De la concession à la régie, un parcours semé d’embûches !

Par Gildas Neger, Docteur en droit.

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Explorer : # transition de gestion # droit du travail # concertation sociale # gestion publique

Le transfert de personnels privés dans un EPIC peut devenir une véritable épreuve pour les élus et les personnels concernés si le droit n’est pas respecté et si le dialogue n’est pas au rendez-vous.

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En effet, lorsque l’activité gérée par un opérateur privé est reprise dans le cadre d’un Établissement Public Industriel et Commercial (EPIC) la situation des personnels reste soumise au droit privé (à l’exception toutefois du directeur [1] et de l’agent comptable). La transition doit donc se dérouler sans problèmes.

Pour autant, l’expérience des nombreuses communes concernées a permis de mettre en lumière de nombreuses difficultés.

Puisque les juridictions tant judiciaires qu’administratives considèrent que les personnels travaillant au sein d’un EPIC géré par une personne publique sont soumis au droit du travail [2], il convient d’appliquer les dispositions de l’article L.122–12 du Code du travail, qui prévoit que « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur (…) tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » [3] .

La création d’un EPIC permet donc de concilier contrat de travail et droits et obligations des salariés tels qu’ils résultent du statut de salarié.

L’approche juridique ne pose pas de problèmes majeurs.

Il n’en est pas de même dans le cadre de l’aspect social.

Une approche collective est un préalable indispensable et implique de la part de la collectivité à la fois d’anticiper les opérations et d’engager un dialogue empreint de pédagogie en y associant les organisations représentatives. En outre la justification économique et sociale du changement de mode de gestion doit être faite sur la base d’informations fiables et pertinentes mettant en évidence les contributions attendues des personnels, facteur clé du succès.

En outre, une approche individuelle est déterminante pour la mise en œuvre du changement de mode de gestion et ce, en prenant en compte le rôle et le devenir de chaque personne et en traitant toutes les situations particulières.

Parallèlement, une concertation avec les organisations syndicales permettra de mettre au point les problématiques liées aux salaires, à la Convention collective, aux congés, astreintes, allocations de départ à la retraite, complémentaire santé et régime prévoyance, représentation syndicale et comité d’entreprise, organisation du travail, congés payés, indemnités d’astreinte, dotation vestimentaire, dotation en véhicules de services, formation, etc [4]. Et ce, sans omettre d’associer au débat les citoyens, les associations et toutes parties prenantes.

Cette approche permettra de négocier au mieux l’accord de substitution [5] aux accords collectifs en place dans l’entreprise.

Plusieurs expériences de retour en régie montrent combien les relations avec le concessionnaire ont pu venir altérer les procédures. Certains élus n’hésitant pas à fustiger l’attitude de certaines sociétés qui ont tout mis en œuvre pour saboter purement et simplement l’opération, allant jusqu’à faire disparaitre toutes les données informatiques relatives à la gestion de l’eau ! [6]

Il est donc indispensable que chacun agisse au mieux des intérêts de l’intérêt commun même si, pour certains délégataires en fin de contrat, le manque à gagner pousse ces derniers à abuser de leur situation.

Gildas Neger
Docteur en Droit Public

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Notes de l'article:

[1CE, 8 mars 1957, JALENQUE DE LABEAU, Lebon, p.501

[2Voir par exemple, les articles L.131–2, 200–1, 231–1, 236–1 du Code du travail

[3Application sans réserve par la Cour de cassation, Soc., 7 octobre 1992, Bull., V, n°499 ; Soc., 7 avril 1998, RJS, 1998, n°569

[4Cf. La gestion publique de l’eau mode d’emploi, AQUA PUBLICA EUROPEA, p. 6s., en téléchargement sous http://www.fnccr.asso.fr/documents/APE-GestionPubliqueDeLEau_2.pdf

[5Voir article L2261-10 Code du travail

[6Séminaire des Régies d’Eau et d’Assainissement, Grenoble, 18 septembre 2008, téléchargement http://www.fnccr.asso.fr/articles.php?id=13

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Discussions en cours :

  • Good Doctor :) assoiffée de lire vos articles :D ZIneb

  • Article très appréciable. Explicite et complet, mettant chacun face à la réalité. Félicitations

  • Monsieur,

    J’interviens pour vous donner de l’eau à votre moulin !

    Donc, depuis deux ans, je payais l’eau dans mes charges. En avril 2013 je me suis fait prélever la somme de 350 € par VEOLIA sans même avoir donné un accord écrit.

    Je précise que je n’a JAMAIS signé de contrat avec cette entreprise !

    La question qui se pose est la suivante : comment VEOLIA peut produire des factures sans consommation aucune à des personnes dont la consommation est prévue et payée dans les charges ? Mieux ! Une lecture attentive de la facture précise que la « Collectivité locale est responsable du service sur la commune » et qu’elle est « responsable du service sur la commune », et qu’elle en « assure directement le service  » !

    On se demande alors pourquoi VEOLIA se permet de produire et de se faire payer de telles factures SANS CONTRAT et en exposant n’être en rien responsable ! (à ce stade, l’irresponsabilité est éminemment rémunératrice !).

    À ma connaissance, cette somme (multipliée par plusieurs milliers de « clients ») ne va pas au Trésor Public ! En bref, une facture qui ne représente non pas une consommation d’eau (volume consommé = 0 m3 !), mais qui, basée sur du vent, renfloues les caisses d’une multinationale qui se fiche royalement des usagers et des communes.

    La fin de contrat étant proche pour VEOLIA (qui perd d’ailleurs de plus en plus de concessions en France à cause de sa gestion ultra-libérale uniquement destinée à favoriser ses actionnaires), cette dernière entreprise remplit ses caisses en piochant allègrement dans la poche des administrés.

    D’où l’intérêt pressant que la personne publique reprenne en main les intérêts de ses administrés pour une plus grande transparence. Engraisser les sociétés privées n’est pas du ressort des citoyens, d’autant qu’en la matière (en l’espèce, l’eau), il est inadmissible de multiplier ainsi les profits pour nourrir les actionnaires et engranger des frais de fonctionnements démesurés au profit de quelques cadres polytechniciens dont la seule valeur est de connaitre d’autres polytechniciens.

    Bientôt ces derniers vous feront payer l’air que vous respirez…

    Cordialement

    Mathieu

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