L’étranger en situation irrégulière qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement, notamment d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français assorti d’un de départ forcé, est susceptible d’être placé dans un centre de rétention administrative (ou dans un local de rétention), le temps pour l’administration de procéder à l’exécution de cette mesure par son renvoi dans le pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible [1].
Privative de liberté, le placement en rétention administrative fait logiquement intervenir l’autorité judiciaire, ici le Juge des libertés et de la détention [2], à la suite notamment des dispositions de l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 « Nul ne peut être arbitrairement détenu. /L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » [3].
S’il contrôle aujourd’hui l’essentiel de la procédure, force est cependant d’observer qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Jusqu’à la réforme introduite par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France en effet, le juge administratif statuait sur la régularité de l’arrêté de placement en rétention administrative. Il devait statuer dans le délai de placement initial, qui a varié entre un et cinq jours entre 1980 et 2016. Au-delà de ce terme, seul le juge des libertés et de la détention pouvait se prononcer sur la nécessité d’un maintien en rétention. Le transfert du contentieux des arrêtés de placement vers le juge des libertés et de la détention a été justifié par la nécessité d’assurer un contrôle effectif au regard de l’article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des liberté fondamentales. Il a notamment été soutenu que l’absence d’effet suspensif attaché au recours dirigé contre l’arrêté de placement compromettait l’effectivité du recours. Cette critique était confortée par l’article 15§2 de la directive « retour » du 16 décembre 2008 qui garantit un contrôle juridictionnel accéléré de la rétention le plus rapidement à compter du début de la rétention [4] Le juge des libertés et de la détention compétente est celui du tribunal judiciaire dans le ressort duquel l’étranger est maintenu en rétention ou assigné à résidence. [5].
Ce contrôle porte sur différents points, tels que la recevabilité d’une requête, le respect du contradictoire, la police de l’audience [6]. On s’intéressera surtout ici sur celui qu’il exerce sur la régularité de la procédure (I) et sur la nécessité de la mesure (II).
I- La régularité des procédures.
La décision de placement en rétention est prise par l’autorité administrative, après interpellation de l’étranger [7] ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention.
Plusieurs étapes précèdent le placement de l’étranger en centre de rétention administrative. Chacune d’elles est susceptible de faire l’objet d’un contrôle du Juge des libertés et de la détention.
Trois points seront successivement abordés : le contrôle d’identité, la retenue et la garde à vue.
A- Le contrôle d’identité.
1- Il importe d’observer que l’on distingue deux types de contrôle d’identité, qui procèdent de logiques particulières. [8].
L’on songe d’abord à celui qui s’inscrit dans une logique de police judiciaire. Il intervient en répression de l’infraction ou aux fins de recherche d’infractions. Aux termes de l’article 78-2 du Code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ; ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ; ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire [9]. Ce contrôle « ne peut donc être réalisé qu’autant qu’il se rattache à la commission d’une infraction ou à une prescription ou une recherche émanant de l’autorité judiciaire » [10].
Doivent être soulignés les contrôles sur la voie publique ou dans les établissements professionnels sur réquisitions écrites du Procureur de la République. Ainsi, sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour Fabienne Jault-Seseke :
« Le contrôle sur réquisition comme le contrôle de police administrative n’impliquent pas au préalable l’individualisation des personnes. En quelque sorte, les réquisitions permettent de contourner l’exigence d’une présomption d’infraction. Ces contrôles opérés sans que les délinquants ne soient identifiés, sans qu’aucune infraction précise ne soit en cause suscitent nécessairement des suspicions a priori. On va contrôler les personnes auxquelles on impute un risque infractionnel non négligeable. La suspicion va se fonder sur l’apparence de telle sorte que le contrôle risque de tourner au contrôle au faciès » [11].
L’on songe en second lieu au contrôle d’identité qui procède d’une logique de police administrative. A ce titre, l’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens (art.78-2 du Code de procédure pénale). L’autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public qui a motivé le contrôle [12].
2- Force est de noter que, conformément aux dispositions de l’article 78-1 du Code de procédure pénale, toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées par le Code de procédure pénale, à savoir les officiers de police judiciaire et, sous leurs ordres et responsabilité, par les agents de police judiciaires et certains agents de police judiciaire adjoints.
Par ailleurs, aux termes de l’article L812-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), tout étranger doit être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels il est autorisé à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition d’un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et, sur l’ordre et sous la responsabilité de celui-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints [13].
