Durée des divorces divisée par deux. Est-ce possible ?

Par Yves Tolédano, Avocat.

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Explorer : # durée des procédures # divorce # médiation # réforme judiciaire

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti vient de dévoiler une soixantaine d’annonces à la clôture des Etats généraux de la Justice. Il promet notamment de diviser par 2 la durée des procédures de divorce. Actuellement 2 ans en moyenne pour divorcer en France, sans parler de l’appel, un parcours du combattant.
La solution proposée par le garde des Sceaux est-elle réaliste ?

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Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti vient de dévoiler une soixantaine d’annonces à la clôture des Etats généraux de la Justice. Il promet notamment de diviser par 2 la durée des procédures de divorce.

Nous détenons une France une justice particulièrement lente, en particulier en ce qui concerne les procédures civiles.

Les 250.000 français qui divorcent chaque année ont pu s’en rendre compte.

En moyenne, une procédure de divorce dure 21 mois. S’il vous vient l’envie de faire appel, ce sont 2 années de plus à ajouter.

Il n’est plus rare d’attendre entre 6 et 12 mois avant d’obtenir une date d’audience uniquement pour la fixation des mesures provisoires du divorce, laissant les conjoints dans un no man’s land juridique durant tout ce temps, et les risques d’abus, de conflits et d’injustices allant avec.

La justice étant très lente, beaucoup de conjoints cherchent à obtenir une audience en référé, c’est à dire en urgence, mais face à l’affût de ces demandes, il est devenu très compliqué de pouvoir l’obtenir et de justifier d’un motif suffisamment grave pour considérer votre demande comme urgente.

Eric Dupond-Moretti avait déjà il y a 6 mois promis une accélération des procédures grâce au recrutement de « 1000 juristes assistants et renforts de greffe ». Il annonce aussi 1 milliard et demi d’augmentation du budget justice cette année.

Mais ce 5 janvier, il enfonce le clou et cette fois annonce ce qu’il appelle un « changement de logiciel », une nouvelle vision de la résolution des litiges, sensée permettre de réduire de façon drastique la durée des procédures, notamment le divorce.

Sa solution : une « politique de l’amiable » visant à « favoriser une justice participative », élaborée par les justiciables eux-mêmes et leurs conseils.

Le nom de ce mécanisme nouveau est « la césure ».

Comment ça marche ? Le ministre explique : « Cela consiste à faire trancher par le juge le nœud du litige » afin de « traiter deux fois plus de contentieux en deux fois moins de temps », et la mise en place d’audiences de règlement amiable pour « permettre au juge d’aider les parties et leurs avocats à trouver un accord ».

Le magistrat devient donc un médiateur, mieux, un conciliateur.

De nombreux tribunaux imposent déjà aux conjoints de passer par un médiateur familial avant leur audience de divorce.

Mais le mécanisme de la césure est nouveau, car le juge est désormais amené à trancher la question de la responsabilité, souvent plus technique, et laisse aux conjoints ensuite la partie relative à l’accord sur les conséquences du divorce.

On peut comprendre qu’en matière prud’homale, ou pour des litiges travaux, voire de voisinage, il soit important de déterminer d’abord les responsabilités, les torts, et qu’ensuite il ne reste que la question du chiffrage du préjudice, de l’indemnité.

Mais en matière de divorce, le plus important n’est pas à qui sont les torts.

Depuis plusieurs années, la justice pousse les conjoints à déconflictualiser le divorce : en 2017 réforme du divorce amiable qui se fait désormais sans juge ; en 2021 réforme du divorce judiciaire qui a vu la requête en divorce et l’audience de conciliation disparaitre.

Ce qui fait débat entre les conjoints au moment de leur séparation, ce n’est pas la responsabilité et la faute, mais les conséquences concrètes du divorce : qui reste dans le domicile conjugal, qui a la garde des enfants, quelle pension alimentaire, prestation compensatoire, comment liquider les biens communs ?

Et toutes ces questions fondamentales ne peuvent pas être laissées au jugement des seuls conjoints, voire de leurs conseils, si un accord n’a pu être trouvé en amont.

Le juge doit les trancher. Seul 1% des séparations voit l’ensemble des questions réglées par la médiation familiale.

La césure prévue par le ministre n’est donc pas formatée pour le divorce.

Même si la tendance vers plus de conciliation ne peut qu’être approuvée et soutenue, il me parait illusoire d’envisager avec cette mesure la diminution drastique de la durée de la procédure de divorce.

Il va malheureusement falloir continuer d’innover et de chercher des solutions efficaces...

Yves Tolédano, Avocat au Barreau de Paris. Docteur en Droit. Fondateur de Radio Divorce

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