

De la sorte, la « sixième ordonnance » fut providentiellement utilisée comme vecteur des fins du pouvoir réglementaire qui venaient de subir la censure du juge administratif.
En élevant d’un échelon dans la hiérarchie des normes la compétence rationae loci du défenseur syndical, le Gouvernement a persisté dans sa manière de voir, à l’origine d’une erreur manifeste d’appréciation, ainsi que le releva le Conseil d’État.

Et il y a lieu de préciser que la Haute juridiction n’a pas soulevé de moyen relatif à l’incompétence du pouvoir réglementaire, aux fins de la définition du champ d’intervention territorial du défenseur syndical.

Le Conseil d’État n’a pas annulé la disposition litigieuse au motif qu’elle aurait constitué un empiètement sur le domaine de la loi.

Il l’a annulée pour les raisons exposées supra. Par conséquent, eu égard à l’objet de la procédure de recours aux ordonnances prévue par l’article 38 de la Constitution, qui tend à permettre au Gouvernement de prendre, sur habilitation du Parlement, des mesures relevant du domaine de la loi, l’insertion de la disposition nouvelle, issue de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, au sein de l’article L. 1453-4 du code du travail, constitue une illégalité nouvelle, soulevant même une question de constitutionnalité.
La disposition du troisième alinéa de l’article L. 1453-4 du code du travail n’a pas sa place dans la partie législative de ce code, outre l’illégalité interne dont elle est viciée et que le Conseil d’État a relevée.

Cette relation d’un épisode aussi nourri en torsions de la règle de droit appelle évidemment une analyse approfondie, au regard de la légistique matérielle, comme de la légistique formelle. Et l’on rappellera à cet effet que sont en cause le respect des droits de la défense ainsi que celui de la séparation des pouvoirs, principes ayant valeur constitutionnelle.

II. Analyse de la portée de la substitution textuelle poursuivie.

Ainsi qu’il l’a été souligné d’emblée dans notre propos, la définition de la compétence territoriale du défenseur syndical par le code du travail affecte, tant les règles de la légistique matérielle –et en cela, elle heurte la légalité- que les usages de la légistique formelle, de manière quelque peu ironique, puisque la disposition en question se trouve énoncée par un texte dont l’objet avoué est de procéder aux corrections des coquilles et autres malfaçons.

A/ Sur le plan de la légistique matérielle : une liberté prise avec la hiérarchie des normes.

Doit-on le rappeler, une ordonnance, pour intervenir dans le domaine de la loi, a la nature d’un acte réglementaire tant qu’elle n’a pas été ratifiée par une loi adoptée à cette fin.
Il en résulte que cet acte réglementaire est susceptible de recours devant le Conseil d’État, à l’instar de tout acte réglementaire. [1]

Et cette solution, classique du droit administratif, est corroborée par le Conseil constitutionnel. [2].

C’est, au demeurant, la raison pour laquelle, différentes procédures du droit du contentieux administratif sont applicables aux ordonnances non ratifiées. Il en est ainsi de la procédure du référé-suspension, tant à l’encontre d’une ordonnance [3] qu’à l’encontre d’un article de loi tel qu’il résulte d’une ordonnance [4] ou bien de l’exception d’illégalité [5].

Et conséquemment, il est imparti aux ordonnances de respecter la hiérarchie des normes, solution dégagée, tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel [6]. Ce qui implique, au regard des jurisprudences précitées, le respect par elles, des règles et principes de valeur constitutionnelle et des stipulations conventionnelles.

En outre, l’ordonnance non ratifiée se doit de respecter un principe général du droit [7], respect dont elle ne peut s’affranchir que si la loi d’habilitation l’implique nécessairement [8].

Tel n’est pas le cas en l’occurrence, le Conseil d’État n’ayant pas vu dans le membre de phrase qu’il a annulé une disposition relevant du domaine de la loi.

Il s’ensuit que l’opération menée à travers la rédaction du 35° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 s’accorde malaisément, tant avec le respect des droits de la défense qu’avec celui de la séparation des pouvoirs.
Cette distorsion d’avec le respect de la hiérarchie des normes s’accompagne de libertés prises avec les usages en vigueur en matière de légistique formelle.

B/ Sur le plan de la légistique formelle : une articulation défaillante et une expression approximative.

L’insertion infondée de l’actuel troisième alinéa à l’article L. 1453-4 du code du travail aboutit à la rédaction consolidée suivante de cet article :
« Un défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale.
Il est inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret.
Le défenseur syndical intervient sur le périmètre d’une région administrative.
 »

Ce faisant, elle laisse l’article D. 1453-2-4 du code du travail, que le Conseil d’État, par sa décision du 17 novembre 2017, a privé de sa fin, ainsi rédigé : « L’inscription sur cette liste permet l’exercice de la fonction de défenseur syndical. »

Pour la bonne compréhension de ce dispositif, malmené par l’ordonnance, il convient de reproduire le texte de l’article précédent, D. 1453-2-3, auquel, par sa syntaxe, se réfère l’article D. 1453-4 : « La liste des défenseurs syndicaux mentionnée à l’article L. 1453-4 est arrêtée dans chaque région par le préfet de région et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de région.
La liste comporte notamment les nom, prénom, profession du défenseur, le nom de l’organisation syndicale ou professionnelle qui le propose et, au choix de cette organisation, les coordonnées de l’organisation ou celles des intéressés.
Elle est tenue à la disposition du public à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, dans chaque conseil de prud’hommes et dans les cours d’appel de la région.
 »

De toute évidence, le rapprochement de ces dispositions souligne l’incohérence du travail mené en 2017 et le manque de pertinence entre séparation des domaines respectifs de la loi et du règlement.

