L’impact de l’état d’urgence sanitaire sur le droit de l’urbanisme, à jour de l’ordonnance du 16 avril 2020.

Par Sarah Huot, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # covid-19 # délais administratifs # ordonnances gouvernementales

Tout ce qu’il faut savoir sur la validité des permis, les délais d’instruction et de recours, etc.

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L’article 11 de la loi du la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID 19 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances, jusqu’au 24 juin 2020, toute mesure, relevant du domaine de la loi afin de neutraliser les délais durant cette période.

Le droit de l’urbanisme se trouve ainsi impacté par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020.

Cette ordonnance du 15 avril 2020 :
- supprime le délai « tampon » d’un mois après la fin d’état d’urgence pour les délais d’instructions, de récolement et de recours,
- contient des dispositions spécifiques aux autorisations d’urbanismes et certificat d’urbanisme.
- contient des dispositions spécifiques en matière de préemption,
- aménage les astreintes,
- permet aux administrations d’imposer la réalisation de travaux pour se conformer aux règles d’urbanisme pendant le confinement.

1. Le délai d’instruction des autorisations d’urbanisme, certificats d’urbanisme, déclarations préalables et procédures de récolement (article 12 ter de l’ordonnance 2020-306).

Deux situations doivent être distinguées :

- Les délais d’instruction qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Donc, le délai ne recommencera à courir qu’à compter du 25 mai 2020 pour la durée non expirée au 12 mars. En effet, la suspension du délai en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.

Exemple : Une demande permis de construire une maison individuelle (délai d’instruction de 2 mois) est déposée le 12 février. Le délai est suspendu le 12 mars et recommencera à courir pour un mois à compter du 25 mai. Le délai d’instruction expirera donc le 25 juin 2020.

Il faudra être vigilant aux délais qui devaient expirer quelques jours après le 12 mars car dans ce cas, le délai expirera quelques jours après le 25 mai.

- Le point de départ des délais qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 est reporté à l’achèvement de l’état d’urgence sanitaire.

Ainsi, lorsqu’une demande est déposée entre le 12 mars et le 24 mai, le délai d’instruction commence à courir à compter du 25 mai 2020.

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée à l’alinéa précédent.

2. Les délais en matière de préemption (article 12 quater de l’ordonnance 2020-306).

Cet article 12 quater concerne « les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement ».

La solution est la même que précédemment :
- Les délais qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus.

Ils reprennent leur cours à compter du 25 mai 2020 pour la durée restant à courir le 12 mars 2020.

- Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté au 25 mai 2020.

3. Le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme (article 3 de l’ordonnance).

Une autorisation d’urbanisme qui viendrait à échéance entre le 12 mars et le 24 juin 2020 (état d’urgence + 1 mois), sera valide jusqu’au 24 août 2020.

4. Le délai de recours contre une autorisation d’urbanisme ou un refus d’autorisation (permis de construire, déclaration préalable, permis d’aménager, ou de démolir) (article 12 bis de l’ordonnance).

Deux situations doivent être distinguées :

- Les délais de recours qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, sans que cette durée ne puisse être inférieure à 7 jours.

Donc, le délai ne recommence à courir à compter du 25 mai 2020 pour la durée non expirée au 12 mars, avec un minimum de 7 jours.

- Le point de départ des délais de recours qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 est reporté à l’achèvement de l’état d’urgence sanitaire.

Ainsi, le délai de recours commencera à courir à compter du 25 mai 2020.

5.Le délai impartis à un pétitionnaire pour se conformer aux règles de droit de l’urbanisme (article 8 de l’ordonnance).

Lorsque l’administration a mis en demeure un pétitionnaire de réaliser des travaux pour se conformer à une autorisation d’urbanisme, ou de démolir des travaux faits sans autorisation, le délai dont dispose le pétitionnaire est suspendu jusqu’au 24 juin 2020 (à condition qu’il n’ait pas expiré au 12 mars 2020).

Il recommence donc à courir le 25 juin 2020 pour la durée non encore échue au 12 mars 2020.

Si ce délai devait commencer à courir entre le 12 mars et le 25 juin, il est suspendu et ne commencera à courir que le 25 juin 2020.

Mais, l’ordonnance du 15 avril 2020 offre une possibilité de maintenir ces obligations pendant la période de confinement. En effet, le texte ajoute que :

L’autorité administrative, peut :
- « modifier ces obligations ou y mettre fin,
- ou, lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifient, prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, dans le délai qu’elle détermine. Dans tous les cas, l’autorité administrative tient compte, dans la détermination des obligations ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire. »

6. Les astreintes en matière de droit de l’urbanisme (article 4 de l’ordonnance).

En vertu de l’article L 481-1 du code de l’urbanisme, lorsque des travaux ont été faits sans autorisation d’urbanisme ou en contravention avec l’autorisation obtenue, le Maire peut mettre le pétitionnaire en demeure de régulariser sa situation ou de démolir les constructions sous astreinte, à l’expiration d’un délai qu’il fixe.

3 situations doivent être distinguées :

- Lorsque le cours des astreintes a pris effet avant le 12 mars 2020, les astreintes sont suspendues jusqu’au 24 juin 2020.

- Lorsque le délai imparti au pétitionnaire expire entre le 12 mars et le 24 juin 2020, ces astreintes ne prennent cours qu’à compter du 25 juin 2020.

- Lorsque le délai imparti au pétitionnaire expire après le 24 juin 2020 : le débiteur bénéficie d’un délai supplémentaire égal au temps écoulé entre la date à laquelle l’obligation est née et le 24 juin 2020.

Maître Sarah HUOT
Spécialiste en Droit Immobilier
Qualification spécifique en Droit de la Construction
Avocat au Barreau des Pyrénées Orientales
14 bvd Wilson BP 80531
66000 PERPIGNAN
http://www.huot-avocat-perpignan.fr
www.eurolex.fr

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Discussions en cours :

  • par Anne-Laure , Le 4 mai 2020 à 16:40

    L’état d’urgence sanitaire vient d’être prolongé jusqu’au 23 juillet. L’ordonnance est-elle donc elle-même prolongée ? Nous sommes dans un des cas cités et la vente de notre appartement est donc pour l’instant bloquée. Y a t’il des recours possibles ?
    Merci par avance.

  • par CLEMENT BRIGITTE , Le 20 avril 2020 à 08:55

    merci, très clair
    Brigitte CLEMENT - service instructeur - Ville de Pont de Chéruy en Isère

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