A - Les voies de recours en cas de refus de nationalité française.
Un refus de nationalité française peut prendre différentes formes :
- une décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française (« CNF ») (1),
- une décision de refus d’enregistrement d’une déclaration de nationalité française (2),
- une décision de refus de naturalisation par décret (3).
Des voies et délais de recours spécifiques sont prévus pour chacune de ces décisions.
En outre, une action supplémentaire vient s’y ajouter : l’action déclaratoire de nationalité française, qui s’exerce sans condition de délai devant le tribunal judiciaire, et qui permet de faire directement constater sa nationalité française (4).
1. Le refus de délivrance d’un certificat de nationalité française (« CNF »).
Un certificat de nationalité française peut être demandé par les personnes qui ont besoin de prouver leur nationalité française, par exemple par la filiation, par le double droit du sol ou du fait de la naissance et de la résidence habituelle en France pendant 5 ans à partir de l’âge de 11 ans (ou plus jeune).
Il est parfois difficile de justifier de sa qualité de français, lorsque cela implique par exemple d’établir la loi applicable, un lien de filiation contesté, ou encore un état civil fiable et certain, ainsi qu’il sera développé ci-dessous (II). Une démonstration incertaine ou insuffisamment étayée peut être sanctionnée par un rejet de délivrance du CNF.
Depuis le 1ᵉʳ septembre 2022, la procédure de contestation d’un refus de CNF est fixée par le décret du 17 juin 2022 [1], codifié aux articles 1038 et 1045-2 du Code de procédure civile.]] Le recours dirigé contre le refus de certificat de nationalité est adressé au tribunal judiciaire, qui est saisi par requête [2]
Les règles encadrant cette procédure sont strictes :
- l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans un délai de six mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration des délais aux termes desquels la demande est réputée rejetée implicitement [3],
- À peine d’irrecevabilité, la requête doit être accompagnée d’un exemplaire du formulaire, des pièces produites au soutien de la demande et de la décision de refus [4].
L’assistance d’un avocat est obligatoire dans cette procédure.
En lieu et place de ce recours, une action déclaratoire de nationalité française peut être envisagée, compte tenu de la valeur probatoire relative du CNF. Votre avocat vous conseillera sur la meilleure option à privilégier dans votre situation.
2. Le refus d’enregistrement d’une déclaration de nationalité française.
La déclaration de nationalité française concerne les personnes de nationalité étrangère qui :
- sont nées en France et ont eu leur résidence habituelle en France depuis au moins 5 ans à partir de l’âge de 11 ans (ou plus jeune) ;
- ont été adoptées ou recueillies ;
- sont mariées à une personne de nationalité française ou qui ont un lien de parenté avec une personne française (enfant, petit-enfant, arrière petit-enfant, frère ou sœur...) ;
- qui ont la possession d’état de français depuis 10 ans.
Lorsque les critères exigés pour chaque déclaration ne sont pas remplis, pas justifiés ou lorsqu’un risque de mensonge, de fraude, ou de menace à l’ordre public est suspecté, une décision refusant d’enregistrer cette déclaration peut intervenir.
Cette décision peut être contestée devant le tribunal judiciaire, dans le délai de six mois à compter de la notification du refus d’enregistrement [5].
L’assistance d’un avocat est là encore obligatoire dans cette procédure.
3. La contestation d’un refus de naturalisation par décret.
Enfin, la demande de naturalisation par décret concerne en principe les personnes qui résident en France depuis au moins cinq ans (ou moins selon les cas) et qui justifient d’une intégration sur le territoire français.
L’autorité compétente peut prendre une décision d’irrecevabilité, d’ajournement ou de rejet de la demande de naturalisation.
Pour la contester, un recours administratif motivé doit être déposé auprès du ministre dans les deux mois suivant la notification de la décision. Ce recours constitue un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de ce dernier.
Le silence du ministre au bout de quatre mois vaut rejet implicite du recours.
Le délai pour saisir ensuite le tribunal administratif est de deux mois à compter du rejet du recours préalable obligatoire.
