Organisation et déroulement des opérations électorales, quels documents peuvent être communiqués ? Par Amandine François, Juriste.

Organisation et déroulement des opérations électorales, quels documents peuvent être communiqués ?

Par Amandine François, Juriste.

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Explorer : # communicabilité des documents électoraux # listes électorales # réutilisation des documents électoraux # modalités de communication

Alors que les élections municipales approchent à grands pas, les questions (récurrentes) auxquelles les collectivités risquent d’être confrontées sont celles de la communicabilité de tous documents liés à cet événements…
Il convient de faire un état de ce qui est communicable ou pas en fonction du type de document puis d’aborder les modalités de communication et de traitement qui y sont attachées.

-

L’accès à ce type de document est soumis à un régime spécifique de communicabilité édicté par les articles L. 37, L. 68 et LO. 179 du code électoral.
La mise en place du « répertoire électoral unique », depuis le 1er janvier 2019, n’a cependant pas eu d’impact sur le régime de communicabilité des listes électorales.

I/ Sur la communicabilité des documents électoraux.

Les listes électorales seront transmissibles en fonction du type de document revendiqué.

- La liste électorale dans le cadre d’une élection à venir, est communicable dans son intégralité à toute personne, tout candidat et tout parti politique, à condition de justifier de la qualité « d’électeur ». De plus, aucune obligation n’exige d’être inscrite dans la commune concernée. Cette justification peut se faire par tout moyen, y compris par le biais d’une attestation sur l’honneur (pas de prescription législative de détention d’une carte d’électeur). A contrario, il n’est pas possible de communiquer ces listes à toute aux mineurs et toutes personnes privées de leurs droits civiques.

Aussi, le Code électoral conditionne la communication des listes électorales à l’engagement du demandeur de ne pas en faire un « usage commercial ».
Sur ce point, le Conseil d’Etat a estimé que « même lorsque l’électeur prend un tel engagement, le maire peut demander des précisions sur l’usage qu’il entend faire des listes électorales, s’il y a des raisons de craindre un usage commercial. L’absence de réponse de l’électeur à une telle demande n’a pas de conséquence automatique mais peut être prise en compte pour décider de lui communiquer la liste ou non » (CE 2/12/2016).

La CADA, quant à elle, entend par « usage commercial » la commercialisation des données elles-mêmes, mais également leur utilisation dans le cadre d’une activité à but lucratif. C’est notamment le cas, si elle estime que l’électeur agit pour le compte d’une personne morale, non mentionnée par l’article L. 37 du code électoral, poursuivant des fins commerciales (CADA Avis n°20132865 et 20190154).

- La liste électorale en cours de révision présente le caractère de document inachevé. De ce fait, elle ne devient transmissible que lorsque que la procédure de révision est terminée (CADA Avis n°20114487). Toutefois en cours de révision le tableau provisoire des additions et retranchements, (article R.10 du code électoral), est communicable (CADA Avis n°20121261).Pendant la durée de la révision, l’ancienne liste reste également transmissible (CADA Avis n°20010843).

- Les listes électorales dites « archivées » sont librement communicables, aux termes de l’article L.213-1 du code du patrimoine, à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de leur élaboration.

- Tous documents relatifs à la révision des listes électorales sont transmissibles « dans la limite des informations de ces documents qui sont indissociables des opérations d’établissement et de révision des listes électorales ». En d’autres termes, les informations non directement liées à l’élaboration de la liste, comme par exemple, une adresse de domicile antérieure à la révision, ne sont pas accessibles (CADA Avis n°20134812).

Les pièces présentées à l’appui d’une demande d’inscription sur la liste électorale ne sont pas communicables aux tiers (CADA Avis n°20101886).

L’acte de procuration n’est pas communicable en vertu de la protection du secret de la vie privée (CADA Avis n°20064039).

Le registre des procurations doit être tenu à la disposition de tout électeur requérant, y compris le jour du scrutin (Article R. 76-1 du code électoral).

Les listes d’émargement peuvent être communiquées à tout requérant « électeur » pendant un délai de dix jours à compter de l’élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin. Au-delà des dix jours susmentionnés, les listes d’émargement rejoignent le sort des documents couverts par le secret de la vie privée, et ne sont donc communicables qu’après cinquante ans (Article L. 68 du code électoral – CADA Avis n°20082653).

Les procès-verbaux (sauf cas d’élections législatives) des commissions chargées du recensement des votes sont communiqués à tout électeur qui le demande « jusqu’à l’expiration des délais prescrits pour l’exercice des recours contre l’élection ». A l’expiration des ces délais, les procès-verbaux deviennent des documents administratifs communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande, après occultation, le cas échéant, de mentions qui y seraient portées et qui seraient couvertes par le secret de la vie privée.

La liste des membres de la commission administrative de révision de la liste électorale et les décisions de nomination de ces membres sont des documents administratifs communicables à toute personne en faisant la demande, en application de l’article L. 311-1 du CRPA (CADA Avis n°20140001).

Les procès-verbaux relatifs aux travaux des commissions administratives de révision des listes, ou encore le registre des décisions prises par la commission de révision sont communicables, y compris les mentions intéressant la vie privée des électeurs (date et lieu de naissance, domicile), dans la limite des informations qui sont indissociables des opérations d’établissement et de révision des listes électorales. Ne sont pas considérée comme indissociables, les mentions qui seraient relatives, en cas d’inscription sur une nouvelle liste, à l’adresse antérieure à cette inscription et, en cas de radiation de la liste, à l’adresse dans la nouvelle commune où l’intéressé s’est fait inscrire. Le cas échéant, ces mentions doivent être occultées avant communication (CADA Avis n°20134812, 20181245).

Les documents de synthèse des résultats électoraux sont également transmissibles dans les mêmes conditions en application de l’article L. 311-1 du CRPA (CADA Avis n°20080590).

Les déclarations de candidature portant les mentions (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession) sont communicables à tout demandeur, ces mentions « n’excédant l’information légitime des citoyens sur la qualité des candidats » (CADA Avis n°20123881, 20144580).

Le tableau de déclaration de candidatures de liste sont communicables de plein droit après occultation des mentions dont la divulgation qui serait susceptible de porter atteinte au secret de la vie privée des candidats à savoir : adresses, numéros de téléphone, âge ou date et lieu de naissance, situation matrimoniale, patrimoniale ou familiale, profession des candidats de la liste ou de celui qui souscrit la déclaration (CADA Avis n°20063240).

Les bulletins nuls agrafés aux procès-verbaux des opérations de vote sont soumis au même régime que ci-dessus, à savoir communicabilité sous réserve d’occultation d’éventuelles mentions couverte par le secret de la vie privée.

La liste des assesseurs composant les bureaux de vote et celle des délégués désignés par les candidats en présence pour contrôler le déroulement des opérations électorales sont transmissibles, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée (adresse personnelle des assesseurs par exemple).

La liste des personnes ayant participé pour le compte de la commission de propagande électorale à la mise sous pli et à l’envoi des circulaires et bulletins de vote sont également librement communicables sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée.

Les comptes de campagnes et autres documents fournis par un candidat à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) sont des documents administratifs communicables à compter de la décision rendue par la CNCCFP sur ces comptes (CADA Avis n°20113922), sous réserve de l’occultation des informations couvertes par les secrets protégés tels que ceux de la vie privé et en matière industriel et commercial (CADA décision n°20120775).

Le découpage territorial des bureaux de vote sont des documents administratifs communicables (CADA Avis n°20064244).

II/ Des modalités de communication des documents électoraux.

Silence du code électoral sur ce point, leurs accès s’exercent dans les conditions de l’article L. 311-9 1° à 3° du CRPA, au choix du demandeur, à savoir :
- par consultation gratuite sur place ;
- par remise ou envoi de copies soit sur papier, soit sur support informatique, dans la limite des possibilités techniques, et aux frais du demandeur (CADA Avis n°20103206, 20112439, 20112942, 20132873).

Si un volume important de documents est demandés aux administrations, il est tout à fait possible d’inviter le demandeur à les consulter sur place et à n’emporter copie que des pièces souhaitées. Si d’aventure ce mode de communication ne satisfaisait pas, une communication échelonnée dans le temps pourrait être envisagée si les moyens de la collectivité le permettaient. Il reste également l’option du recours aux services d’un prestataire extérieur pourrait également être envisagé.

Attention, aucun de ces documents ne doit sortir des locaux de l’établissement communal et, rappelons que la Ville n’est pas non plus tenue de réaliser un document sur mesure au demandeur.

III/ Sur la réutilisation des documents électoraux.

Comme indiqué précédemment, la communicabilité, des listes électorales, est conditionnée par l’engagement du demandeur de ne pas en faire un « usage commercial », dans le cadre de la commercialisation des données elles-mêmes mais également de leur utilisation relative à une activité à but lucratif.

La CADA a ainsi exclu la communication des listes électorales à :
- un avocat, pour appuyer un recours (CADA Avis n°20100921) ;
- des assureurs pour la « recherche d’un bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie s’inscrivant dans le cadre de leur activité commerciale, en dépit de l’intérêt général qui s’attache à ce que de tels contrats ne demeurent pas en déshérence » (CADA Avis n°20160214) ;
- des généalogistes professionnels « dès lors que l’emploi des listes électorales, qui facilite la recherche des héritiers d’une succession dans le cadre des contrats de révélation conclus par les généalogistes professionnels, participe nécessairement à l’exercice de l’activité de ces derniers et qui présente un but exclusivement lucratif » (CADA Avis n°20091074) ;
- des huissiers de justice, sollicitant notamment des données extraites du rôle électoral, en dehors des missions de service public de la justice qui leur sont attribuées par le premier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (CADA Avis n°20183607).
- à un électeur pour le compte d’un laboratoire médical ou d’un fabricant de dispositifs médicaux concernant des données extraites du rôle électoral ayant pour finalité la commercialisation de médicaments et de dispositifs médicaux à des fins lucratives (CADA Avis n°20190154).

Ne sont, en revanche, pas considérées comme telles les activités non commerciales comme le démarchage politique (CADA Avis n°20071983) ou des actions présentant le caractère d’intérêt général (cada avis n°20064862).

IV/ Concernant le traitement des demandes de communication de documents électoraux.

A cet effet, et afin de faciliter la centralisation et l’instruction des demandes de communications ou de réutilisation, il serait intéressant de mettre à disposition du public, sur le site internet de la Ville par exemple, les coordonnées de la personne responsable de l’accès au document administratifs dite aussi la PRADA (adresse courriel existante), ou tout le moins celles des directions dont la RADA dépends. Les demandes peuvent néanmoins être adressées directement aux services, la PRADA devant être, à minima, informée de telles requêtes et recevoir ainsi copie de la réponse qui y sera donnée.

Voici une liste non exhaustive de toutes les questions relatives à la communicabilité de tous documents liés aux élections municipales.
Cependant, en cas de refus de la part de la collectivité, il reste toujours la possibilité de saisine de la CADA.

Amandine FRANCOIS
Juriste territorial

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 17 février 2021 à 07:41
    par Jean-pierre CAMBY , Le 11 février 2021 à 15:57

    madame ,

    je souhaiterai entrer en contact avec vous au sujet de la nature des documents communicables

    merci

    • par Amandine FRANCOIS , Le 17 février 2021 à 07:41

      Bonjour ,

      N’hésitez pas à me contacter par mail ou me poser toutes questions relatives a ce sujet.

      Au plaisir de vous lire,

  • Dernière réponse : 1er avril 2020 à 20:09
    par michel , Le 31 mars 2020 à 12:56

    Bonjour,

    Vous précisez dans ce billet intéressant :
    "La liste des assesseurs composant les bureaux de vote et celle des délégués désignés par les candidats en présence pour contrôler le déroulement des opérations électorales sont transmissibles, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions couvertes par le secret de la vie privée (adresse personnelle des assesseurs par exemple)."
    Ce que j’ai déjà pu lire effectivement, en ajoutant que seul un électeur requérant est légitime pour porter une demande de ce type.

    Maintenant je souhaiteris savoir si il y a obligation à motiver la demande pour qu’elle soit recevable et dans la positive quels sont les motifs "valables" pour que cette liste soit transmise ?

    Merci d’avance de votre retour.

    • par Amandine FRANCOIS , Le 1er avril 2020 à 20:09

      Merci pour votre retour sur ce billet et de la précision que vous avez bien voulu y apporter

      Concernant votre interrogation, la loi ne prévoit pas d’obligation de motiver une demande, de justifier d’un intérêt à agir ou d’une qualité particulière. Cependant, cette condition peut toutefois être exigée pour des documents dont l’accès est limité aux seules personnes intéressées.

      il convient cependant de garder à l’esprit que la communicabilité des documents administratifs s’appréciera toujours en fonction de leurs contenus et du contexte.

      Espérant avoir pu vous apporter les éclaircissements nécessaires,

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