Installations photovoltaiques et assurances de la théorie à la réalité.

Par Gildas Neger, Docteur en droit.

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Explorer : # installations photovoltaïques # assurance décennale # responsabilité civile

Les désordres affectant les travaux neufs sur existant et mettant en œuvre une installation photovoltaïque (en vue de la vente de l’électricité), relèvent-ils du régime de 1792 et suivants du Code civil, et, plus précisément des dispositions de l’article L 241 et suivants du Code des assurances ?

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Brossons brièvement les différents cas qui peuvent se rencontrer avant que d’aborder la « réalité du terrain », savoir celle des assureurs.

Quels sont les différents cas qui peuvent se rencontrer ?

Pour répondre, tachons de savoir si nous sommes bien dans le cadre d’un « ouvrage », si les éléments d’équipement de l’ouvrage sont ou non à vocation professionnelle et si, enfin, et bien que l’ouvrage dépende des dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil, il n’est évidemment pas exclu d’une obligation d’assurance et ce, en vertu des dispositions de l’article L 243-1-1 du Code des assurances.

S’il s’agit de la pose d’une nouvelle toiture intégrée sur un bâtiment existant, la doctrine, à l’unanimité, reconnait le caractère « d’ouvrage » à ces travaux. Il en va de même pour l’ouvrage neuf destiné à l’habitation, à l’usage de bureaux ou à tout autre usage industriel ou commercial.

Si toutefois l’installation est effectuée en « surimposition » sur une toiture existante, la doctrine ne considère pas qu’il s’agisse d’un « ouvrage » puisque cette installation se trouve très clairement exclue du domaine de l’assurance obligatoire par l’article L. 243-1-1 du Code des assurances, au titre des ouvrages de production d’énergie. L’ouvrage en question est un ouvrage de production d’énergie.

Et pour ce qui relève de la « ferme solaire », que tous les auteurs reprennent en exemple, il est assez curieux de les voir en grande majorité considérer qu’il s’agit, de facto, d’un ouvrage (sic) et ce, au seul motif repris par tous, que la jurisprudence a pu admettre qu’un aquarium soit qualifié « d’ouvrage ». On pourrait disserter longuement sur l’analogie. Pour autant, convient-il de relever que des fermes solaires existent sous forme de « kit » pour une trentaine de kilos, ancrables par piquets au sol et alors même que certains aquariums contiennent plusieurs milliers de mètres cubes ... En ce sens, comparaison n’est pas raison. Gardons-nous d’anticiper les décisions à venir et restons surtout réalistes.

Par ailleurs, et s’agissant de l’installation photovoltaïque elle-même, dès lors qu’elle peut être qualifiée « d’élément d’équipement » d’une partie d’ouvrage neuf - comme la toiture - lui-même soumis à l’obligation d’assurance, et sous réserve de l’exclusion posée par l’article 1792-7 du Code civil, elle doit être assujettie à l’obligation d’assurance.

Les conséquences, en matière d’assurance, sont donc très importantes.
Dans le premier cas, le constructeur est soumis aux dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil, il est donc assujetti à une décennale.
Dans le second cas, il s’en exonère.

Dans l’hypothèse où la notion d’ouvrage serait retenue (que les éléments soient ou non dissociés), se pose la question de savoir si la « production d’électricité » entre dans le cadre de la garantie décennale. En effet, les éléments d’équipements et leurs accessoires (installation photovoltaïque) sont exclus de l’assurance décennale, dès lors que leur « (…) fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage (…) » .

C’est d’ailleurs pour cette raison que les « fermes solaires » sont exemptes de cette assurance : au seul motif que leur fonction est exclusivement professionnelle sauf, bien sûr, si l’installation photovoltaïque est mise en place pour alimenter le bâtiment ou bien si ladite ferme remplit des offices autres que la production d’électricité, savoir par exemple étable, grange à foin...

Précisons toutefois que les installations effectuées pour répondre aux normes instituées par la RT 2012 ne pourront être exclues des dispositions des articles 792 et suivants du Code civil. En effet, ces installations entendent répondre à une exigence normative et ce, même en cas de revente de l’électricité à EDF. Même solution pour un particulier, sauf à ne pas dépasser une puissance de 3 Kwc pour son installation.

Ainsi, on ne peut que s’étonner de certaines dispositions contractuelles qui visent à limiter l’étendue de la responsabilité décennale à la seule charge des désordres liés aux infiltrations. Sachant que les dispositions sont d’ordre public, il va sans dire qu’il est impossible d’intervenir par voie contractuelle, fusse-entre professionnels. Ces contrats sont donc nul et de nul effet.
Également de constater que de nombreux contrats renvoient à la mise en jeu de la responsabilité civile des fabricants pour des vices afférents aux panneaux ou autre matériels composant l’installation…

Éventuellement, et comme moyen d’échappatoire, les installateurs pourraient-ils prévoir que le maitre d’ouvrage intervienne comme fournisseur des matériels, encore que la volonté des parties soit clairement exprimée.

