Pas de journaliste dans la publicité !

Par Frédéric Chhum, Avocat

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Explorer : # journalisme # statut_professionnel # communication audiovisuelle # publicité

Le statut de journaliste professionnel est particulièrement protecteur ; néanmoins les conditions textuelles pour s’en prévaloir laissent subsister certaines incertitudes que la Cour de Cassation vient préciser au cas par cas.

Dans un arrêt du 6 juillet 2011 publié au Bulletin (n° 09-69689), la Haute juridiction précise que les agences de publicité sont exclues du champ des entreprises qui peuvent employer des journalistes professionnels.

C’est l’occasion de rappeler sommairement les conditions à réunir pour pouvoir prétendre aux statuts des journalistes professionnels.

-

1)Exercice de la profession de journaliste à titre d’activité principale, régulière et rétribuée, constituant le principal des ressources

Dans un attendu ultra ciselé, la Cour de Cassation rappelle qu’est journaliste professionnel «  toute personne qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources », et que «  les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle ont la qualité de journalistes au même titre que leur confrère de la presse écrite  ». (Cass.soc.6 juillet 2011, précité).

La Cour a repris la définition des journalistes professionnels visée à l’article L. 7111-3 du Code du travail.

À cet égard, les journalistes qui collaborent à la radio ou à la télévision ont la qualité de journaliste au sens de l’article L.7111-3 du Code du travail.

La profession de journaliste consiste « dans l’exercice permanent de l’une des activités intellectuelles, que comporte la composition rédactionnelle d’une publication ou du service d’une agence de presse d’information  ».

La qualité de journaliste implique la réunion de 4 conditions :

-  l’exercice de la profession de journaliste ;

-  l’exercice de la profession à titre principal ;

-  l’exercice de la profession doit procurer à l’intéressé l’essentiel de ses ressources ;

-  l’exercice de la profession doit être effectué dans une (ou plusieurs) publication(s).

La jurisprudence a précisé que « sont journalistes ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs  » (Cass. soc. 28 mai 1986, n°1306 ; Cass. soc. 1er avril 1992).

L’article 1.3 de la Convention collective nationale des Journalistes et l’article L.7113-4 du code du travail disposent que « sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction : rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle  ».

Ainsi, il a notamment été jugé qu’ont la qualité de journaliste :

-  un maquettiste (Cass. soc. 9 février 1989) ;

-  un animateur de radio locale qui recueillait des informations de toute origine pour rédiger et présenter plusieurs fois par jour des bulletins d’information, cette occupation ayant manifestement un caractère intellectuel (CA Rouen 27 juin 1989, Sarl Régie radio média c/ M.X) ;

-  un rédacteur réviseur qui participe par sa contribution intellectuelle à l’œuvre créatrice de la rédaction (CA 26 sept. 1991).

L’exercice de la profession de journaliste doit constituer pour l’intéressé une occupation principale, régulière et rétribuée.

À titre d’exemple, il a été jugé que bénéficie du statut de journaliste professionnel, le collaborateur direct et permanent de la direction, qui tire de cette occupation principale, la plus importante partie de ses ressources et n’exerce qu’accessoirement l’activité de courtier en publicité (Cass.soc. 13 juin 1957).

L’activité professionnelle doit procurer à la personne qui exerce cette activité le principal de ses ressources nécessaires à son existence ; en cas de pluralité d’activités rétribuées, il doit être recherché si l’intéressé tire de la profession de journaliste une rémunération l’emportant sur les autres revenus professionnels (Cass.soc. 3 janv. 1957).

Quand bien même l’ensemble de ces critères concernant l’activité du journaliste seraient remplis, encore faut-il que celui-ci exerce au sein d’une entreprise spécifiquement visée par les textes.

2) Exercice de l’activité journalistique dans une agence de presse, publication ou entreprise de communication audiovisuelle

L’activité principale de l’employeur du journaliste professionnel est une condition sine qua non pour bénéficier du statut protecteur.

En effet, le journaliste professionnel ne peut être employé de manière limitative que par une agence de presse, une publication ou une entreprise de communication audiovisuelle.


a) Entreprise de publications et agence de presse

-  Sont considérées comme agences de presse, les organismes privés qui fournissent aux journaux et périodiques, des articles, informations, reportages, photographies et tous autres éléments de rédaction et qui tirent leurs principales ressources de ces fournitures (Ordonnance n°45-2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation provisoire des agences de presse).

Ne peuvent se prévaloir de cette qualité que les organismes inscrits sur une liste établie sur proposition de la Commission paritaire des publications et agences de presse.

-  Sont considérées comme des publications de presse «  tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers  ». (article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986)

Si l’employeur n’exerce pas une des activités précitées, ses salariés, quand bien même ils exerceraient une activité journalistique, ne pourront pas se prévaloir du statut de journaliste professionnel.

À titre d’exemple, ne sont pas considérés comme des organes de presse un journal d’entreprise ou encore la société qui édicte tous les deux mois une revue sous la dénomination "contact, organe de liaison de la société" destinée aux seuls membres de l’établissement, distribuée gratuitement, et qui ne dispose pas de ressources propres (TA Paris, 3 juin 1960).

De même est exclue une publication "60 millions de consommateurs" d’une entreprise, qui a pour activité principale des essais, recherches, information et documentation dans le domaine de la consommation, ayant pour unique objet l’information des consommateurs, cette publication ne constituant pas un établissement autonome (Cass. soc., 17 mars 1999 : RJS 1999, n° 760).

b) Entreprises de communication audiovisuelle

La loi du 29 juillet 1982 (n° 82-652) étend la qualité de journaliste professionnel aux salariés des entreprises de communication audiovisuelle, au même titre que ceux de la presse écrite.

La communication audiovisuelle est définie très largement comme « toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication en ligne telle que définies à l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ainsi que toute communication au public de services de médias audiovisuels à la demande  » (loi n° 2009-258).

Ainsi, peuvent bénéficier du régime protecteur les salariés d’une entreprise de communication audiovisuelle, quand bien même cette dernière n’assurerait pas directement la diffusion des œuvres qu’elle produit (CE, 5 avril 2002, n°219829).

En revanche, dans un arrêt du 6 juillet 2011 précité, une salariée réclamait, entre autres chefs de demande, la qualité de journaliste et le bénéfice de la convention collective des journalistes (qui est très favorable).

Pour rejeter sa demande, la Cour de Cassation retient que la société qui produit et réalise des films publicitaires et institutionnels a pour activité principale la publicité.

L’activité de publicité n’étant visée ni à l’article L.7111-3 du Code du travail, ni à l’article 93 de la loi du 29 juillet 1982 portant sur la communication audiovisuelle, l’agence de publicité ne peut par conséquent employer de journaliste professionnel.

Dans la lignée de la jurisprudence antérieure, cette décision vient limiter le champ d’application du statut des journalistes professionnels aux seules agences de presse, de publications ou entreprises de communication stricto sensu.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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