Il existe deux catégories d’inaptitude : l’inaptitude d’origine professionnelle qui résulte de la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et l’inaptitude d’origine non professionnelle non liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, tout en pouvant néanmoins trouver sa cause dans la dégradation de la relation de travail.
Période d’arrêt maladie précédant l’inaptitude.
L’avis d’inaptitude du médecin du travail est généralement rendu après une période plus ou moins longue d’arrêt maladie, notamment dans un contexte de dégradation continue des conditions de travail.
Pendant la période d’arrêt maladie, il est possible de rencontrer le médecin du travail dans le cadre d’une visite de pré-reprise, afin de faire un état des lieux de la situation du salarié, de sa capacité ou non à reprendre son emploi, et d’envisager un éventuel placement en inaptitude.
Visite médicale de reprise auprès du médecin du travail.
Lors de la visite de reprise, le médecin du travail se prononce sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié.
Pour être reçu par le médecin du travail en visite de reprise, il est nécessaire de mettre un terme à son arrêt maladie, d’informer l’employeur de la fin de cet arrêt, de lui indiquer être à sa disposition pour reprendre le travail et de lui demander d’organiser une visite médicale de reprise auprès du médecin du travail.
Une visite de reprise doit être organisée dans les situations suivantes (art. R4624-31 du Code du travail) :
- après un congé maternité ;
- après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ;
- après une absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel.
Cette visite médicale doit en principe avoir lieu dans les 8 jours suivant la reprise du travail Dans la pratique, il arrive fréquemment que ce délai ne soit pas respecté. Si l’employeur tarde trop à organiser la visite de reprise, le salarié peut lui-même solliciter l’organisation de celle-ci en contactant directement la médecine du travail. Le salarié devra alors informer l’employeur de la date de la visite de reprise.
L’absence d’organisation par l’employeur d’une visite de reprise peut ouvrir droit à des dommages et intérêts pour le salarié, et peut même, selon la situation, justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, en raison de la violation de l’obligation de prévention des risques sur la santé du salarié [1].
Période entre le terme de l’arrêt maladie et la date de la visite médicale de reprise : suspension du contrat de travail.
Entre le terme de l’arrêt maladie et la date de la visite de reprise, le contrat de travail reste suspendu. C’est la visite de reprise qui met fin à la suspension du contrat de travail. Ainsi, l’employeur ne peut licencier pour abandon de poste le salarié qui n’a pas repris le travail pendant cette période [2].
En l’absence de visite de reprise, seuls des manquements à l’obligation de loyauté peuvent être reprochés au salarié [3].
De manière plus générale, en cas de reprise du travail par le salarié après le terme de l’arrêt maladie mais avant la tenue de la visite de reprise, le licenciement pour motif disciplinaire durant cette période encourt la nullité [4].
Cependant, et de toute évidence, l’interdiction de licencier pour abandon de poste ne s’applique pas dans le cas où l’employeur n’a pas l’obligation d’organiser cette visite de reprise (par exemple, après un arrêt maladie de moins de 60 jours).
Pour ne pas être fautif, le salarié doit, de son côté, se tenir à la disposition de l’employeur pour l’organisation de la visite de reprise. Lorsque le salarié, au terme de son arrêt maladie, ne répond pas à l’employeur le mettant en demeure de justifier de son absence, l’employeur n’est alors pas tenu d’organiser la visite de reprise [5].
S’agissant du salaire, le contrat restant suspendu jusqu’à la visite de reprise, l’employeur n’est pas tenu de reprendre son paiement lorsqu’il n’a pas organisé de visite de reprise et que cette dernière n’a pas été sollicitée par le salarié [6].
A contrario, le salaire doit être versé après la fin de l’arrêt maladie, dès lors que le salarié indique se tenir à la disposition de l’employeur pour reprendre le travail et sollicite l’organisation d’une visite de reprise, sauf si l’employeur démontre qu’une situation contraignante l’empêche de fournir du travail, par exemple dans l’hypothèse d’une fermeture de l’entreprise [7].
Avis du médecin du travail lors de la visite de reprise.
Au terme de la visite de reprise, le médecin du travail peut rendre différents types d’avis :
- Avis d’aptitude sans réserve : le salarié est apte à reprendre immédiatement son poste de travail ;
- Avis d’aptitude avec réserves : le salarié est apte à reprendre son poste, sous réserve de la mise en œuvre de certains aménagements du poste (exemples : mutation, télétravail, temps partiel thérapeutique, interdiction du port de charges lourdes…) ;
- Avis d’inaptitude : le salarié est inapte à son poste mais peut être reclassé sur un autre poste compatible avec son état de santé, en tenant compte des préconisations du médecin du travail ;
- Avis d’inaptitude avec dispense d’obligation de reclassement : le salarié est inapte à tout poste dans l’entreprise et l’employeur est dispensé de rechercher des postes de reclassement. Dans ce cas, le médecin du travail mentionne expressément sur l’avis d’inaptitude que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ou que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Cependant, lorsque l’avis mentionne que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise, et que la société fait partie d’un groupe, l’employeur n’est alors pas dispensé de son obligation de reclassement [8].
Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a préalablement accompli les démarches suivantes [9] :
- Réaliser au moins un examen médical de l’intéressé permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
- Réaliser ou faire réaliser une étude de ce poste ;
- Réaliser ou faire réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiquer la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
- Procéder à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.
Lorsque l’inaptitude du salarié ne résulte pas des conditions de travail mais d’une dégradation des relations entre le salarié et l’employeur pendant l’arrêt de travail, le médecin du travail peut rendre un avis d’inaptitude totale à tout emploi dans l’entreprise, sans avoir à réaliser les études de poste et des conditions de travail susvisées, ces actions étant alors sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l’arrêt de travail [10].
L’employeur et le salarié peuvent, chacun, contester l’avis d’aptitude ou d’inaptitude, devant le Conseil de prud’hommes compétent, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis par le médecin du travail aux parties [11].
La contestation doit porter sur l’avis du médecin du travail (et non sur la procédure d’inaptitude dans son ensemble). Le conseil des prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d’instruction. En revanche, il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail [12].
En l’absence d’un tel recours dans le délai imparti, l’avis du médecin du travail s’impose aux parties et au juge. La régularité de l’avis, des éléments médicaux et de l’étude de poste sur lesquels cet avis se fonde ne peut plus être remise en question, notamment dans le cadre de l’éventuelle contestation ultérieure du licenciement [13].
Reprise du versement du salaire 1 mois après l’avis d’inaptitude.
Si le salarié n’a pas été reclassé ou licencié, l’employeur a l’obligation de reprendre le paiement du salaire au terme d’un délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude [14].
Il s’agit d’une somme fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, intégrant l’ensemble des éléments de rémunération, notamment le 13ème mois [15].
L’employeur ne peut déduire du salaire le montant des indemnités journalières de sécurité sociale, si le salarié est à nouveau en arrêt maladie durant cette période [16].
L’employeur ne peut s’exonérer de l’obligation de reprise du paiement du salaire en imposant au salarié la prise de ses congés payés [17].
L’avis d’inaptitude ayant pour effet de mettre un terme à la suspension du contrat de travail, la délivrance d’un nouvel arrêt de travail postérieurement à cet avis ne dispense pas l’employeur de son obligation de reprendre le paiement du salaire [18].
Ce principe de reprise du salaire est applicable, même en cas d’obtention d’un nouvel emploi avant le licenciement pour inaptitude, ou en cas d’indisponibilité du salarié non reclassé [19].
L’annulation de l’avis d’inaptitude du salarié ne lui fait pas perdre les salaires déjà perçus [20].
La rémunération du salarié inapte est due jusqu’à la présentation de la lettre de licenciement [21].
Obligation de rechercher des postes de reclassement.
En cas d’avis d’inaptitude, et sauf dispense expresse, l’employeur doit rechercher des postes de reclassement, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise [22].
Proposer au moins un poste compatible : l’employeur est présumé avoir rempli son obligation de reclassement s’il propose, loyalement, au salarié inapte, en tenant compte des préconisations du médecin du travail, au moins un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail [23].
Périmètre de l’obligation de reclassement : un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, sur le territoire national, et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (art. L1226-2 et L1226-10 du Code du travail). L’employeur n’a pas l’obligation de créer un nouveau poste pour reclasser le salarié inapte [24].
La recherche par l’employeur des postes de reclassement doit être complète, précise et personnalisée [25].
De même, les recherches de postes de reclassement ne doivent pas être précipitées. Cette précipitation est souvent caractérisée par la brièveté du délai entre la date de l’avis d’inaptitude et celle de l’engagement de la procédure de licenciement ou lorsque cette dernière est engagée avant même la réception des réponses des interlocuteurs sollicités sur l’existence de postes de reclassement [26].
Lorsque le médecin du travail, sollicité par l’employeur, se prononce sur l’incompatibilité d’un poste de reclassement, l’employeur n’a pas à proposer ce poste au salarié [27].
Pour permettre au salarié d’être opérationnel sur un poste de reclassement, l’employeur doit s’interroger sur les formations possibles pour adapter le salarié à l’emploi, en tenant compte des préconisations du médecin du travail. L’employeur n’a toutefois pas l’obligation de proposer au salarié une formation initiale ou une formation qualifiante.
Lorsque le salarié déclaré apte avec réserves conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l’employeur de solliciter à nouveau l’avis de ce dernier [28].
Le classement d’un salarié en invalidité 2ème catégorie par la sécurité sociale, qui obéit à une finalité distincte et relève d’un régime juridique différent, est sans incidence sur l’obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l’employeur en application du Code du travail [29].
L’action du salarié en résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral ne dispense pas l’employeur, qui licencie ultérieurement ce salarié pour inaptitude, de son obligation de reclassement [30].
