Le bail d’habitation instaure une relation contractuelle souvent déséquilibrée entre le bailleur et le locataire, ce qui justifie un cadre législatif dense et complexe visant à encadrer ces rapports. Régie par une multitude de lois, décrets et ordonnances, la réglementation en la matière peut être difficile à appréhender, y compris pour les juristes. Cet article a pour objectif d’éclairer aussi bien les locataires que les bailleurs - actuels ou futurs - sur leurs obligations respectives afin d’éviter d’éventuels litiges.
Nous nous concentrerons ici sur deux axes majeurs, qui sont souvent sources de conflits dans la relation entre bailleur et locataire : d’une part, la réglementation entourant les taxes et les charges (I), et d’autre part, la répartition des responsabilités concernant l’entretien, la conservation et l’amélioration du logement loué (II), en tenant compte dans chaque cas des spécificités des logements meublés et des logements en copropriété.
I - Les taxes et charges.
Si la principale obligation du locataire est le paiement du loyer, celui-ci doit également s’acquitter de diverses charges annexes. Certaines sont directement prises en charge par le propriétaire, tandis que d’autres sont avancées par ce dernier puis récupérées auprès du locataire sous forme de provisions mensuelles : les charges payées par le locataire sont appelées charges récupérables, les autres charges, nous les appellerons charges individuelles.
Il existe un contentieux fort autour de la détermination des charges récupérables et des modalités de récupération de celles-ci. En effet, le montant des charges peut vite prendre une part importante du budget du locataire [1]. Mais cet enjeu financier se répercute aussi fortement sur le bailleur, qui supporte souvent en amont le paiement des charges et qui pourrait souhaiter faire supporter au locataire des charges qui ne sont pas récupérables.
Il est donc essentiel d’étudier tout d’abord les taxes et charges qui seront toujours exclusivement à la charge du bailleur ou du locataire (A) avant d’étudier correctement les critères permettant de délimiter les charges récupérables (B) et d’informer correctement les locataires et les bailleurs des procédures pour la régularisation et les sanctions en cas d’abus ou de non-paiement des charges (C).
A) Les charges individuelles.
Certaines dépenses liées à l’exploitation ou à la jouissance du logement ne peuvent être imputées au locataire. C’est notamment le cas des dépenses que le propriétaire effectue pour la mise en conformité du logement aux normes de décence et de salubrité, ou encore les réparations permettant la conservation du logement ou celles n’étant pas de la responsabilité du locataire. Cette distinction sera étudiée plus en détail dans la seconde partie.
De plus, les différentes impositions qui ont pour origine la qualité de propriétaire du bailleur ne peuvent être imputées au locataire. Ainsi, les impôts fonciers ou encore l’impôt sur la fortune immobilière ne peuvent être imputés, même partiellement, au locataire.
A l’inverse, le locataire est seul redevable des charges afférentes à l’entretien du logement loué et des menues réparations n’étant pas causées par la vétusté du logement. Au-delà, les impositions et taxes liées à la jouissance d’un logement sont à la charge du locataire. C’est notamment le cas de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public.
B) Les charges récupérables.
Les charges récupérables correspondent aux dépenses engagées par le bailleur, mais dont le remboursement peut être demandé au locataire via un complément au loyer. Ce montant est généralement estimé à partir du budget prévisionnel des dépenses annuelles.
Par exemple, si le propriétaire estime que les charges du logement s’élèvent à 1 000 € par an, il peut exiger une provision mensuelle d’environ 80 à 85 €.
Néanmoins, toutes les dépenses liées à l’exploitation du bien ne sont pas nécessairement récupérables. L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 distingue trois catégories de charges récupérables à destination des baux d’habitation de logements non meublés :
- Les services liés à l’usage du logement : il s’agit notamment des factures d’eau, d’électricité ou de chauffage collectif (si celles-ci ne sont pas directement payées par le locataire) ;
- Les frais d’entretien courant et les menues réparations des équipements communs (exemple : entretien annuel de la chaudière, ramonage de la cheminée) ;
- Les taxes et redevances bénéficiant directement au locataire, telles que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Afin d’éviter toute interprétation abusive de ce qui peut être récupérable, le décret n°87-713 du 26 août 1987 établit une liste limitative des charges imputables au locataire. La variabilité de ces charges dépend du type de logement [2].
Dans un immeuble individuel, seules les dépenses liées aux consommations d’énergie (électricité, gaz, eau) ainsi que certains frais découlant de l’entretien des équipements (chaudière, compteurs individuels) sont récupérables. S’y ajoutent la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et, le cas échéant, la taxe de balayage.
