Dans un arrêt rendu le 4 octobre 2023 publié au bulletin, la Cour de cassation procède à un rappel salutaire des conditions légales encadrant le licenciement des salariées protégées que sont les salariées en période de grossesse [1].
La solution de cet arrêt n’est pas inédite et s’inscrit dans le sillage d’une jurisprudence constante [2].
En effet, il est bien établi que selon l’article 1225-4 du Code du travail, les salariées en état de grossesse bénéficient d’une protection particulière contre le licenciement : l’employeur ne peut les licencier que pour faute grave non liée à leur état ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse.
La Cour de cassation a déjà statué sur la notion d’impossibilité de maintenir le contrat de travail et considère que l’existence d’une cause réelle et sérieuse, même économique, ne suffit pas en elle-même à caractériser l’impossibilité prévue par le texte [3].
Ainsi, l’employeur se doit de démontrer davantage, en établissant une situation économique qui rende effectivement selon une analyse in concreto effectuée par les juges, impossible de maintenir le contrat de travail de la salariée [4]. La nécessité prime alors sur l’opportunité.
En pratique, cette impossibilité est constituée en présence d’une suppression du poste de la salariée à la suite d’une fermeture d’un établissement connaissant des difficultés économiques [5], ou une réorganisation des services décidée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise [6].
Les faits de l’arrêt rendu le 4 octobre 2023 sont les suivants : le contrat de travail d’une salariée a été rompu pour motif économique, le 27 septembre 2016, alors que délai de réflexion dont elle disposait après son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui a été proposé venait à son terme, le motif économique de la rupture lui ayant été notifié par lettre du 22 septembre 2016.
La salariée a alors invoqué la nullité de son licenciement en raison de son état de grossesse au jour où a expiré le délai de réflexion pour prendre parti sur la proposition de CSP.
Il était demandé à la Cour de cassation de répondre à la question de savoir si l’acceptation du CSP par une salariée en état de grossesse vaut impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail.
Les juges du fond dans un premier temps puis la Haute juridiction répondent par la négative et donnent raison à la salariée.
En effet, l’employeur qui soutenait que l’acceptation par la salariée du CSP entraîne à lui seul rupture d’un commun accord du contrat de travail, de sorte qu’il n’était pas obligé de justifier de l’existence d’une faute grave commise par la salariée ou de son impossibilité de maintenir le contrat de travail, n’emporte pas la conviction des juges.
Ainsi ils estiment que le CSP n’étant pas une rupture conventionnelle mais une modalité du licenciement pour motif économique et la salariée étant protégée du fait de sa grossesse, c’est bien à l’employeur de justifier son impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse.
Même s’il est loisible à l’employeur de conclure une rupture conventionnelle avec une salariée enceinte sauf fraude ou vice du consentement pendant la durée du congé maternité et pendant les dix semaines suivant l’expiration de ce congé [7], l’adhésion à un CSP dans le cadre d’un licenciement pour motif économique ne vaut pas acceptation par la salariée protégée de mettre fin à son contrat de travail.
Dès lors la Cour de cassation, en appliquant strictement la loi, garantit avec force le droit des salariées enceintes à voir leur contrat de travail rompu uniquement dans des circonstances bien particulières manifestant une impossibilité réelle et concrète de maintenir leur contrat de travail.
Enfin, rappelons que les salariées se trouvant dans des circonstances similaires peuvent toujours demander la rupture de leur contrat de travail soit en négociant avec leur employeur une rupture conventionnelle ou alors à défaut en démissionnant de leur poste de travail.