Le contentieux des transferts de sommes d’argent sans déclaration préalable est régulièrement le terrain de décisions jurisprudentielles intéressantes.
Dans ce récent arrêt du 18 mars 2020 [1], la Cour de cassation confirme et renforce sa jurisprudence en matière d’auditions intervenant dans le cadre d’une « visite » ensuite d’un contrôle douanier.
Précisions au préalable que l’article 60 du Code des douanes autorise les agents des douanes, en vue de la recherche de la fraude, à « visiter », c’est-à-dire à contrôler, les marchandises, moyens de transport et personnes.
En l’espèce, les agents des douanes procédaient au contrôle d’un véhicule et à la visite du bagage d’un passager. Y étaient découvertes de nombreuses liasses de billets de 500 euros, pour un montant total de 215.080 euros.
L’audition du passager contrôlé était par la suite effectuée au siège de l’unité douanière avant que celui-ci ne soit placé en garde à vue puis mis en examen des chefs de transfert de capitaux sans déclaration, association de malfaiteurs, blanchiments douanier et aggravé.
Saisie d’une demande en nullité de la procédure douanière, de la garde à vue, de la perquisition domiciliaire et des actes de procédure subséquents, la chambre de l’instruction ne trouvait rien à redire.
Et pourtant : dans l’arrêt en cause, la chambre criminelle de la Cour de cassation n’est pas du même avis s’agissant de l’audition effectuée par les agents des douanes.
Elle confirme d’abord que si l’article 60 du Code des douanes autorise les agents des douanes à procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et des personnes, c’est à la condition que ces actes, incluant la saisie, ne donnent lieu au maintien des personnes concernées à la disposition des agents des douanes au-delà de ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de ces mesures et à l’établissement du procès-verbal qui les constate.
S’agissant plus spécifiquement des auditions, la chambre criminelle rappelle ici ce qu’elle avait déjà affirmé avec force dans un arrêt remarqué du 13 juin 2019 [2].
Si, dans le cadre des actes de l’article 60, les agents de douanes peuvent recueillir des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts, ils ne disposent pas d’un pouvoir général d’audition de la personne contrôlée.
Par ailleurs, si l’article 67 F du Code des douanes encadre l’audition libre du suspect en matière douanière, c’est aux conditions, par analogie avec l’article 61-1 du Code de procédure pénale, que la personne n’a pas été conduite sous contrainte par les agents des douanes dans leurs locaux et qu’elle dispose du droit de les quitter à tout moment.
Une telle audition libre ne peut ainsi avoir lieu durant le droit de visite douanière lorsqu’elle s’accompagne d’une mesure de contrainte et les agents des douanes ne sont pas autorisés, hors conditions d’une retenue douanière, à retenir et entendre la personne contrôlée contre son gré.
En l’espèce, il ressort de la procédure que le passager contrôlé avait été entendu par les agents des douanes après avoir été invité à les suivre dans leurs locaux, « ce dont il se déduit qu’il a été nécessairement contraint à y demeurer ».
A cette occasion, il faisait l’objet d’une audition formelle sur sa situation personnelle, notamment financière, et sur l’origine des fonds transportés.
Or au visa des textes et principes précités, les agents des douanes, qui ne disposent pas d’un pouvoir général d’audition, ne pouvaient procéder à une telle audition contrainte au cours de la visite douanière.
La chambre de l’instruction, dont l’arrêt fait l’objet d’une cassation, devra dès lors statuer de nouveau quant à la nullité de l’audition et ses conséquences sur la procédure douanière et les actes subséquents.
Par cette décision se trouve renforcée l’analogie entre les exigences inhérentes aux procédures pénales et celles relatives aux procédures douanières en matière de droits des personnes mises en cause.
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Cher Confrère, merci. Votre article nous sera très utile.