L’article L 243-1-1 du Code des assurances permet d’exclure les «  ouvrages de production et de distribution d’énergie (…) ainsi que leurs éléments d’équipement (…) » susceptibles d’être réintégrés par la voie de l’accessoire. Et non pas des « éléments d’équipement », « (…) sauf si l’ouvrage où l’élément d’équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d’assurance (…) ».

Ainsi, là encore, est-il curieux de constater que certains assureurs excluent des garanties les producteurs d’électricité et autres installateurs de solutions solaires sous le sceau de l’article L 243-1-1 du Code des assurances. Cette position, outre le fait qu’elle permet aux cabinets de bénéficier de revenus juridiquement non justifiés puisque concernant une interprétation -volontairement ou non- « erroné », le texte évoquant les ouvrages qui, après l’ouverture du chantier, en deviennent techniquement indivisibles après incorporation dans l’ouvrage neuf .

La position des assureurs

Les assureurs, soucieux de rentabiliser leurs fonds de commerce, ont laissé libre interprétation aux textes, allant même jusqu’à les dénaturer.
Pour ce qui relève précisément du domaine qui nous occupe, savoir le photovoltaïque, les assureurs considèrent, sans se soucier du droit, qu’ils n’ont pas à prendre en compte les désordres qui affectent les installations dès lors que la destination de l’ouvrage consiste à produire de l’électricité en vue de la vendre.

A partir du moment où l’ouvrage n’est pas exclu de l’obligation d’assurance, il doit exister une police d’assurance qui réponde à la responsabilité civile décennale.

Néanmoins, dans la pratique, les assureurs ne délivrent ce précieux sésame qu’à partir du moment où les techniques mises en œuvre satisfont à des critères déterminés, notamment en fonction des techniques de mises en œuvre. En ce sens, ils n’appliquent pas strictement l’obligation d’assurer qui leur est pourtant imposée par la loi.

A plusieurs reprises , la Cour de cassation est intervenue afin d’interdire les restrictions imposées par les assureurs. Et pourtant, dans le domaine du photovoltaïque, malgré la présence de l’activité « photovoltaïque » dans leurs contrats, nombre d’assurés, bien que mettant en œuvre un procédé technique objet d’un Pass Innovation ou d’un avis technique, risquaient de voir leur garantie discutée au motif que les techniques mises en œuvre n’étaient pas « courantes ». Cette situation a perduré jusqu’en 2010 avec la publication de la circulaire FFSA qui est venue intégrer dans les techniques courantes les procédés techniques sous ATEX ou ayant fait l’objet d’un Pass Innovation délivré par le CSTB. Cette définition de la FFSA reste toutefois plus étroite que celle qui figure dans l’arrêté du 31 août 2010 qui inclut les normes NF DTU, des règles professionnelles ou des évaluations techniques, ou toutes autres règles équivalentes d’autres pays membres de l’espace économique européen.

Aujourd’hui, malheureusement, les assureurs se refusent, volontairement, et nonobstant la règlementation en vigueur, à prendre en considération les désordres relatifs aux ouvrages dans leur destination de production et vente d’électricité. Cette attitude traduit une double confusion.

Rappelons tout d’abord que la loi Spinetta ne donne aucune définition de la destination d’un ouvrage. Que donc, et puisque la loi est muette sur la question, une installation photovoltaïque sur le toit d’un particulier, dont l’installation n’a pas une vocation professionnelle au sens de l’article 1792-7 du Code civil (et quand bien même cette installation serait à but lucratif !), on s’interroge sur les motifs qui conduisent certains assureurs à qualifier la destination de l’ouvrage, qualification qui conduit à considérer que certaines atteintes à la destination de l’ouvrage ne sont pas susceptibles d’entraîner la mise en cause des constructeurs.

Faut-il être réducteur pour rejeter l’idée qu’un ouvrage puisse non seulement abriter une activité humaine mais également servir d’abri à un ouvrage produisant de l’électricité !

Pourtant, cette idée, malheureusement trop répandue selon laquelle ladite production d’électricité ne fait pas partie de la destination « normale », semble la norme chez les assureurs.

Cette position nous semble complètement (mais volontairement) erronée au niveau du droit. Mais également, de l’idée que l’on se fait aujourd’hui de la notion d’ouvrage après le Grenelle. En effet, nul ne saurait imposer, à ce jour, une notion unique de destination. Les assureurs risquent, à ce mauvais jeu, de se brûler les ailes.

De surplus, et dans le même sens, convient-il de rappeler que les articles L.241-1 et L.241-2 du Code des assurances ne prévoient aucune restriction quant à l’étendue des garanties obligatoires à raison de leur destination ?
La jurisprudence va d’ailleurs dans le sens d’une couverture de l’ouvrage pour plusieurs destinations .

Les assureurs peuvent revoir leur copie et se préparer à de sombres jours quant à la destination des ouvrages d’autant que le Code de la consommation interdit à tout professionnel de stipuler des clauses limitatives de responsabilité à l’égard d’un non-professionnel. Conséquemment, au promoteur de limiter sa responsabilité vis-à-vis de l’acquéreur.

Gildas Neger
Docteur en Droit Public

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