Les droits des URSSAF lors des contrôles ne sont pas sans limites.

Par Nicolas Taquet et François Taquet, Avocats.

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Explorer : # contrôle urssaf # droit du travail # procédure légale # documents entreprise

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Les droits des URSSAF sont encadrés par des textes législatifs qui précisent les documents requis des employeurs, les modalités d'interrogation des salariés et les pratiques autorisées durant les contrôles. Certaines actions des agents peuvent être contestées si elles dépassent les prérogatives légales, entraînant une irrégularité des contrôles.
Description rédigée par l'IA du Village

Les contrôles URSSAF [1] de cotisations suscitent une grande appréhension de la part des entreprises, d’autant que la législation sociale devient de plus en plus complexe. Chaque année, plus de 79 000 contrôles sont menés par les URSSAF, soit plus du double des contrôles fiscaux. Ces contrôles se traduisent, dans 7 cas sur 10, par une régularisation (et dans 9 cas sur 10 pour les entreprises de plus de 250 salariés). Ces chiffres, impressionnants, laissent à penser que près de 90% des employeurs de PME agiraient de mauvaise foi, une conclusion qui paraît pour le moins contestable et qui plonge souvent les cotisants dans le désarroi. Il est donc essentiel de rappeler les droits et les devoirs des URSSAF lors de ces contrôles afin de mieux comprendre les limites de leurs prérogatives.

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Les droits des URSSAF prévus par les textes.

  • Présentation des documents requis : les employeurs doivent présenter tout document et permettre l’accès à tout support d’information demandé par les agents, dès lors que ces éléments sont jugés nécessaires au contrôle [2]. Conformément à l’article L243-16 du Code de la Sécurité sociale, ces documents doivent être conservés pendant une durée d’au moins six ans à compter de leur création ou de leur réception.

Cependant, la législation stipule que les employeurs doivent volontairement présenter les documents aux agents. Ces derniers ne peuvent, par exemple, contraindre un salarié à ouvrir des tiroirs ou des armoires en l’absence du dirigeant [3].

  • Interrogation des salariés : les inspecteurs ne peuvent entendre les salariés que dans l’entreprise ou sur les lieux du travail [4]. Qui plus est, l’absence de l’employeur lors de l’audition des salariés ne rend pas la procédure irrégulière [5]. Enfin, lesdits agents outrepasseraient leurs droits en interrogeant les conjoints des salariés à leur domicile [6].

De même, l’interrogatoire ne peut être qu’oral. Un inspecteur ne saurait donc envoyer des questionnaires au domicile des intéressés [7] ou encore en procédant à l’audition d’un salarié appartenant à une entreprise étrangère à celle faisant l’objet de la vérification [8].

Les pratiques contestables des URSSAF.

Certains comportements adoptés par les agents de contrôle ne reposent pas sur des bases légales solides et peuvent être contestés.

  • L’emport de documents : depuis le décret n° 2019-1050 du 11 octobre 2019, les inspecteurs ne peuvent exploiter hors des locaux de l’entreprise que des copies des documents remis volontairement par l’employeur [9]. L’emport d’originaux reste subordonné à l’autorisation expresse de l’employeur. En cas de contentieux sur ce point, il revient à l’URSSAF de prouver qu’elle a obtenu cet accord explicite de l’employeur.
  • Utilisation de supports de stockage amovibles : les agents peuvent accéder à des supports de stockage amovibles, mais uniquement dans le cadre du contrôle sur place. En effet, dans ce cas, il convient que l’organisme fasse application des dispositions de l’article R243-59-2 du Code de la Sécurité sociale relatif au contrôle de documents sous forme dématérialisée. Il serait donc irrégulier d’emporter ces supports pour les examiner hors des locaux de l’entreprise. Une telle pratique mélange le contrôle sur place avec le contrôle sur pièces, qui s’applique aux TPE. En outre, il va de soi que la remise de documents par le biais d’un support de stockage amovible doit se concilier avec le respect du principe du contradictoire dans le cadre de la vérification.
  • Demandes de documents par mail : il est fréquent que les inspecteurs demandent l’envoi de documents par mail, parfois sur un ton pressant ou comminatoire. Toutefois, les termes « demander » et « mettre à disposition », prévus par l’article R243-59 II, impliquent que les employeurs remettent volontairement aux agents les documents permettant de vérifier les déclarations et de mener à bien leur vérification [10]. Une demande impérative ou adressée à un salarié sans pouvoir d’engager l’entreprise peut rendre le contrôle irrégulier [11].
  • Sollicitation de tiers : sauf mandat dûment établi, le seul interlocuteur de l’inspecteur est le cotisant. Ainsi, les agents de contrôle ne peuvent interroger des tiers, sauf mandat établi. Par ce que les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’application stricte, l’audition des personnes rémunérées par un prestataire de services de la personne contrôlée est interdite et entache le redressement d’un vice de procédure [12].

Plus encore, puisque les dispositions de l’article R243-59 sont d’ordre public, URSSAF et cotisants ne sauraient aménager librement leurs rapports. Il s’en déduit que hors autorisation textuelle expresse, l’URSSAF ne peut conclure de convention de droit privé pour adapter ou faciliter, les modalités de son contrôle ou du chiffrage du redressement [13].

Il appartient donc au cotisant, qui cherche à faire annuler un contrôle de cotisations, de rechercher minutieusement les points où l’organisme a dépassé ses prérogatives !

Nicolas Taquet
Avocat au Barreau de Pau
https://www.taquet-avocats.fr/
taquetnicolas chez gmail.com
et
François Taquet
Avocat au Barreau de Cambrai
https://www.taquet-avocats.fr/
francois-taquet chez orange.fr

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Notes de l'article:

[1Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales.

[2CSS art. R. 243-59 II al. 2.

[3Cass. soc. 28 novembre 1991, Bull. civ. V, n° 548 ; Cass. soc. 5 décembre 1991, pourvoi n° 89-17.754.

[4Cass civ. 2°. 11 octobre 2005. pourvoi n° 04-30389.

[5Cass soc. 7 novembre 1997. pourvoi n° 95-15148.

[6Cass soc. 28 novembre 1991. Bull. civ. V. n° 548.

[7Cass civ. 2°. 10 mai 2005. pourvoi n° 04-30046. V. également en ce sens : Cass soc. 27 février 2003. pourvoi n° 01-21149.

[8Cass soc. 26 octobre 2000. pourvoi n° 98-18578.

[9CSS art. R243-59 II al. 3.

[10Cass soc. 28 novembre 1991. Bull. civ. V. n ° 548 V. dans le même sens : Cass soc. 5 décembre 1991. pourvoi n° 89-17.754 - Bordeaux. Ch. soc. Section B. 17 janvier 2013. RG n° 11/06553.

[11Cass. civ. 2°, 28 septembre 2023, pourvoi n° 21-21633.

[12Lyon.17 septembre 2024. RG n° 23/00267.

[13Tribunal Judiciaire de Lyon. 6 mai 2020. RG n° 14/02654 - Tribunal de Grande instance de Lyon. 13 septembre 2019. RG n° 16/03412 - Lyon, Chambre sociale D Protection sociale, 18 janvier 2022, RG n° 20/03748.

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