3- L’important est de s’assurer que ce contrôle d’identité a été régulier. D’abord, parce qu’il n’aura pas inutilement entravé la liberté d’aller et de venir et qu’il aura été respectueux de la dignité humaine. Ensuite parce qu’il n’aura pas été discriminatoire, au point d’être un moyen détourné de procéder au contrôle de la régularité de la situation administrative des étrangers [14].
Notons à ce dernier égard qu’aux termes de l’article R434-16 du Code de la sécurité intérieure (CSI) :
« Lorsque la loi l’autorise à procéder à un contrôle d’identité, le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler, sauf s’il dispose d’un signalement précis motivant le contrôle.
Le contrôle d’identité se déroule sans qu’il soit porté atteinte à la dignité de la personne qui en fait l’objet.
La palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté. Elle ne revêt pas un caractère systématique. Elle est réservée aux cas dans lesquels elle apparaît nécessaire à la garantie de la sécurité du policier ou du gendarme qui l’accomplit ou de celle d’autrui. Elle a pour finalité de vérifier que la personne contrôlée n’est pas porteuse d’un objet dangereux pour elle-même ou pour autrui.
Chaque fois que les circonstances le permettent, la palpation de sécurité est pratiquée à l’abri du regard du public » [15].
Pour le Conseil constitutionnel, un contrôle d’identité doit s’opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination [16].
Enfin, la Cour de cassation considère que la faute lourde résultant d’une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, au sens de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire, doit être regardée comme constituée lorsqu’il est établi qu’un contrôle d’identité présente un caractère discriminatoire ; que tel est le cas, notamment, d’un contrôle d’identité réalisé selon des critères tirés de caractéristiques physiques associées à une origine, réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable. [17].
B- La garde a vue.
L’on observera que c’est parfois à l’occasion d’une garde à vue que se révèlent l’extranéité d’une personne et l’irrégularité de sa situation administrative.
1- Aux termes de l’article 62-2 du Code de procédure pénale, la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.
2- Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants : permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ; empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ; garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.
3- Seul un officier de police judiciaire peut d’office, ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue. Dès le début de la procédure, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue. Il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l’article 62-2 du CPP, ce placement et l’avise de la qualification des faits qu’il a notifiée à la personne en application du 2° de l’article 63-1 du CPP. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues au même article 63-1 du Code de procédure pénale.
4- Les droits de la personne placée en garde à vue sont rappelés par l’article 63-1 du Code de procédure pénale. La personne gardée à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa :
1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet [18].
2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;
3° Du fait qu’elle bénéficie de plusieurs droits [19].
En cas de prolongation de cette mesure, la personne gardée à vue peut demander à être examinée une seconde fois par un médecin et à s’entretenir à nouveau avec un avocat. Afin d’être effectifs, ces droits doivent être notifiés au gardé à vue dès le début de la prolongation.
5- Il s’agira ici de s’assurer que la procédure a été respectée, que les droits ont été notifiés à l’intéressé et qu’il a pu effectivement en bénéficier [20].
C- La retenue aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour.
1- La retenue pour vérification du droit au séjour est une mesure administrative créée en 2012 pour remplacer la garde à vue dont l’utilisation dans le cadre de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière avait été jugée contraire à la directive n°2008/115 du 16 décembre 2008 par la Cour de justice de l’union européenne du 6 décembre 2011 [21].
La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 « relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées » a abrogé le délit de séjour irrégulier, qui constituait le fondement du placement en garde à vue des étrangers en situation irrégulière, et a défini un nouveau cadre de vérification d’identité lorsqu’un étranger ne parvient pas à établir la régularité de son séjour à la suite d’un contrôle sur la voie publique.
2- Cette mesure permet de retenir un étranger qui ne peut pas présenter son visa ou son titre de séjour (ou qui refuse de le faire).Elle peut intervenir à l’occasion d’un contrôle de titre de séjour ou d’un contrôle d’identité. Elle permet à la police de vérifier si l’étranger a le droit de séjourner en France [22].
Si, à l’occasion d’un contrôle mentionné à l’article L812-2 du CESEDA, il apparaît qu’un étranger n’est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cadre, l’étranger peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale [23].
3- L’étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l’examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder vingt-quatre heures à compter du début du contrôle mentionné à l’article L812-2 du CESEDA.
Dans le cas prévu à l’article L813-2 du CESEDA, la durée de la retenue effectuée aux fins de vérification d’identité en application de l’article 78-3 du Code de procédure pénale s’impute sur celle de la retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour [24].
Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue et peut y mettre fin à tout moment [25].
4- L’étranger en retenue dispose d’un ensemble de droits. Ainsi, aux termes de l’article L813-5 du CESEDA, l’étranger auquel est notifié un placement en retenue en application de l’article L813-1 est aussitôt informé, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, des motifs de son placement en retenue, de la durée maximale de la mesure et du fait qu’il bénéficie des droits suivants : être assisté par un interprète ; être assisté, dans les conditions prévues à l’article L813-6 du CESEDA, par un avocat désigné par lui ou commis d’office par le bâtonnier, qui est alors informé de cette demande par tous moyens et sans délai ; être examiné par un médecin désigné par l’officier de police judiciaire ; le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien de la personne en retenue et procède à toutes constatations utiles ; prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix et de prendre tout contact utile afin d’assurer l’information et, le cas échéant, la prise en charge des enfants dont il assure normalement la garde, qu’ils l’aient ou non accompagné lors de son placement en retenue, dans les conditions prévues à l’article L813-7 du CESEDA ; avertir ou de faire avertir les autorités consulaires de son pays.
Lorsque l’étranger ne parle pas le français, il est fait application des dispositions de l’article L141-2 [26].
5- Pour les seules nécessités de la vérification du droit de circulation et de séjour, il peut être procédé, sous le contrôle de l’officier de police judiciaire et en présence de l’étranger, avec l’accord de ce dernier ou, à défaut, après avoir informé par tout moyen le procureur de la République, à l’inspection des bagages et effets personnels de l’étranger et à leur fouille.
En cas de découverte d’une infraction, il est établi un procès-verbal distinct de celui prévu au premier alinéa de l’article L813-13, qui mentionne le lieu et les dates et heures de début et de fin de ces opérations et dont un exemplaire est transmis sans délai au procureur de la République.
6- Si l’étranger ne fournit pas d’éléments permettant d’apprécier son droit de circulation ou de séjour, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d’empreintes digitales ou de photographies pour établir sa situation. Les empreintes digitales et photographies sont collectées en vue de l’établissement du droit de circuler ou de séjourner de l’étranger et ne peuvent être mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé en application du 3° de l’article L142-1 du CESEDA que s’il apparaît, à l’issue de la retenue, que l’étranger ne dispose pas d’un droit de circulation ou de séjour [27].
8- Durant la retenue, lorsque sa participation aux opérations de vérification n’est pas nécessaire, l’étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue [28].
Les mesures de contrainte exercées sur l’étranger retenu en application de l’article L813-1 sont strictement proportionnées à la nécessité des opérations de vérification et de son maintien à la disposition de l’officier de police judiciaire. L’étranger ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite [29].
S’assurer de la régularité du contrôle d’identité, de la garde à vue ou de la retenue pour vérification d’identité est un aspect important du contrôle du Juge des libertés et de la détention. Un autre l’est tout autant : celui de la nécessité du placement en rétention administrative.
II- La nécessité de la mesure.
Illustratif du privilège du préalable dont bénéficie l’administration, le contrôle ici s’effectue alors que la mesure est devenue effective [30]. Ce contrôle s’opère au cours une audience unique au cours de laquelle tant la requête préfectorale en prolongation de la mesure de rétention que celle (potentielle) de l’étranger en contestation de l’arrêté de placement sont examinées. Il s’agit de s’assurer que cette mesure contraignante et privative de liberté est justifiée [31].
La mesure de placement, les diligences de l’administration et les conditions de la rétention administrative, tels sont les points qui seront envisagés.
A- La mesure de placement.
Acte administratif unilatéral édicté dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, la mesure de placement est censée obéir aux règles qui gouvernent la légalité des actes administratifs. Des exigences relatives à la légalité externe et à la légalité interne doivent donc être satisfaites [32].
1- Il importe tout d’abord de s’assurer que l’auteur de la mesure bénéficiait de la délégation de signature requise pour édicter la mesure de placement en rétention administrative. En principe, et conformément et aux dispositions d l’article R741-1 du CESEDA, l’autorité compétente pour ordonner le placement en rétention administrative d’un étranger est le préfet de département et, à Paris, le Préfet de police. En pratique, c’est un fonctionnaire de la préfecture qui le signe.
2- Outre la compétence de l’auteur de l’acte, la requête doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, datée, signée, accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, dont une copie du registre [33].
