I. Les faits.
Le salarié, dans cette affaire, avait été recruté par la société Alten en tant que technicien en juin 2004, avec un contrat à durée indéterminée. Il est alors ingénieur assimilé cadre, et exerce plusieurs mandats de représentation du personnel au fil des années. À la fin de 2019, il a consacré 41% de son temps de travail à ses fonctions de représentation syndicale et, à compter de 2020, son temps de délégation est réduit à 24 heures par mois.
En juillet 2019, le salarié saisi la juridiction prud’homale pour demander la fixation de son salaire de référence, en application de l’article L2141-5-1 du Code du travail, et réclamer des rappels de salaire pour les années 2018, 2019 et 2020.
L’objectif était de faire reconnaître son évolution salariale en fonction des augmentations générales et des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise, pendant la période de son mandat de représentant syndical.
La Cour d’appel de Versailles, a constaté que le nombre d’heures de délégation dont un salarié disposait entre 2017 et 2020 était supérieur à 30% de la durée de travail prévue au contrat de travail et qu’il était le seul dans l’entreprise à être classé dans un coefficient de la position de son type d’emploi, en a déduit que l’évolution de la rémunération du salarié devait être déterminée par référence aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise, y compris lorsque certaines augmentations individuelles résultaient d’une promotion entraînant un changement de catégorie professionnelle.
L’employeur s’est pourvu en cassation.
II. Les moyens.
L’employeur, la société Alten a principalement argumenté que les augmentations de salaire accordées aux salariés de l’entreprise, notamment celles liées à des promotions professionnelles (entraînant un changement de catégorie), ne devaient pas être incluses dans le calcul des augmentations salariales qui devaient bénéficier au demandeur.
Selon l’employeur, seules les augmentations salariales à qualification identique devaient être prises en compte.
Dès lors, l’employeur a estimé que la cour d’appel avait commis une erreur en considérant la moyenne des augmentations salariales générales et individuelles des salariés de l’entreprise, sans distinguer entre les augmentations dues à des promotions professionnelles et celles liées à une évolution salariale générale.
III. La solution de la cour.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Alten.
Elle valide l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, qui avait inclus dans le calcul des éléments de rémunération les promotions et augmentations individuelles, même lorsqu’elles étaient liées à un changement de catégorie professionnelle.
L’enjeu principal de cette décision était de déterminer comment calculer l’évolution salariale d’un salarié titulaire de mandats représentatifs lorsque ce salarié est le seul à relever de sa catégorie professionnelle dans l’entreprise.
Elle a souligné que les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et ayant une ancienneté comparable sont ceux qui occupent des emplois ayant le même coefficient dans la classification de l’entreprise.
Elle précise que, dans le cas du salarié, dont le nombre d’heures de délégation excédait 30% de son temps de travail, son évolution salariale devait être déterminée en prenant en compte la moyenne des augmentations salariales générales et individuelles dans l’ensemble de l’entreprise, indépendamment du fait que ces augmentations résultent ou non de promotions professionnelles.
IV. Analyse de la décision.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation complète et précise les modalités d’application de la garantie d’évolution salariale prévue par l’article L2141-5-1 du Code du travail, qui vise à protéger l’évolution salariale des représentants du personnel et des délégués syndicaux, en veillant à ce qu’ils ne soient pas pénalisés par l’exercice de leurs fonctions. Cette garantie concerne notamment ceux dont les heures de délégation dépassent 30% de leur temps de travail annuel. L’objectif est de protéger ces salariés contre toute discrimination salariale liée à l’exercice de leur mandat représentatif ou syndical, en leur assurant une évolution salariale équivalente à celle de leurs collègues non protégés. Ainsi, le texte prévoit que ces salariés doivent bénéficier, sur l’ensemble de la durée de leur mandat, d’une évolution salariale au moins égale à celle des salariés de leur catégorie professionnelle, pour ceux dont l’ancienneté est comparable.
L’arrêt du 22 janvier 2025 s’inscrit à cet égard dans la logique des décisions antérieures, notamment celle du 20 décembre 2023 [1], qui avait déjà établi que la comparaison de l’évolution salariale devait être effectuée annuellement et que le panel de comparaison était constitué de salariés relevant du même coefficient dans la classification de l’entreprise, avec une ancienneté comparable.
La Cour de cassation confirme ainsi cette approche, tout en ajoutant que, lorsque aucun salarié de la même catégorie professionnelle n’existe, la comparaison s’effectue sur la base de l’ensemble des augmentations salariales dans l’entreprise. Plus précisément, la rémunération de ces salariés protégés doit suivre la moyenne des augmentations générales et des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise.
L’arrêt en question vient également préciser que l’inclusion dans le calcul de l’évolution salariale des augmentations résultant de promotions professionnelles, même lorsqu’elles entraînent un changement de catégorie, doit être prise en compte.
En conclusion, la Cour de cassation clarifie que la garantie d’évolution salariale n’est pas simplement une question d’alignement sur les augmentations salariales d’autres salariés ayant des fonctions identiques, mais qu’elle doit aussi inclure les changements professionnels au sein de l’entreprise, afin de garantir une équité salariale réelle et non formelle. Cette solution vise à garantir que les représentants du personnel ne subissent pas de discrimination salariale en raison de leur statut syndical, car l’application de cette garantie d’évolution salariale permet de maintenir une rémunération qui respecte les principes d’équité, même dans les cas particuliers où ces salariés se retrouvent sans comparaison directe dans leur propre catégorie professionnelle.
Elle constitue ainsi un outil important de protection contre les discriminations syndicales et professionnelles, en assurant une rémunération conforme aux standards de l’entreprise.
Sources :
- Cour de cassation chambre sociale, 22 janvier 2025, n° 23-20.466,
- Discrimination syndicale : des salariés peuvent obtenir la communication d’informations personnelles sur des salariés étant dans des situations comparables ;
- Discrimination salariale (banque) : un représentant du personnel d’une banque obtient 45 000 euros pour discrimination salariale et harcèlement discriminatoire (CA Paris 27/03/24) [2]