Frais d’huissiers et abus de la procédure de tarification au titre de l’« article 10 » du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996.

Par Gildas Neger, Docteur en droit.

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Explorer : # frais d'huissiers # abus de procédure # droit proportionnel # recouvrement de créances

Le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale instaure, en son article 10, un « droit proportionnel » ouvert à l’huissier de justice et à la charge du créancier.

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« Lorsque les huissiers de justice recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet conformément aux articles R. 141-1 du code des procédures civiles d’exécution et 18 du décret du 29 février 1956 portant application de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l’article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier. Ce droit, qui ne peut être inférieur à 10 taux de base ni supérieur à 1 000 taux de base et est exclusif de toute perception d’honoraires libres, est calculé sur les sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l’exclusion des dépens.Sauf en matière de contrefaçon ou en toute matière sur décision du juge ou il est à la charge du débiteur ».

L’assiette de calcul de cette disposition s’étend à la totalité de la condamnation exception faite des dépens (Principal + Dommages-Intérêts + Clause Pénale + Intérêts + Article 700).

L’encaissement par l’huissier de ce « droit », n’est toutefois pas seulement conditionné par l’encaissement des sommes dues. En effet, faut-il encore que le paiement du débiteur soit le résultat d’une diligence de l’huissier.

La Cour de cassation a, en 1970, posé le principe que la perception du droit proportionnel était subordonnée aux conditions cumulatives suivantes :

- Que l’huissier ait reçu mandat d’encaisser ou de recouvrer des sommes dues ;
- Qu’il ait effectivement accomplies des diligences pour exécuter ce mandat ;
- Que le paiement effectué soit la conséquence de ces diligences.

Ainsi, dans deux arrêts du 19 novembre 1970 (pourvoi n°69-10100 et 69-10860) confirmé par un arrêt du 8 décembre 1971 (Affaire BARRERA c/ZEKRI), la Cour de Cassation a jugé que :

« (…) l’huissier de justice, qui a reçu mandat d’encaisser ou de recouvrer des sommes dues et qui a effectué auprès du débiteur les diligences que comportait l’exécution de ce mandat, est fondé, dès lors que les sommes réclamées ont été versées par le débiteur à la suite desdites diligences, à prétendre à l’intégralité du droit proportionnel fixé à l’article 10 (…) ».

Dans deux autres arrêts du même jour (Cass. Civ. 2ème, 19 novembre 1970 et Cass. Civ. 2ème 19 novembre 1970) la Cour de cassation a censuré les décisions des juges du fond qui s’étaient abstenu de constater si le paiement était intervenu en conséquence des actions de recouvrement engagées par l’huissier :

« Attendu qu’en se déterminant par un tel motif sans rechercher si le paiement effectué avait été provoqué par l’intervention de l’huissier, le Tribunal n’a pas donné de base légale à sa décision »

Le paiement se doit donc d’être la conséquence d’une diligence de l’huissier. De surplus, celle-ci doit consister dans un acte d’exécution et non simplement dans la signification de la décision.

Par un nouvel arrêt VIOCHE c/ PELOUX du 17 février 1977, la Cour de Cassation a confirmé que « la simple signification d’un jugement ne permet pas à l’huissier de prétendre à l’application d’un droit proportionnel, dès lors que le règlement du débiteur était intervenu avant que ne soit pratiquée une saisie-arrêt ».

En 2001 la Cour de Cassation a jugé que « (…) la signification d’actes simplement destinés à rendre indisponible le bien saisi n’a pas pour objet le recouvrement de la créance et ne permet pas la perception d’un droit proportionnel » (Cass. Civ. 2ème, 18/10/2001).

Dans un cas plus récent, et qui démontre que les décisions de la Cour de cassation ne sont pas suivies par tous les huissiers, un officier ministériel estimait qu’un droit proportionnel lui était dû sur une somme à recouvrer de l’ordre de 45.000 euros. À ce titre, il avait cru bon de facturer un droit proportionnel à son client.

Ce dernier a contesté l’application des dispositions de l’article 10 au motif que le paiement du débiteur était intervenu avant la signification du commandement de payer. Celui-ci ne pouvait donc matériellement avoir provoqué le paiement.

Pour l’huissier, le « droit » lui était dû au motif unique qu’un mandat d’encaissement lui avait été confié.