Reclassement en télétravail : l’employeur ne respecte pas son obligation de reclassement lorsqu’il n’aménage pas le poste du salarié, sous la forme du télétravail, suivant les préconisations du médecin du travail, et alors que les missions étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail [31]. L’employeur ne peut ainsi se borner à affirmer que le télétravail au sein de l’entreprise est impossible. L’employeur doit démontrer avoir sérieusement tenté de mettre en place le télétravail ou s’être trouvé dans l’impossibilité technique de le faire [32].
Période de l’obligation de reclassement : les recherches de postes de reclassement ont comme point de départ la date de l’avis d’inaptitude et peuvent être poursuivies jusqu’au jour du licenciement [33].
La recherche de reclassement du salarié inapte s’impose à l’employeur au-delà du délai d’un mois prévu pour la reprise du salaire [34].
Refus des postes de reclassement : le salarié a le droit, sauf abus, de refuser les éventuels postes de reclassement proposés par l’employeur. Son refus des postes de reclassement n’est pas abusif dès lors que la proposition de reclassement entraîne une modification de ses conditions de travail ou de son contrat de travail [35]. Le refus du salarié conduira à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Absence de poste de reclassement : dans cette hypothèse, l’employeur doit faire connaître par écrit au salarié les motifs qui s’opposent à son reclassement [36].
En cas d’absence d’information sur ces motifs, le salarié peut demander l’allocation de dommages et intérêts qui ne peuvent toutefois se cumuler avec l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse [37].
L’employeur n’est toutefois pas tenu d’indiquer les motifs qui s’opposent au reclassement lorsqu’il a proposé un poste de reclassement refusé par le salarié. Dans ce cas, la demande de dommages et intérêts pour défaut d’information sur les motifs de l’impossibilité de reclassement ne peut aboutir [38].
Preuve de l’absence de reclassement : La charge de la preuve de l’impossibilité de reclassement incombe à l’employeur [39]. A cette fin, et en cas de contentieux, l’employeur peut notamment communiquer le registre des entrées et sorties du personnel [40].
Consultation des instances représentatives du personnel : le CSE, s’il existe, doit être consulté sur les propositions de postes de reclassement, avant leur transmission au salarié [41]. Le CSE doit également être consulté dans l’hypothèse où aucun poste de reclassement n’est proposé par l’employeur au salarié [42].
Le non-respect de cette obligation de consultation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse [43].
En revanche, en cas de dispense d’obligation de reclassement expressément mentionnée dans l’avis d’inaptitude, l’employeur n’a pas l’obligation de consulter le CSE [44].
Impossibilité de reclassement et licenciement pour inaptitude.
Pas de licenciement pour un autre motif que l’inaptitude : les dispositions du Code du travail concernant l’obligation de reclassement sont d’ordre public. Elles font ainsi obstacle à un licenciement pour un autre motif que l’inaptitude, dès lors que le salarié a été déclaré inapte, et ceci même en cas d’engagement d’une procédure de licenciement (par exemple pour un motif disciplinaire) avant l’avis d’inaptitude [45]. Toutefois, en cas de cessation définitive d’activité d’une entreprise n’appartenant pas à un groupe, l’employeur peut procéder au licenciement économique du salarié déclaré inapte [46].
En revanche, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste [47].
Licenciement en cas d’impossibilité de reclassement : en cas d’absence de postes de reclassement ou de refus par le salarié des postes de reclassement proposés, l’employeur notifiera au salarié son licenciement pour inaptitude.
Le maintien délibéré par l’employeur d’un salarié déclaré inapte sur son poste en situation d’inactivité forcée, sans procéder à son licenciement pour inaptitude, justifie la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur [48].
Indemnités de rupture : le tableau suivant présente les différentes indemnités perçues par le salarié, selon le type d’inaptitude :
Licenciement pour inaptitude professionnelle | Licenciement pour inaptitude non professionnelle | |
---|---|---|
Congés payés acquis | oui | oui |
Indemnité de préavis | oui | non |
Indemnité de licenciement | oui : double de l’indemnité légale de licenciement (dite indemnité spéciale de licenciement) | oui : indemnité légale ou conventionnelle de licenciement |
Allocations chômage | oui | oui |
En cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, lorsque le refus par le salarié des propositions de reclassement est abusif, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité spéciale de licenciement ne sont pas dues [49].
En cas d’inaptitude d’origine non professionnelle, la durée du préavis doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement [50].
Le salarié, dont l’inaptitude est consécutive à un accident du travail et dont le contrat de travail fait l’objet d’une résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, a droit à l’indemnité spéciale de licenciement [51].
Licenciement pour inaptitude nul ou injustifié : le licenciement pour inaptitude, qui résulte des agissements de harcèlement moral, doit être jugé nul [52].
Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, notamment un manquement à son obligation de sécurité [53].
Dès lors qu’un licenciement pour inaptitude est jugé sans cause réelle et sérieuse, le préavis est dû au salarié [54].
Le non-respect par l’employeur de son obligation de reclassement rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul lorsque le manquement de l’employeur constitue une discrimination [55].
La lettre de licenciement doit mentionner comme motifs « l’inaptitude du salarié et l’impossibilité de reclassement ». Si l’impossibilité de reclassement n’est pas mentionnée, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse [56].
Discussion en cours :
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