Au surplus, l’expression retenue par les rédacteurs du 35° de l’article 1er de l’ordonnance du 20 décembre 2017 est pour le moins confuse et imprécise.

En effet, d’une part, elle mentionne le mot : « périmètre » pour désigner le champ territorial de l’intervention du défenseur syndical. Or, le terme paraît impropre pour qualifier la compétence territoriale d’un intervenant auprès des juridictions judiciaires chargé de la défense des salariés.

La disposition annulée par le Conseil d’État, pour avoir le même objet et présenter les mêmes vices au regard du respect de la légalité interne, était plus correctement libellée, puisqu’elle prenait appui sur les « ressorts des cours d’appel de la région », expression assurément plus pertinente et appropriée, que le terme de « périmètre », emprunté au calcul d’une surface donnée.

A titre synonymique, l’expression : « champ de compétence territoriale » eût été également recevable.

Par surcroît, la disposition étudiée emploie l’expression de « région administrative », inconnue du code général des collectivités territoriales et inusitée dans les textes normatifs.

Lorsqu’il est question de la collectivité territoriale dénommée « région » par l’article 72 de la Constitution, il est d’usage, dans n’importe quel texte normatif, de reprendre ce terme de « région ».

L’adjonction de l’adjectif « administrative » est dépourvue de sens, car il n’est de région qui ne soit administrative. Sur le plan du droit institutionnel, il s’agit d’une redondance.
Et comme toute incohérence rédactionnelle de ce genre, elle est susceptible de faire naître des doutes, voire de susciter des interprétations a contrario.

Aussi, le 35° de l’article 1er de l’ordonnance du 20 décembre 2017 ne se contente-t-il pas de diminuer les droits de la défense en limitant, en pratique, le possible recours à un défenseur syndical, ainsi que l’a noté le Conseil d’Etat à l’appui de sa décision, mais il fournit un piètre exemple de la qualité des textes normatifs en vigueur et ce, alors même qu’il figure dans un texte ayant eu pour ambition de procéder à la correction des erreurs, malfaçons et incohérences résultant de la rédaction de ces cinq prédécesseurs.
En conclusion, à travers la définition de la compétence territoriale du défenseur syndical, l’ordonnance du 20 décembre 2017 a fourni la démonstration de ce qu’un même texte pouvait malmener, en très peu de mots, et la légalité interne et la légistique formelle, tout en prétendant servir la clarté et l’intelligibilité de la loi.

Edwin Matutano
Avocat à la cour
Docteur en droit
Enseignant à l’Université de Lille

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Notes de l'article:

[1CE Ass., 24 novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de police, p. 658 ; AJDA 1962, p. 114, note J.T. ; S. 1963, p. 59, note Hamon.

[2CC 29 février 1972, décision n° 72-73 L

[3CE réf., 23 novembre 2005, n° 286440, CGT-FO

[4CE réf., 20 mars 2001, Syndicat national des horlogers, p. 143

[5CE 13 novembre 1974, Société Leroi et Lardereau, Tables p. 874 ; CE 9 septembre 1994, Société Mayotte Motors Corporation, p.410

[6CE Ass., 28 mars 1997, Société Baxter, p. 114 ; RFDA 1997, p. 450, concl. J.-C. Bonichot ; RFDA 1997, p. 460, obs. F. Mélin-Soucramanien ; CC 26 juin 1986, décision n° 86-207 DC ; CC 26 juin 2003, décision n° 2003-473 DC

[7CE, 24 novembre 1961, Fédération nationale des syndicats de Police, précité

[8CE 29 octobre 2004, Sueur et a., p.405 ; AJDA 2004, p. 2383, chron. C. Landais et F. Lenica ; RFDA 2004, p. 1103, concl. D. Casas}].

Il en résulte que l’ordonnance dont s’agit est soumise au respect des droits de la défense, principe de rang constitutionnel, par ailleurs, affirmé par la convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et de libertés fondamentales et constitutif d’un principe général du droit dégagé par le Conseil d’État.

Dans le même ordre d’idées, une ordonnance non ratifiée doit être conforme au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs et respecter l’autorité de chose jugée.
En l’espèce, l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 réagit directement contre la décision du Conseil d’État n° 403535 du 17 novembre 2017 ; elle la contredit frontalement, passe outre son dispositif et insère une disposition de nature réglementaire dans la partie législative du code du travail.

Cette disposition méconnaît donc la séparation des pouvoirs à un double titre : elle n’a pas sa place dans la partie législative du code du travail et elle vient contrecarrer une décision de justice et l’insertion dans la partie législative du code du travail n’a été poursuivie qu’à cette seule fin.

Le Conseil d’État a précisément jugé qu’une ordonnance ne pouvait inclure dans la partie législative d’un code des dispositions déclarées précédemment illégales qu’à une double condition : il convient que ces dispositions n’aient pas été annulées par le juge administratif et il faut que le Conseil d’État ait prononcé leur illégalité au motif qu’elles relevaient du domaine de la loi [[CE 27 mai 2002, SA Transolver Service, p. 176

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Discussions en cours :

  • par Robert Delamaison , Le 14 avril 2021 à 18:07

    Bonjour,

    Est-ce qu’un texte interdit à un défenseur syndical employeur, régulièrement inscrit sur les listes officielles, de défendre un salarié, et réciproquement ?

    Bien cordialement,

  • par michel ROUSSON , Le 7 décembre 2018 à 16:30

    Il en est de même pour les échanges par messagerie auprès des greffes et des avocats le réseau RPVA interdit aux défenseurs syndicaux qui doivent faire signifier par huissier ce qui mangent les délais dans des procédures aux délais raccourcis à 10 jours pour les procédures d’urgence permettant de façon déloyale à l’avocat adverse de demander une caducité et empêcher définitivement l’accès au juge article CEDH

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