Le Tribunal a fait droit à la contestation du client en relevant, par, que « la seule signification de la décision ne permet pas à l’huissier de prétendre à l’application d’un droit proportionnel et que le règlement intervenu ne peut être la conséquence du commandement de payer, puisqu’il lui est antérieur ». (T. Com. Grasse, 20 septembre 2010).

D’où, tout l’intérêt de vérifier les factures d’huissiers qui comportent systématiquement l’article 10 et alors même que les sommes réclamées ne sont pas toujours dues.

Cet article n’a pas pour ambition de traiter de « valeur équivalente » mais simplement de faire prendre conscience qu’il est possible d’économiser des frais indûment perçus par certains huissiers.

Gildas Neger
Docteur en Droit Public

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Discussions en cours :

  • Bonjour,
    Je voudrais savoir si la procédure et les frais qu’elle engendre sont remis à zéro, quand le créancier d’origine recalcule votre dette initiale suite à erreur ou autres.

    Merci

    • par Totozafy , Le 1er février 2018 à 18:44

      Bonsoir j’ai des crédits à payer chez un huissiers et tous les mois mes frais augmente pour un crédit de 2800€ à payer j’ai un frais de 600€ et pour une 1800€ le frais est de 283€ je ne comprends pas est ce que vous pourrez m’aidez merci

  • Dernière réponse : 9 mars 2017 à 14:07
    par FABRICE REYNAUD , Le 2 septembre 2015 à 14:20

    Bonjour,

    Je trouve étrange de donner des jurisprudences de 1970... lorsque le droit proportionnel art. 10 a été créé ... en 1996 !

    • par gomila , Le 2 septembre 2015 à 16:16

      Decret 67-18 du 5 janvier 1967 fixant la rémunération des huissiers, abrogé le 13 decembre 1996

    • par Gildas NEGER , Le 2 septembre 2015 à 16:45

      Non Monsieur, il n’y a pas d’erreur dans cet article.

      Et il ne relève pas non plus de l’étrangeté que vous évoquez.

      Explication :

      Il existe certes l’article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale mais, pour votre pleine et entière information, le "droit proportionnel" existe depuis... 1967 !

      En effet, le décret n°67-18 du 5 janvier 1967 fixant le tarif des
      huissiers de justice en matière civile et commerciale prévoyait, en son article 10, que "Lorsque le recouvrement ou l’encaissement est poursuivi en vertu d’une décision de justice, d’un acte ou titre en
      forme exécutoire, le droit proportionnel ci-dessus est à la charge du débiteur (…) ».

      Le texte a certes été abrogé mais le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale reprend simplement le "droit proportionnel" et les jurisprudences citées, fussent-elles de 1970, s’appliquent aux
      dispositions actuelles relatives à ce « droit ».

      CQFD

    • par FABRICE REYNAUD , Le 2 septembre 2015 à 17:46

      Certes mais ...

      Les droits proportionnels dont vous faites état, avant 1996, étaient exclusivement à la charge du débiteur.

      Ce qui change la donne, tout de même

    • par Emmanuel M , Le 2 septembre 2015 à 18:11

      Quel est l’intérêt de cet article qui cite d’éculées jurisprudences relatives à un article tarifaire qui n’a de commun avec l’actuel que son numéro ?
      Surveiller les factures de l’huissier ? Oh le bien précieux conseil que voilà ...
      Le méchant huissier qu’il faudrait en plus rémunérer pour son travail ?

      Allons ... soyez sérieux mon sieur le docteur ! Vous avez certainement mieux à faire.