4. L’action déclaratoire de nationalité française.
Plus généralement, une procédure en constatation de nationalité française peut être engagée devant le tribunal judiciaire et notamment :
- en cas de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française,
- lorsque l’administration refuse de renouveler une carte d’identité ou un passeport français (refus verbal à un guichet),
- lorsque l’administration retire un document justifiant de la nationalité française de manière irrégulière (certificat de nationalité française, carte nationale d’identité, etc.).
- en raison des difficultés issues de la décolonisation, en particulier pour les algériens.
Il n’existe pas de délai à cette action. Là encore, l’assistance d’un avocat est obligatoire.
B - Les points de vigilance : les motifs récurrents de refus.
1. Un état civil fiable et certain.
Justifier d’un état civil fiable et certain suppose notamment que les actes d’état civil (actes de naissance, actes de mariage, jugements rectificatifs ou supplétifs) produits sont recevables, réguliers, authentiques et opposables en France.
Ainsi, premièrement, il peut être nécessaire de faire légaliser ou apostiller les actes étrangers, sauf en cas de dispense prévue par un accord bilatéral. Un tableau récapitulatif mis en ligne par le ministère des affaires étrangères permet de connaître l’état du droit conventionnel actuel en la matière [6].
Deuxièmement, le caractère fiable et régulier de l’acte implique que ce dernier respecte les exigences prévues par la loi locale. Dès lors, il sera nécessaire de vérifier les textes de loi du pays concerné et au besoin, de faire rectifier les actes concernés.
L’article 47 du Code civil pose en effet une présomption simple d’authenticité des actes d’état civil étrangers :
« Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».
Troisièmement, dans le cas où un acte d’état civil renverrait à une décision de justice, celle-ci doit être produite, et pour être reconnue opposable devant le juge français, elle devra notamment :
- être rendue par une juridiction matériellement et territorialement compétente selon la loi locale,
- avoir fait l’objet d’une procédure contradictoire, en présence du ministère public, à moins que la loi locale l’en dispense,
- faire l’objet d’une motivation suffisante.
Ces conditions font l’objet d’une vérification par le juge français. Il convient donc de les anticiper.
2. Le risque de mensonge ou de fraude.
La falsification de pièces d’état civil, de justificatifs de résidence en France, la fausse déclaration, mais également le fait de dissimuler une information importante (condamnations judiciaires, remariage), ou les déclarations erronées (volontairement ou involontairement) sur sa situation personnelle transmises à certains organismes (CAF) sont des éléments qui peuvent fonder un refus de demande nationalité.
Ainsi, les refus de naturalisation pour ce motif sont fréquents. De même, l’enregistrement d’une déclaration de nationalité peut être contesté par le Procureur de la République pour le motif de « mensonge ou fraude » dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué ou suivant la découverte de la fraude.
Dans ce contexte, un recours tend à établir l’absence de toute fraude et/ou son caractère non déterminant quant à la décision de nationalité.
3. La menace à l’ordre public et les antécédents judiciaires.
L’instruction de la demande de nationalité française conduit à une vérification de la moralité et des antécédents judiciaires du demandeur (casier judiciaire et fichiers de police), via une enquête administrative.
En particulier, le fichier TAJ (Traitement d’antécédents judiciaires) est un fichier de police qui en pratique est consulté par la préfecture dans le cadre des demandes de titre de séjour, de visas et de naturalisation.
L’inscription d’une personne à ce fichier est un motif de refus fréquent par l’administration.
Or la CNIL a dénoncé à plusieurs reprises les trop nombreuses erreurs de données conservées à tort, ou les accès non autorisés sur ce fichier.
La jurisprudence récente rappelle qu’un refus de séjour ou de naturalisation ne peut intervenir sur la base d’une exploitation irrégulière de ce fichier.
J’ai pu exposer dans un précédent article les précautions à prendre en ce sens avant de déposer une demande à la préfecture, d’une part, et en cas de refus fondé sur ce motif, d’autre part, les moyens à soulever devant le tribunal pour le faire annuler : Fichier TAJ et refus de titre de séjour, de visa ou de naturalisation.
Il est donc vivement conseillé de veiller à faire effacer le bulletin n°2 de son casier judiciaire et les données figurant sur le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) avant de déposer une demande, ce qui requiert une analyse approfondie des mentions qui y figurent.