Dans un immeuble collectif ou en copropriété, les charges récupérables incluent également l’entretien des parties communes et des équipements collectifs (ascenseur, espaces verts, nettoyage des parties communes). Si un gardien ou un employé assure ces services, son salaire peut être partiellement répercuté sur les locataires.
Dans les résidences gérées par une association ou un syndicat de locataires, une liste spécifique de charges récupérables peut être convenue entre les parties par convention et annexée au bail.
Enfin, lorsque le logement concerné n’est pas la résidence principale du locataire (occupé moins de 8 mois par an), les charges récupérables peuvent faire l’objet d’un accord contractuel entre le bailleur et le locataire, qui sera alors annexé au bail.
Il a déjà été jugé que, bien que cette liste soit exhaustive, un bailleur peut néanmoins accorder à son locataire des conditions plus avantageuses que celles imposées par la loi, notamment en réduisant la liste des charges locatives [3].
Depuis la loi Molle du 25 mars 2009, les travaux d’économie d’énergie réalisés par le propriétaire dans le logement ou les parties communes du logement loué sont imputables au titre des charges récupérables au locataire. Cette imputabilité se justifie par le profit que le locataire retire de ces travaux, notamment une réduction de ses charges locatives (facture d’électricité ou de chauffage). Prévue à l’article 23-1 de la loi du 6 juillet 1989, cette charge ponctuelle est soumise à certaines conditions, telles que l’atteinte d’un niveau minimal de performance énergétique pour être exigible par le bailleur.
C) Le paiement et la régularisation des charges.
1) La régularisation annuelle.
Le paiement des charges peut s’effectuer de deux manières :
- Sur présentation de justificatifs, avec un règlement périodique (mensuel, trimestriel ou annuel) ;
- Par provisions mensuelles, ajustées en fin d’année lors d’une régularisation.
Ce second mode de paiement est généralement privilégié pour éviter une gestion trop lourde des charges.
Lorsqu’un système de provisions est mis en place, le bailleur doit procéder à une régularisation annuelle afin de comparer les sommes versées par le locataire avec les dépenses réelles engagées. Cette régularisation s’effectue à la fin de l’année contractuelle ou la date prévue dans le contrat.
Un mois avant cette régularisation, le propriétaire doit :
- Vérifier si les provisions versées par le locataire couvrent bien les charges réelles.
- Rembourser le locataire si celui-ci a payé un montant supérieur aux dépenses réelles.
- Exiger un complément si les charges réelles sont supérieures aux provisions versées.
Par exemple, si le propriétaire a estimé des charges annuelles à 1 000 €, mais qu’il n’a dépensé que 950 €, il devra rembourser 50 € au locataire. À l’inverse, si les charges réelles s’élèvent à 1 100 €, il pourra demander un complément de 100 €.
Cette régularisation obéit à des règles spécifiques qui varient selon le type de bail et de logement. Le bailleur est tenu de transmettre au locataire un décompte détaillé des charges au moins un mois avant la régularisation, mentionnant :
- Les catégories de dépenses et les quantités consommées (exemple : eau, chauffage) ;
- Dans un immeuble collectif, les critères de répartition entre locataires (exemple : tantièmes de copropriété).
Les justificatifs de ces charges (factures, contrats d’entretien, relevés de consommation) doivent être consultables par le locataire pendant six mois après l’envoi du décompte. S’il le souhaite, le locataire peut ainsi vérifier la pertinence des sommes demandées, soit directement auprès du bailleur, soit auprès du syndic en cas de copropriété.
2) Les sanctions.
En vertu de l’article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, le paiement des charges est une obligation du locataire. De plus en vertu de l’article 23 ces charges sont des accessoires du loyer principal de sorte que le non-paiement des charges a les mêmes conséquences juridiques que le non-paiement du loyer.
Le non-paiement des charges peut être sanctionné par la résiliation et le refus de renouvellement du bail. Cette résiliation peut faire l’objet d’une procédure de résiliation du bail par la délivrance par le bailleur d’un congé pour motif légitime et sérieux suivant commandement de payer les charges ou peut faire l’objet d’une clause de résiliation de plein droit. A savoir que le bailleur dispose d’un délai de 3 ans pour effectuer son action en paiement des charges [4].
Le non-paiement des charges peut aussi justifier de l’encaissement par le bailleur du dépôt de garantie [5].
