Les délais de prescription pour le recouvrement de créances en France. Par André Petitjean, Juriste.

Les délais de prescription pour le recouvrement de créances en France.

Par André Petitjean, Juriste.

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Ce que vous allez lire ici :

Les délais de prescription pour les créances sont désormais largement uniformisés grâce à la réforme de 2008, fixant un délai commun de cinq ans. Des délais spécifiques s'appliquent selon le type de créance. Comprendre ces délais est crucial pour créanciers et débiteurs afin de préserver leurs droits.
Description rédigée par l'IA du Village

Le recouvrement de créances en France est strictement encadré par le droit, notamment par des règles de prescription. La prescription se définit comme une extinction ou une acquisition de droit par l’écoulement du temps, et dans le cas qui nous intéresse, elle implique la perte du droit pour le créancier de réclamer le paiement d’une dette après un certain délai. Cette notion, profondément ancrée dans les principes de sécurité juridique et de stabilité des relations juridiques, est régie par divers textes législatifs, principalement le Code civil.

Cet article se propose d’explorer les délais de prescription applicables au recouvrement de créances, en analysant les fondements légaux, les spécificités des délais en fonction des types de créances, ainsi que les moyens d’interrompre ou de suspendre la prescription.

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1. Cadre général des délais de prescription en matière de créances.

a. Le délai de prescription de droit commun [1].

Depuis la réforme opérée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription de droit commun pour les actions personnelles ou mobilières est fixé à cinq ans. L’article 2224 du Code civil dispose ainsi :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Ce délai est applicable à de nombreuses créances, notamment celles nées d’un contrat (par exemple, une reconnaissance de dette ou un contrat de prestation de services). La réforme de 2008 a simplifié le régime antérieur, où plusieurs délais coexistaient (10 ans pour certaines obligations contractuelles, 30 ans pour d’autres).

Le point de départ du délai, fixé à la "découverte des faits", vise à protéger le créancier en cas de méconnaissance initiale du fait générateur de la créance. Toutefois, il est essentiel de noter que cette date doit être appréciée in concreto : il revient au juge d’évaluer, au regard des circonstances, le moment où le créancier aurait raisonnablement pu agir.

b. Délais spécifiques selon la nature de la créance.

Outre le délai général, certaines créances sont soumises à des délais particuliers en raison de leur nature spécifique. Ces délais dérogatoires, fixés par des textes spéciaux, traduisent l’intention du législateur de garantir une certaine sécurité juridique dans des domaines où les relations entre créanciers et débiteurs peuvent être plus fréquentes et complexes.

  • Créances commerciales : selon l’article L110-4 du Code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans. Ce délai est cohérent avec celui de droit commun depuis la réforme de 2008.
  • Créances des professionnels de santé : les professionnels de santé disposent d’un délai de deux ans pour réclamer leurs honoraires [2].
  • Créances locatives : les actions en paiement des loyers dus au titre d’un bail d’habitation se prescrivent également par trois ans [3].
  • Créances alimentaires : l’article 2277 du Code civil prévoit que les actions relatives aux créances alimentaires se prescrivent par cinq ans à compter de leur échéance.

2. Suspension et interruption de la prescription.

a. Les causes de suspension.

La suspension de la prescription a pour effet de retarder son cours sans l’effacer. Les causes de suspension sont strictement encadrées par le droit, et elles trouvent notamment leur source dans les articles 2233 et suivants du Code civil. Ainsi, la prescription est suspendue :

  • En cas d’impossibilité pour le créancier d’agir, en raison d’un cas de force majeure ou d’un empêchement légal ou pratique. Pendant la minorité du débiteur [4], dans certaines circonstances spécifiques.
  • Il convient de noter que la suspension n’élimine pas le délai déjà écoulé : lorsque la cause de suspension disparaît, le délai recommence à courir.

b. Les causes d’interruption.

