L'impossible régularisation du défaut de la mise en demeure d'établir le décompte général, par Jean Coronat, Avocat

L’impossible régularisation du défaut de la mise en demeure d’établir le décompte général, par Jean Coronat, Avocat

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Contester un décompte général pour une entreprise n’est jamais chose aisée eu égard à la procédure complexe découlant tant du cahier des charges administratives générales (C.C.A.G.) travaux que des solutions dégagées en jurisprudence.

En l’espèce, la société DEMATHIEU ET BARD a participé à la construction d’un complexe nautique-patinoire à SAINT YRIEX.

Le 1er juillet 2003, cette entreprise a établi un projet de décompte final qu’elle a transmis à la société JAPAC, mandataire du groupement de maîtrise d’oeuvre de l’opération ; ce projet de décompte final reprenait également l’intégralité du mémoire en réclamation daté du 31 juillet 2002 qu’elle avait établi en vue d’obtenir l’indemnisation de surcoûts liés au retard de chantier.

Le maître de l’ouvrage n’a cependant pas établi le décompte général.

La société DEMATHIEU ET BARD a alors saisi le Tribunal administratif de POITIERS le 5 octobre 2003 ne mettant en demeure que, le 6 avril 2004, la communauté d’agglomération du grand ANGOULÊME (C.O.M.A.G.A.) de lui adresser le décompte général.

Par un jugement n° 0301759 du 23 novembre 2006, la juridiction pictavienne a d’une part, par son article un, rejeté sa demande tendant à la condamnation de la C.O.M.A.G.A. à lui verser les sommes de 3.117.483 euros au titre du solde du marché portant sur la construction de ce complexe et de 2.477.682,82 euros en réparation des préjudices résultant des retards de chantier et l’a, d’autre part, par son article deux, condamnée à verser à la C.O.M.A.G.A. la somme de 145.890 euros au titre des pénalités de retard.

Cette affaire s’est présentée dans ces termes devant la Cour administrative d’appel de BORDEAUX saisie par la société DEMATHIEU ET BARD.

La procédure d’établissement du décompte général et définitif est régie par les articles 13.3 et 13.4 du C.C.A.G. Travaux dont chaque étape est enserrée dans des délais variables selon la durée du marché qu’il convient de respecter scrupuleusement.

Tout d’abord, le titulaire du marché public dresse un projet de décompte final qu’il adresse au maître d’œuvre à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux.

Ensuite, après analyse de ce projet par le maître d’œuvre, le maître d’ouvrage doit signer et notifier par ordre de service le décompte général qu’il a arrêté à l’entrepreneur.

Celui-ci peut alors, soit, l’accepter, soit, le refuser ou émettre des réserves sur ce décompte ; les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être dès lors exposés par l’entrepreneur dans un mémoire en réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif, ce mémoire devant être remis au maître d’œuvre.

D’un point de vue contentieux, il est à noter que ce n’est qu’à l’issue d’un délai de trois mois à partir de la réception de ce mémoire en réclamation que le titulaire d’un marché public pourra saisir le juge administratif si un désaccord persiste entre les parties.

Le décompte ne devient ainsi définitif qu’une fois ces différentes étapes et leurs délais respectés.

Il arrive cependant que l’absence de notification du décompte général par le maître d’ouvrage paralyse le déroulement de la procédure.

Afin de palier le défaut de diligences de la personne publique, le titulaire du marché doit le mettre en demeure de procéder à l’établissement du décompte général. Le non respect de cette formalité rend irrecevable l’action de l’entrepreneur visant à réclamer le solde de son marché devant le juge du contrat (CE, 20 déc 1989, n°77564, GABRION : Juris Data n°1989-648503 ; Rec CE 1989, p.784 ; CE, 26 mars 2004, sté MARC : Contrats- Marchés publ. 2004, comm 121, obs. F. LLORENS ; CAA PARIS, 6 juin 2006, n°02PA02997, sté Impresa PIZZAROTTI : Contrats- Marchés publ. 2006, comm 228, obs. F. LLORENS).

Par cet arrêt (CAA de BORDEAUX, « société DEMATHIEU ET BARD », 2 octobre 2008, n°07BX00009), la juridiction bordelaise précise que le défaut de mise en demeure d’établir le décompte général adressé au maître d’ouvrage préalablement à la saisine du tribunal administratif ne peut être régularisé en cours de procédure.

Cette solution confirme la rigueur de la Cour administrative d’appel de BORDEAUX en la matière.

Cette dernière a en effet récemment jugé que la production en appel de la mise en demeure de procéder à l’établissement du décompte général ne peut avoir pour effet de régulariser l’irrecevabilité de la demande initiale (CAA BORDEAUX, 29 mai 2008, n°05BX00398, sté des établissements CABROL frères).

Jean CORONAT

Avocat au Barreau de TOULOUSE

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