Quant au bailleur, si celui-ci ne justifie pas les charges ou que ces charges couvrent des dépenses qui ne peuvent être qualifiées de récupérables deux types de sanctions peuvent être prononcées :
- Les provisions non justifiées peuvent donner lieu à répétition [6] ;
- Si les pièces justificatives ne sont pas fournies dans les délais, une réduction des charges peut être exigée en attente de la production des pièces justificatives [7].
Dans tous les cas toutes actions du locataire ou du propriétaire dérivant du contrat de bail se prescrit par 3 ans. Le locataire dispose donc de ce délai pour agir en contestation du montant de charges, en répétition ou en réduction.
II- Les obligations d’entretiens.
Un autre point de vigilance dans les relations entre bailleur et locataire se trouve dans la répartition des responsabilités et des obligations d’entretien du logement loué. Cette répartition est essentielle à saisir pour garantir une relation harmonieuse entre les deux parties.
A) La responsabilité du bailleur.
En vertu de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et plus particulièrement en son point c), le bailleur est tenu d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autre que locatives, nécessaire au maintien en l’état et à l’entretien normal des lieux loués.
A la simple lecture de ce texte il est important de préciser que le propriétaire doit toujours entretenir le local loué selon la destination prévue au contrat. Il doit ainsi garantir l’usage d’habitation et ne pas transformer le logement en usage professionnel. Mais plus spécialement, il doit aussi maintenir l’usage réel du logement [8].
Par exemple, le propriétaire réalisant des travaux dans les pièces de vie et dans le garage doit maintenir la destination d’habitation pour les pièces de vie et de garage pour celui-ci.
L’idée principal derrière l’obligation d’entretien du bailleur est d’éviter la vétusté de l’immeuble. De sorte que le propriétaire est responsable de l’entretien de la structure de l’immeuble comme la toiture, ou encore des biens immobilisés par destination comme l’entretien et la réparation des appareils de chauffage [9], ou de l’entretien et la réparation du réseau d’eau ou de gaz [10].
Ainsi la jurisprudence a déjà pu juger que le bailleur est tenu de l’entretien et la réparation :
- Des volets roulants lorsque ce besoin en réparation n’est pas consécutif à une mauvaise utilisation du locataire [11] ;
- Du plancher [12] ;
- Des installations électriques [13] ;
- De la porte d’entrée, si le besoin de remplacement ou d’entretien est dû à la vétusté [14] ;
- Du détartrage du chauffe-eau électrique [15] ;
- Du conduit d’évacuation de chauffage [16].
Néanmoins cette liste n’est pas exhaustive et les juges peuvent interpréter de nouvelles obligations d’entretien à la charge du bailleur au regard des articles 6 et par opposition à l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989.
Le bailleur n’a toutefois qu’une obligation d’entretien et de réparation. Il n’a pas d’obligation d’améliorer le logement ni de rembourser un locataire qui aurait décidé d’améliorer pour son propre bien-être le logement loué.
Néanmoins si de nouvelles normes de sécurité ou de décences interviennent (c’est notamment le cas en 2025 ou les logements disposant d’un diagnostic de performance énergétique classés F ou moins sont considérés comme indécent), alors le bailleur est tenu d’effectuer les travaux de mise en conformité du logement à ses frais et sans répercussion sur les charges du locataire, même si les travaux permettent au locataire une baisse de ses charges locatives.
B) La responsabilité du locataire.
En vertu de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu d’une obligation d’entretien courant du logement et des menues réparations. Ainsi la responsabilité du locataire est de deux ordres.
Tout d’abord, il doit entretenir le bien loué. On parle ici d’entretien courant, c’est-à-dire que le locataire est responsable de tout dommage qui pourrait intervenir dans le logement suite à un mauvais entretien de sa part, comme l’infestation de nuisible, le développement de moisissure ou le dégât des eaux causé pour un appareil d’électroménager mal entretenu.
Le locataire est chargé de l’entretien courant :
- Des parties extérieures : jardins privatifs, terrasses, gouttières (pas tout l’entretien mais par exemple, le dégorgement des conduits)… ;
- Des parties intérieures : plafonds, murs, parquets, moquette... ;
- Des ouvertures intérieures et extérieures : fenêtres, portes, stores… ;
- Des installations : plomberie, chauffage, appareils sanitaires… ;
- Des équipements électriques : prise de courant, ampoules, interrupteur… ;
- Des équipements mentionnés dans le contrat de location du logement meublé : machine à laver, hottes aspirantes, réfrigérateurs…
Spécifiquement pour les systèmes de chauffage, l’entretien annuel de la chaudière est à la charge du locataire. Comme rappelé précédemment, il a toutefois déjà été jugé qu’il s’agissait là exclusivement de l’entretien annuel et non des réparations ou entretien dû à une vétusté du système de chauffage comme le détartrage.