L’interruption, quant à elle, efface purement et simplement le délai déjà écoulé, et une nouvelle période de prescription commence à courir. Les causes d’interruption sont listées dans l’article 2240 et suivants du Code civil. Parmi elles, on retrouve :

  • Reconnaissance par le débiteur de la dette : la reconnaissance peut prendre des formes variées, comme un paiement partiel ou un courrier reconnaissant l’existence de la créance.
  • Acte juridictionnel ou extrajudiciaire : une mise en demeure ou l’introduction d’une action en justice constitue une cause d’interruption.

L’article 2241 précise que la demande en justice, même en référé, interrompt la prescription. Cette interruption dure jusqu’à ce que la décision juridictionnelle devienne définitive.

3. Les enjeux pratiques des délais de prescription.

a. La vigilance du créancier.

Le créancier doit impérativement être attentif aux délais de prescription applicables à sa créance. L’inaction pendant la durée prescrite entraîne une extinction de son droit d’agir, rendant impossible tout recouvrement judiciaire. Cette extinction ne signifie pas que la dette disparaît, mais qu’elle devient juridiquement inexécutoire.

b. Le rôle des juges.

Les juges, dans le cadre d’un litige relatif à la prescription, exercent un rôle fondamental. Ils doivent examiner les faits allégués par les parties pour déterminer la date de départ du délai, l’existence éventuelle d’une suspension ou interruption, et le respect des conditions légales. La prescription peut être soulevée d’office par le juge dans certains cas, notamment lorsqu’elle est d’ordre public.

c. Les moyens de prévenir les effets de la prescription.

Les parties peuvent anticiper et gérer la prescription de différentes manières. Par exemple, le créancier peut recourir à des actes interruptifs (envoi de mise en demeure, action judiciaire) ou, dans certains cas, conclure un accord avec le débiteur pour renoncer à invoquer la prescription déjà acquise. L’article 2254 du Code civil permet aux parties d’aménager la prescription, notamment en la raccourcissant ou en la prolongeant dans certaines limites.

4. Cas pratique : prescription et créances bancaires.

Les créances bancaires méritent une attention particulière en raison de leur régime spécifique. Les actions des établissements bancaires pour le recouvrement des sommes prêtées se prescrivent par cinq ans, conformément à l’article L110-4 du Code de commerce. Toutefois, certaines subtilités doivent être prises en compte :

  • Le délai commence à courir à compter de la première échéance impayée non régularisée, et non de la date de signature du contrat de prêt. En cas de déchéance du terme, c’est la date de la déchéance qui marque le point de départ.
  • Les emprunteurs doivent être particulièrement attentifs à leurs obligations, notamment en cas de contentieux ou de litige avec l’établissement prêteur.

5. Conclusion.

Les délais de prescription pour le recouvrement des créances, bien que simplifiés par la réforme de 2008, constituent une matière complexe en raison de la diversité des règles applicables selon la nature des créances. Ces délais traduisent l’équilibre recherché par le législateur entre la protection des droits des créanciers et la sécurité juridique des débiteurs.

Pour le créancier, l’inaction dans les délais impartis entraîne une perte irrémédiable de ses droits, sauf en cas d’interruption ou de suspension dûment constatée. Ainsi, une bonne compréhension des règles applicables, associée à une gestion proactive des recouvrements, est essentielle pour préserver ses droits. Quant au débiteur, la prescription constitue une garantie fondamentale contre les revendications intempestives ou abusives. En pratique, le respect rigoureux des délais de prescription contribue à assurer la stabilité des relations économiques et sociales.

Dans ce cadre, il est primordial de rester informé des évolutions législatives et jurisprudentielles pour sécuriser les droits des parties en matière de créances.

André Petitjean
Juriste chez le cabinet Recovereo
https://www.recovereo.com

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Notes de l'article:

[1Article 2224 du Code civil.

[2Article L218-2 du Code de la consommation.

[3Article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

[4Article 2235 du Code civil.

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