    • par Matthieu Gama , Le 4 septembre 2015 à 06:12

      Cet article aussi bien écrit soit il, ignore la pratique du recouvrement de créances. En effet, il est courant que l’Huissier de justice prenne contact téléphoniquement, électroniquement, ou par correspondance postale avec le débiteur pour lui indiquer qu’un dossier le concernant est en cours à l’étude. Et assez souvent cette prise de contact entraîne un règlement. Il est indiscutable que l’article 10 s’applique dans cette hypothèse... Quand bien même, il n’y aurait pas d’acte d’exécution signifié au débiteur.
      Autre hypothèse, l’Huissier de Justice signifie un jugement, ouvre les voies de recours et explique la suite de la procédure au destinataire de l’acte. Ce dernier décide de régler pour mettre un terme à l’affaire.... La aussi l’article 10 doit indiscutablement s’appliquer car c’est bien l’action positive de l’Huissier qui a mené au règlement de la créance... Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’approche moderne du recouvrement de créances est très éloignée de celle de 1970. Nos méthodes ont changé et l’acte n’est plus l’unique vecteur de communication de l’Huissier de Justice moderne. Nous sommes également des prestataires d’un service particulier, celui du recouvrement. Et par voie de conséquence, peu importe quel moyen légal nous utilisons pour parvenir au recouvrement, l’honoraire de l’article 10 vient récompenser l’efficacité du travail effectué pour le client, et il doit être proportionnel à la satisfaction que ce dernier éprouve à l’idée de percevoir le disponible.

    • par Leca christophe , Le 4 septembre 2015 à 11:57

      En effet, tout y est dit au niveau de la justification de l intervention (moderne) de l huissier.
      D ailleurs le tarif va encore subir un lifting et nul doute que ce sujet reviendra en discussion !

      et je trouve cela aussi dommage. En effet au lieu de ne jamais payer personne et se plaindre du mauvais service rendu qui ne peut qu être mauvais par conséquent, ne serait il pas plus utile que nos "penseurs" mettent leur energie au service d une remise à plat et amélioration globale d un service judiciaire toujours plus mauvais car sans moyen humain no financier et bien mal imbriqué ; bref en banqueroute ! Nul doute que quelque chose de mieux naîtra et ce sera collé au restaurant...on trouvera toujours moins cher de manger chez soi mais quel plaisir de manger dans de bons restaurants ! (Et pour cela...ca ne peut être gratuit !) nul ne le pense ou l écrit d ailleurs ! Pour les revenus des huissiers c est pareil. Un huissier que l on ne paye pas fait le minimum et donc ne vous coûte rien !(mais ne vous rapporte rien !) .
      A vous lire docteur, sur des sujets plus intéressants que ce piètre sujet là.

    • par NEGER , Le 4 septembre 2015 à 14:35

      La Corse rejoint la Martinique pour dénoncer mon article ! Et de faire fi du droit de surplus !
      Ce sujet n est pas "piètre" monsieur LECA, il est juste et d actualité. J espère seulement qu il contribuera à lancer des procédures contre les abus que je souligne. Pour ma part, je suis déjà en procédure et... Je vais gagner.
      Cdt

    • par Fabrice Reynaud , Le 12 octobre 2015 à 09:32

      Ne vous vexez pas !

      vous avez commis des imprécisions, cela arrive.
      viis citez des jurisprudences sur des droits proportionnels dûs or le débiteur et en tirez des conclusions pour des droits dûs par le créancier,
      vous omettez la
      dimension moderne de l’huissier

      bref, au lieu de vous vexer, vous sortiriez grandi en faisant une mise à jour, ce qui aiderait les internautes

      bien à vous

    • par mahieux , Le 7 novembre 2015 à 14:46

      Bonjour,
      Je peux avoir une certaine réserve, sur des pratiques d’huissier qui, j’en suis certain, ne sont pas représentatif de cette Profession
      Il aura fallu attendre 10 semaines, après encaissement du chèque de la partie
      adverse , pour que l’huissier adresse à mon avocat son paiement et sa facture : dont la ligne DR 10 : 483.14 TTC , sans aucune explication et dont le montant ne correspond pas au 4 % qui aurait du etre prélévé.
      Cordialement

    • par sounes , Le 14 avril 2016 à 11:13

      bonjour,
      moi j’ai un exemple qui se rapporte a mon cas depuis 2011, j’ai eu un huissier de justice qui est venu chez nous car mon mari ne voulait pas faire le changement de banque et celui-ci avait contracté un crédit de 8000€ et un découvert de 1500€ quand l’huissier c’est présenté devant le portail le 30 septembre 2011 il m’a remis un acte de saisie-vente la facture s’élevait a 7911,63€ moins l’acompte versé qui se monte a 2100€ donc reste du 7037,93€ avec les frais que cela comporte. en septembre 2012 je téléphone pour savoir le solde on me répond 2068,85€ donc je calcule pour voir combien de mois il me restait a 300€ par mois et j’en conclu a 7 mois nous sommes en 2016 et je continu a verser a cette huissier 100 € par mois je pense que la il y a un gros soucis ou puis je m’adresser pour faire constater
      merci de me répondre car je suis anéantie