Le locataire est tenu par l’état des lieux d’entrée et, à défaut d’état des lieux, il est tenu de rendre le logement dans un bon état d’utilisation. Ce qui l’oblige à rendre le logement dans le même état qu’il l’a trouvé en y entrant.
Ensuite le locataire est tenu responsable de l’utilisation anormal du logement. Ici on parle des dégradations et des pertes du logement.
Par exemple : si la réparation du plancher ou d’un mur de la maison est à la charge du bailleur, dans le cas où cette dégradation est due à un animal à la charge du locataire, alors cette réparation est de la responsabilité du locataire.
Les cas d’exonérations sont limitatifs, le locataire s’exonère de sa responsabilité dans les cas où la dégradation intervient :
- A la suite d’un cas de force majeure (tempête) ;
- A la suite d’une faute du bailleur ;
- A la suite d’une faute d’un tiers étant entrée dans les lieux autrement que par le locataire (il s’agit ici dans ce cas d’un squatteur, ou d’un cambrioleur).
C’est pour cette raison que l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, impose aussi au locataire d’être assuré contre les risques locatifs.
Le défaut d’assurance pour un locataire est sanctionné par une procédure spéciale. Le propriétaire peut délivrer commandement au locataire de fournir une attestation d’assurance. Passer un délai d’un mois le bailleur peut souscrire pour le compte du locataire une assurance dont le montant sera répercuté dans les charges récupérables. Autrement, le propriétaire peut à la suite de ce commandement demeuré infructueux délivré un congé pour motif légitime et sérieux afin de résilier le bail.
C) Les sanctions.
Dans le cas où le bailleur n’exécuterait pas ses obligations d’entretien, le locataire peut saisir le juge après avoir préalablement mis en demeure le propriétaire d’effectuer les travaux. Si le bailleur ne s’exécute pas après mise en demeure, le locataire peut :
- Demander la condamnation du bailleur sous astreinte à exécuter les travaux dans un délai déterminé ;
- Demander des dommages et intérêts pour le trouble de jouissance subi, notamment dans le cas où les travaux exigés sont des travaux de mise en conformité aux normes de décences.
De plus, en vertu de l’article 1222 du Code civil, après avoir correctement mis en demeure le bailleur de la nécessité d’effectuer les travaux et après un refus ou un silence de sa part, le locataire peut effectuer à ses frais les travaux et exiger devant le juge un remboursement. Néanmoins cette faculté « de remplacement » est très encadrée. Les réparations doivent êtes suffisamment urgentes pour justifier cette procédure, et doivent être effectué de « manière économique ».
Dans le cas où des dommages et intérêts sont demandés par le locataire ou dans le cas où le juge condamne le bailleur à effectuer les travaux ou à rembourser les travaux effectués par le locataire. Une compensation peut être faite au locataire par l’utilisation de tout ou partie des loyers. Ainsi le locataire peut se voir exonérer du paiement des loyers ou du paiement d’une partie des loyers pendant une certaine période ou jusqu’à ce que la dette qu’il détienne à l’égard de son bailleur soit soldée.
Attention, le locataire ne peut, sans intervention du juge, arrêter de lui-même le versement des loyers au motif que le bailleur n’exécute pas ses obligations. Un locataire qui refuse de payer ses loyers s’expose à une résiliation du bail.
A l’inverse, un locataire qui n’entretient pas ou n’effectue pas les réparations nécessaires au bon maintien du logement loué s’expose à la résiliation du bail pour motif légitime et sérieux.
En effet, le bailleur peut, à la découverte des désordres, donner congé à son locataire sur le fondement d’un motif légitime et sérieux puisque le mauvais entretien du logement par le locataire est constitutif du non-respect d’une obligation contractuelle.
Dans tous les cas, une phase amiable préalable est nécessaire pour toute contestation relative aux charges, au loyer, aux obligations d’entretien ou à la validité du congé donné par le propriétaire ou le locataire. Une saisine de la commission départementale de conciliation est donc nécessaire. Cette commission s’efforcera de trouver une solution en conciliant les parties. Si la conciliation est impossible alors la saisine du juge par l’une ou l’autre des parties est alors possible afin de statuer sur le litige. L’idée principale et de chercher à renouer le dialogue entre les parties à tout moment de la procédure.