Voies d'exécution et pratiques commerciales déloyales : lorsque le pot de terre ébranle le pot de fer. Par Patricia Chevallier-Douaud, Avocat.

Voies d’exécution et pratiques commerciales déloyales : lorsque le pot de terre ébranle le pot de fer.

Par Patricia Chevallier-Douaud, Avocat.

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Explorer : # pratiques commerciales déloyales # voies d'exécution # diligence professionnelle # droits des consommateurs

Dès lors, la délivrance du commandement litigieux relevant à plusieurs titres de pratiques commerciales déloyales, il y a lieu d’en prononcer la nullité.

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En matière de voies d’exécution, le débiteur dispose de faibles moyens d’action tendant à voir annuler les actes d’exécution délivrés à son encontre.

En effet, le débiteur sollicite la plupart du temps des délais de paiement en l’absence de nullités de fond ou forme entachant la validité de l’acte d’exécution.

Ces nullités ne sont malheureusement pas pour le débiteur monnaie courante et traduisent le respect des dispositions légales en la matière par l’huissier instrumentaire dans le cadre de ses diligences.

C’est pourquoi, il s’agit souvent d’une défense perdue d’avance pour le débiteur « le pot de fer face au pot de terre » demeure souvent vainqueur.

Toutefois, il arrive que le pot de terre ébranle le pot de fer…

En effet, un autre moyen de défense semble se profiler et porter secours aux plaideurs des débiteurs démunis.

La preuve de l’existence d’une pratique commerciale déloyale lors de la mise en œuvre des voies d’exécution.

La décision rendue par le juge de l’exécution de Boulogne sur Mer en date du 9.09.2022 en est une parfaite illustration.

« Or il est manifeste que le fait, pour une société ayant pour activité le recouvrement de créances contre des particuliers en matière de crédit à la consommation, de concours avec l’étude d’huissier mandatée, de laisser penser au débiteur que les intérêts se prescrivent par cinq ans, et non par deux ans, au travers d’actes d’exécution forcée, tend à dissimuler l’information substantielle constituée par l’état du droit positif sur la question de la prescription des intérêts, et est de nature à induire le consommateur en erreur sur ses droits et sur le montant de la dette dont le recouvrement peut être poursuivi contre lui. Ce comportement est contraire aux exigences de la diligence professionnelle, dès lors qu’il repose sur la présentation fallacieuse d’une règle de droit ; il est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement du consommateur par rapport au produit, en ce sens qu’il a pour objet même de l’amener à verser une somme indue au titre d’intérêts prescrits ou à acquiescer à une mesure d’exécution forcée pratiquée pour son paiement. Un tel comportement relève donc également d’une pratique commerciale déloyale.
Dès lors, la délivrance du commandement litigieux relevant à plusieurs titres de pratiques commerciales déloyales, il y a lieu d’en prononcer la nullité
 ».

Dans cette affaire, il est donc considéré que le fait de tendre à dissimuler une « information substantielle constituée par l’état du droit positif sur la question de la prescription des intérêts est de nature à induire le consommateur en erreur sur ses droits et sur le montant de la dette dont le recouvrement peut être poursuivi contre lui ».

La pratique commerciale déloyale est donc caractérisée par « un comportement contraire aux exigences de la diligence professionnelle dès lors qu’il repose sur la présentation fallacieuse d’une règle de droit ».

Dès lors la preuve d’un manquement aux exigences de la « diligence professionnelle » suffit à caractériser une pratique commerciale déloyale.

La sanction est la nullité de l’acte.

Une telle décision s’inscrit dans le courant de la position adoptée par la Cour d’appel d’Amiens, en date du 14.09.2021 confirmant un jugement rendu par le JEX en date du 8.10.2020.

Rappelant à l’occasion la directive du 11.05.2005 (2005/29/CE visant à l’unification des législations prohibant les pratiques commerciales déloyales trompeuses et agressives contre les consommateurs) qui interdit les pratiques commerciales déloyales au sens où elles sont contraires à la « diligence professionnelle » et où elles altèrent ou peuvent altérer « le comportement économique du consommateur moyen ».

Gageons que la recherche de pratiques commerciales déloyales lors de la mise en œuvre des voies d’exécution devienne un réflexe avec celle des nullités afin de fragiliser davantage le pot de fer.

Sources :

- Jugement JEX Boulogne sur Mer 9.09.2020 non publié ;
- Arrêt Cour d’appel d’Amiens 1ère Chambre Civile 14.09.2021 n°20/05277 ;
- Jugement JEX Amiens 8.10.2020.

Patricia Chevallier-Douaud
Avocat au Barreau de Lille

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