    • par marie , Le 27 avril 2016 à 09:59

      Bonjour 
      Voilà ma situation j ai plusieurs dossiers chez des huissier 
      Dont 3 ou je suis sûr qu’ ils ont un titres 
      Maintenant j ai eu un réduction si je leur donne la sommes de 22000€
      J en ai finie avec eux autrement je leurs devrait encore la sommes de 45000€
      Sur leurs décomptes debiteur il est écrit sur droit proportionnelle art 8
      et c est tout il n y a pas signification d injonctions et les autre rien du tout sauf les sommes dû 
      Ils me disent qu’ il possède des titres que je n ai reçu 
      J ai donc demandé au tribunal et cela fait un mois sans réponse 
      Et pour les autre huissiers 
      Sur un décompte il est écrit droit proportionnel art 8
      Mise en demeure 
      Frais dépôt injonction et la non plus pas reçu d acte
      Les dossier où il y a des actes il est précisé signification d injonction
      Vous pensez bien que si j avait cette sommes je leurs donnerais
      Mais je suis encore fichier jusqu’au le 13 mai 2016 
      Donc ma question est qu’ elles huissiers ont vaiment un titre 
      Merci d avance
      Très angoissé par cette situation qui dure depuis 2010
      Cordialement

    • par H. SEGURET , Le 20 juin 2016 à 15:20

      Certes les sommes en jeux ne sont pas très élevées mais je trouve les pratiques curieuses :
      J’ai fait appel en juin 2015 à un huissier pour régler un problème avec un locataire parti à la "cloche de bois", mais j’avais une adresse (fausse !!!).
      Dans la facture finale les sommes qui me sont réclamées pour le "commandement de payer", "l’assignation", "signification de référé" ... correspondent bien à celles indiquées à gauche dans les actes émis et conformes au décret 96-1080. par contre le "PV de reprise des lieux" indique une somme de 212,30 € alors qu’il m’est facturé 399, 76 € et de plus il m’est facturé pour 20 et 24 € de frais de dresse. Jusqu’à présent l’huissier a refusé de me communiquer les justificatifs de ces écarts et de ces sommes (art 27 et 28 du décret précité) ainsi que je le lui ai demandé 2 fois . Est ce normal ?

    • par H. SEGURET , Le 20 juin 2016 à 21:30

      J’ai confié à un huissier, comme indiqué dans une question précédente, le traitement d’un différent, à Toulon, avec un locataire dont la dernière adresse (fausse !) connue était à Nice.
      L’huissier de Toulon a donc délégué, en partie, à ses confrères de NICE le traitement de cette affaire .
      Lors de la présentation du commandement de payer, l’huissier de Nice à établi un PV de recherches infructueuses (art 659 du CPC), lors de la présentation de l’Assignation et ensuite de l’ordonnance et du commandement de quitter les lieux les huissiers ont établi chaque fois un PV de recherches (!!)
      L’huissier de Toulon me facture donc l’établissement de 3 PV de recherches et à des prix différents le 1° à 15,40€ et les 2 suivants à 30,80€ .
      Je ne suis pas persuadé que cela soit normal. Est ce justifié par la loi ?

    • Bonjour, ma fille a obtenu un réfère aux prud’hommes contre son ancien employeur qui ne la pas payé pendant un mois et ne lui a pas versé son solde de tout compte.
      Sur ce le jugement donnait raison a ma fille et exigeait le réglement par l’employeur des sommes. Le référé etait executoir et précisait que :

      les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l’employeur, et mandatait tout huissiers ou agent de la force public de faire respecté le jugement.

      le réglement n’arrivant pas, ma fille a contacté un huissier. (l’histoire traine depuis 1 an). l’employeur n’a jamais payé, il se retrouve maintenant en redressement judiciaire et il y a donc un cabinet pour les créances. Ce matin je reçois une lettre de l’huissier qui me signale la mise en redressement mais qui me réclame 280 euro de frais (toutes les démarches depuis le jugement des référés), je pensais que c’était l’employeur qui devait payer ces frais ? Qu’en pensez vous ? merci de votre aide.

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