3- Par ailleurs, le placement en rétention administrative est subordonné à l’existence notamment d’une mesure de départ forcé exécutoire. Il faut donc s’assurer de l’existence par exemple d’une mesure portant obligation de quitter le territoire français édictée moins d’un an auparavant [34].
Enfin, un étranger ne peut pas faire l’objet de deux placements en rétention administrative consécutifs. L’administration est tenue de respecter un délai minimum de 7 jours entre deux placements [35].
4- Outre celle de l’impossibilité pour l’étranger de quitter immédiatement le territoire français (absence de places disponibles sur un vol, défaut d’identification de l’intéressé.), l’administration doit apporter la démonstration de l’existence d’un risque non négligeable de fuite. Ce risque de soustraction à une mesure d’éloignement se déduit de l’absence de garanties de représentation effectives. Le risque mentionné au 3° de l’article L612-2 du CESEDA peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français [36] ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L721-6 à L721-8, L731-1, L731-3, L733-1 à L733-4, L733-6, L743-13 à L743-15 et L751-5 du CESEDA.
5- Encore faut-il démontrer qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de la mesure d’éloignement. En somme, il faut établir l’impossibilité pour l’intéressé d’être assigné à résidence. De fait, comme le prescrit la directive retour n° 2008/115/CE, l’assignation constitue la voie normale applicable aux étrangers visés par une obligation de quitter le territoire français sans délai. Le choix de recourir à la procédure la moins coercitive permet en effet de satisfaire au principe de proportionnalité énoncé au point 16 de l’exposé des motifs de la directive retour [37] et à son article 15 [38].
6- La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.
7- L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision de placement en rétention. Il ne peut être retenu que s’il accompagne un étranger placé en rétention [39].
B- Les diligences.
Dès lors qu’elle est privative de liberté, le placement en rétention administrative et sa prolongation ne se conçoivent que dans la mesure où il existe des perspectives raisonnables de départ de l’étranger vers le pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. Pour le dire autrement, c’est parce que, eu égard aux circonstances de fait et éventuellement de droit, l’administration pense pouvoir exécuter dans des délais raisonnables la mesure d’éloignement qu’elle peut envisager la rétention administrative. L’article L741-3 du CESEDA dispose en effet que : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet » ; A contrario, et ainsi qu’il ressort de la directive « retour », la rétention ne peut pas être prolongée s’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement ou si les conditions ayant justifié le placement initial en rétention ne sont plus réunies.
C’est donc en principe sur l’administration que repose la charge d’apporter la démonstration de l’effectivité des diligences. Les unes, pour déterminer le pays dont il est le ressortissant afin d’en obtenir le laissez-passer consulaire. Les autres, pour la réservation d’une place sur un vol auprès d’une compagnie aérienne et, le cas échéant, la mobilisation d’une escorte. Etant précisé que plusieurs pièces doivent être transmises au juge des libertés et de la détention dans le cadre de la demande de prolongation en rétention administrative : demande motivée de prolongation ; copie intégrale de la décision d’éloignement faisant apparaitre sa notification à l’étranger ; notification de la décision de placement ; délégation de signature des fonctionnaires appelés à signer les décisions ; demande de laissez-passer adressée au Consulat ; s’il y a lieu copie de la première ordonnance judiciaire de maintien en rétention ; procédure judiciaire dans son intégralité ( procès-verbal d’interpellation, de placement en garde à vue, de fin de garde à vue et de placement en rétention).
C’est également à l’administration qu’il revient de démontrer la réunion des conditions requises pour les éventuelles prolongations [40].
La prolongation du maintien en rétention administrative ne peut être sollicitée que dans des cas limitativement énumérés. Cette prolongation est d’abord possible en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. Elle l’est ensuite lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement. Elle l’est enfin lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison : du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ; de l’absence de moyens de transport.
A titre exceptionnel, les 3e et 4eme prolongations du maintien en rétention au - delà de la durée maximale de rétention peuvent être sollicitées lorsque l’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours [41]. Tout d’abord lorsque l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement [42].
Ensuite, lorsque l’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement (au titre du 9° de l’article L611-3 ou du 5° de l’article L631-3 du CESEDA) ou une demande d’asile (dans les conditions prévues aux articles L754-1 et L754-3du CESEDA). Enfin, lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Doit être souligné que, contrairement à ce que peuvent parfois laisser penser les termes du courrier adressé par la préfecture aux autorités consulaires relativement à la demande de laisser passer, l’étranger n’est pas d’emblée placé en rétention pour une période de 90 jours, mais pour 48h, puis, éventuellement et sous certaines conditions, 28, 30, 15 et 15 jours. En témoignent les termes du CESEDA. Ainsi, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, « celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l’expiration du délai de quarante -huit heures mentionné à l’article L741-1 » [43] ; « celle- ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale n’excède alors pas soixante jours » [44] ; « celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours ». « Si une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt -dix jours » [45].
