Décision du Conseil constitutionnel du 24 janvier 2025 suite à une QPC : une avancée pour les droits fondamentaux des agents publics.

Par Gildas Neger, Docteur en Droit.

381 lectures 1re Parution: 4.97  /5

Explorer : # droits fondamentaux # individualisation des peines # proportionnalité des peines # inconstitutionnalité

Le litige ayant conduit à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n° 2024-1120, posée par M. Yenad M., portait sur l’application de l’article L124-20 du Code général de la fonction publique. Cet article, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021, prévoyait une interdiction automatique de recrutement pendant trois ans pour un agent contractuel en cas de non-respect d’un avis rendu par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

-

Origine du litige.

M. Yenad M., agent contractuel concerné par cette disposition, s’est vu notifier une interdiction de recrutement suite à un avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves émis par la HATVP. Il a contesté cette sanction devant une juridiction administrative, arguant qu’elle portait atteinte à ses droits fondamentaux en raison de son caractère automatique et disproportionné. Il a notamment invoqué une violation des principes d’individualisation et de proportionnalité des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Déroulement procédural.

Dans le cadre de ce litige, M. Yenad M., représenté par ses avocats, a soulevé une QPC devant le tribunal administratif compétent. Cette QPC a été transmise au Conseil d’État, qui, après examen, a jugé qu’elle remplissait les critères requis (sérieux, nouveauté et applicabilité au litige). Le Conseil d’État a donc renvoyé la question au Conseil constitutionnel le 25 octobre 2024.

Enjeux juridiques.

Le cœur du litige résidait dans le fait que l’interdiction automatique prévue par l’article L124-20 ne permettait pas à l’administration d’évaluer les circonstances spécifiques à chaque cas ni d’adapter la sanction en conséquence. Cette rigidité a été perçue comme une atteinte excessive aux droits fondamentaux des agents publics concernés.

Cette situation a conduit le Conseil constitutionnel à déclarer ces dispositions contraires à la Constitution dans sa décision rendue le 24 janvier 2025.

Apports juridiques de la décision.

Constat d’inconstitutionnalité.

Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées du code général de la fonction publique (article L124-20) étaient contraires à la Constitution pour les raisons suivantes :

  • Violation du principe d’individualisation des peines : les sanctions prévues étaient automatiques et ne permettaient pas à l’administration d’évaluer les circonstances spécifiques de chaque cas. Cela contrevient au principe de proportionnalité des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
  • Atteinte excessive aux droits fondamentaux : l’interdiction automatique de recrutement pour trois ans imposait une sanction disproportionnée sans possibilité d’adaptation contextuelle.

Effets différés et mesures transitoires.

Pour éviter des conséquences excessives, le Conseil a décidé :

  • De reporter l’abrogation des dispositions inconstitutionnelles au 31 janvier 2026, permettant ainsi au législateur de modifier le cadre légal.
  • D’autoriser l’administration, durant cette période transitoire, à écarter ou moduler les sanctions en fonction des circonstances propres à chaque affaire.

Portée pratique.

La déclaration d’inconstitutionnalité s’applique aux affaires non définitivement jugées à la date de publication de la décision (24 janvier 2025). Elle garantit ainsi que les justiciables concernés bénéficieront immédiatement des effets de cette décision.

Critiques et analyses.

Critiques.

  • Rigidité initiale des dispositions : l’automaticité des sanctions prévues par l’article L124-20 a été critiquée pour son incompatibilité avec les principes fondamentaux du droit pénal.
  • Effet différé problématique : le report au 31 janvier 2026 pourrait maintenir une insécurité juridique pour les agents publics concernés pendant plus d’un an.

Analyses positives.

  • Renforcement des principes constitutionnels : la décision réaffirme l’importance des principes d’individualisation et de proportionnalité dans le droit administratif.
  • Solution pragmatique : la possibilité laissée à l’administration d’adapter temporairement les sanctions est saluée comme une mesure équilibrée pour limiter les effets négatifs immédiats.

En conclusion, cette décision illustre le rôle fondamental du Conseil constitutionnel dans la protection des droits fondamentaux tout en prenant en compte les impératifs pratiques liés à l’application des lois. Elle marque également un rappel important au législateur sur la nécessité d’élaborer des dispositions respectueuses des principes constitutionnels.

Gildas Neger
Docteur en Droit Public

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 550 membres, 28199 articles, 127 292 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs