Compte tenu du fait que la Chine a représenté des opportunités considérables pour les entreprises françaises, qu’il s’agisse de pénétrer le marché chinois et de profiter d’une nouvelle source de consommation ou bien de délocaliser afin de profiter ces dernières années du bas coût de la main d’œuvre et ainsi se renforcer sur ses marchés traditionnels, il convient de bien d’avoir une bonne connaissance des droits des entrepreneurs français face aux risques potentiels de faillite d’une entreprise chinoise, notamment dans un contexte de crise économique mondiale.
En effet, malgré la poursuite de la croissance économique en Chine, quelques dizaines de milliers d’entreprises chinoises ont été radiées depuis 2007.
En cas de défaillance des acheteurs ou des sous-traitants chinois, est-il possible de récupérer les biens corporels ? A défaut, comment déclarer sa créance dans les procédures collectives en Chine ?
Avec la Loi Chinoise sur la Faillite des Entreprises (ci-après la Nouvelle Loi) entrée en vigueur le 1er juin 2007, le régime des procédures collectives s’est beaucoup modernisé. Sur le plan national, la procédure de redressement judiciaire a été introduite dans le droit chinois ; L’administrateur judiciaire a été institué. Sur le plan international, l’effet universel des procédures collectives ouvertes en Chine est reconnu. Quant à la protection des droits du créancier, ceux-ci sont renforcés. Quels sont-ils ?
I Le Droit de Revendication
Le droit de revendication dans les procédures collectives est prévu aux articles 38, 39 et 76 de La Nouvelle Loi ainsi qu’aux articles 71, 72 du Règlement de la Cour Suprême statuant sur les affaires en matière de faillite des entreprises de 2002 (ci-après le Règlement).
Le principe du droit de revendication est fixé à l’article 38 de La Nouvelle Loi, aux termes desquels, l’action en revendication est possible dès l’ouverture de la procédure collective. La demande en revendication doit être adressée à l’administrateur judiciaire compétent. Cependant, les conditions de délais et de forme de l’exercice de l’action en revendication ne sont pas précisées. Il est recommandé en pratique au propriétaire revendiquant d’exercer son droit dès la publication du jugement ouvrant la procédure à l’encontre du débiteur et de démontrer, par tous moyens, qu’il est effectivement le propriétaire du bien revendiqué.
D’une manière générale, l’action en revendication est réservée au propriétaire d’une chose détenue par le débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire. En pratique, la position juridique en vertu de laquelle le débiteur détient le bien revendiqué est celle de cocontractant, dépositaire, acheteur sous réserve de propriété, sous traitant, emprunteur, créancier gagiste, locataire, etc.
En pratique, il est nécessaire de distinguer les différentes situations juridiques afin de savoir s’il est possible d’exercer le droit de revendication.
• S’il existe une clause de réserve de propriété dans le contrat de vente, le vendeur peut exercer la revendication en invoquant la clause de réserve de propriété et l’article 38 de la Nouvelle Loi.
• Dans le cas où les marchandises sont encore en cours d’expédition au moment de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur et le paiement n’est pas encore réglé intégralement, l’article 39 de la Nouvelle Loi autorise le vendeur à exercer une revendication afin de récupérer les marchandises en transit sauf si l’administrateur judiciaire exige la livraison des marchandises sous réserve d’en payer intégralement le prix.
• Si le client est propriétaire d’un bien localisé chez son fournisseur chinois, ( par exemple les moules), le client français peut revendiquer ces biens ( les moules) qu’elle a remis à son sous-traitant chinois avant l’ouverture de la procédure collective à l’encontre de ce dernier et en obtenir leur restitution. Il faut cependant noter que, dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, il est difficile d’exercer le droit de revendication, notamment pour les machines ou moules qui sont indispensables pour la continuation des activités du débiteur. En effet, la finalité du régime de redressement en Chine comme en France est de sauver l’entreprise en difficulté et non pas de satisfaire immédiatement les demandes des créanciers ou les propriétaires revendiquant. En outre, l’article 76 de la Nouvelle Loi prévoit que, dans le cas où les biens sont détenus légalement par le débiteur en redressement judiciaire, la réalisation de la revendication doit respecter les conditions contractuelles prévues préalablement. Par conséquent il faut prévoir en amont dès la conclusion du contrat l’issue de sortie au cas où le débiteur serait dans l’obligation de recourir à une procédure de redressement judiciaire.
• Dans le cas où les marchandises ont déjà été livrées au débiteur au moment de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de ce dernier et que le contrat de vente ne comporte pas de clause de réserve de propriété, le vendeur ne peut plus que déclarer sa créance auprès de l’administrateur judiciaire.
En conséquence, il est recommandé en pratique au vendeur français de toujours insérer une clause de réserve de propriété dans le contrat de vente afin de récupérer les marchandises impayées ou les biens détenus par le fournisseur au cas où son partenaire chinois bénéficierait d’une procédure collective.
Dans le cas où la chose revendiquée n’existe plus à la date d’ouverture de la procédure collective, le propriétaire peut déclarer sa créance sur le fondement du préjudice causé directement par la perte du bien. Dans le cas où la chose revendiquée est endommagée ou n’existe plus en nature après d’ouverture de la procédure collective et si ce dommage résulte d’un défaut d’entretien du bien par l’administrateur, le propriétaire revendiquant aura droit à l’indemnisation du dommage ou de cette perte.
Le droit chinois n’accorde pas au propriétaire revendiquant le droit de revendiquer contre le sous-acquéreur. Par conséquent, le propriétaire revendiquant a juste droit à une indemnisation par le débiteur d’un montant équivalent au prix de la chose revendiquée quand celle-ci a été vendue par le débiteur et même si la vente est intervenue avant le prononcé du jugement d’ouverture.
II La Déclaration des Créances
Dans le cas où l’objet de revendication n’existe plus en nature ou le droit de revendication ne peut pas aboutir, il reste possible de déclarer la créance auprès de l’administrateur judiciaire.
En effet, comme en droit français, toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des créances salariales, est soumise à déclaration . Ainsi, doivent être déclarés :
• Les créances tant chirographaires que privilégiées ;
• Les créances garanties par un cautionnement. Lorsque la caution a intégralement payé le créancier, le créancier n’a plus de créance à faire valoir, c’est à la caution de déclarer sa créance contre le débiteur. La caution peut aussi déclarer avant d’avoir payé afin de préserver son recours personnel contre le débiteur ;
• Les créances solidaires peuvent être déclarées soit collectivement, soit déclarées individuellement ;
• Les créances litigieuses ;
• Les créances conditionnelles ou assorties d’un terme ;
• Les créances résultant de la rupture d’un contrat en cours provoqué par l’administrateur judiciaire ou le débiteur selon la Nouvelle Loi.
Le délai de déclaration des créances est compris entre 30 jours et 3 mois selon le cas à compter de la publication du jugement d’ouverture au journal official du Tribunal. A défaut de déclaration dans les délais ci-dessus indiqué, les créanciers ne peuvent faire valoir leurs créances au regard de la procédure ni pendant l’exécution du plan de redressement. Cependant, il est possible pour le créancier qui n’a pas fait sa déclaration dans le délai de déclarer des créances avant les répartitions des actifs du débiteur. Si les actifs du débiteur ont été partiellement distribués, le créancier déclaré en retard est juste admis dans la répartition du reste des actifs.
Il est fortement recommandé aux entreprises françaises de bien surveiller la situation financière du partenaire chinois et consulter périodiquement le site officiel de la Cour Suprême http://www.chinacourt.org/fygg.shtml afin de savoir si une procédure collective est déjà ouverte à l’encontre du partenaire chinois.
S’agissant du contenu de la déclaration, il faut préciser la nature et le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture. Les documents justificatifs doivent être joints au bordereau de créances et ils peuvent être produits en copie. Pour les créances en monnaie étrangère, la conversion en RMB a lieu selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture. Il faut noter que selon l’article 46 de la Nouvelle Loi, les créances non encore échues au jour du jugement d’ouverture seront considérées comme échues. En outre le calcul des intérêts s’arrête au jour du jugement d’ouverture.
L’administrateur judiciaire est compétent pour vérifier les créances déclarées et en dresser la liste correspondante. Cette liste est consultable pour toute personne intéressée. Cette liste doit être examinée et vérifiée par l’assemblée des créanciers, s’il n’existe pas de contestation sur les créances déclarées, le tribunal confirmera cette liste. Il est possible de faire un recours pour contester la liste de créance devant le tribunal qui a ouvert la procédure collective.
CONSEIL :
Si vous travaillez avec une entreprise chinoise :
1) Consulter régulièrement http://www.chinacourt.org/fygg.shtml pour connaître la situation financière de votre partenaire ;
2) Insérer des clauses de réserve de propriété dans vos contrats de vente et sur tous vos actes commerciaux.