C- Les conditions de la rétention.
1- Créés, sur proposition du ministre chargé de l’immigration, par arrêté conjoint du ministre chargé des affaires sociales, du ministre chargé de l’immigration, du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice, les centres de rétention administrative ont une vocation nationale [46].
Ils reçoivent, dans la limite de leur capacité d’accueil et sans considération de la compétence géographique du préfet ayant pris la décision de placement en rétention, les étrangers placés ou maintenus en rétention administrative quel que soit le lieu de leur résidence ou de leur interpellation. Leur capacité d’accueil ne peut pas dépasser cent quarante places.
2- Ils sont placés sous la responsabilité du préfet territorialement compétent et, à Paris, du préfet de police, qui désigne par arrêté le chef de centre, après accord du directeur général de la police nationale ou du directeur général de la gendarmerie nationale.
3- L’étranger retenu bénéficie d’un ensemble de droits. Il en est informé dans les meilleurs délais et dans une langue qu’il comprend.
a- Il bénéficie tout d’abord du droit de communiquer. Ainsi, dès son arrivée au lieu de rétention, l’étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s’il en a un, ou, s’il n’en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.
Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l’étranger est placé, un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l’intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l’auteur et, le cas échéant, l’interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l’article L744-2 [47].
L’administration met un interprète à la disposition des étrangers maintenus en centre ou en local de rétention administrative qui ne comprennent pas le français, dans le seul cadre des procédures d’éloignement dont ils font l’objet et des demandes d’asile.
Dans les autres cas, la rétribution du prestataire est à la charge de l’étranger.
Lorsque l’assistance d’un interprète se fait par téléphone ou un autre moyen de télécommunication, le nom et les coordonnées de l’interprète, ainsi que la langue utilisée, sont mentionnés par procès-verbal, dont une copie est remise à l’étranger [48].
b- L’étranger retenu bénéficie ensuite de droits liés aux conditions de la rétention. Pendant la durée de son séjour en rétention, l’étranger est hébergé et nourri à titre gratuit. Il est soigné gratuitement. S’il en fait la demande, il est examiné par un médecin de l’unité médicale du centre de rétention administrative, qui assure, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative [49].
c- Des droits concernant l’accueil et l’information lui sont reconnus [50]. L’étranger placé ou maintenu dans un centre de rétention administrative bénéficie d’actions d’accueil, d’information, de soutien moral et psychologique et d’aide pour préparer les conditions matérielles de son départ, qui portent notamment sur la récupération des bagages, la réalisation de formalités administratives, l’achat de produits de vie courante et, le cas échéant, les liens avec le pays d’origine, notamment la famille. Pour la conduite de ces actions, l’Etat a recours à l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Une convention détermine les conditions d’affectation et d’intervention des agents de cet établissement public. [51]
4- Pendant toute la durée de la rétention de l’étranger, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions du maintien et se faire communiquer le registre prévu à l’article L744-2 [52].
Ce qui précède permet d’entrevoir les moyens dont peut disposer le juge des libertés et de la détention. Certains affectent la régularité de l’audience, d’autres la régularité antérieure à la saisine, d’autres encore sont tirés de l’irrégularité de la notification des droits de l’étranger et de l’exercice de ses droits en rétention, d’autres moyens sont tirés du défaut de diligence de l’administration, la rétention ne pouvant excéder le temps strictement nécessaire au départ et devant être proportionné [53]. Trois décisions sont susceptibles d’être prises par le Juge des libertés et de la détention : la mainlevée [54], l’assignation à résidence [55], la prolongation de la rétention [56]. Essentiel, ce contrôle est également effectif.
Le risque serait de voir le juge des libertés et de la détention faire montre d’une grande compréhension concernant les considérations d’ordre public qui ont motivé la mesure d’éloignement. De fait, aussi importantes soient-elles, ces considérations ne devraient en principe pas sous - tendre le placement en rétention administrative, dès lors que seule compte ici la perspective de départ dans un délai raisonnable. « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet », rappelle l’article L741-3 du CESEDA.