Pour rappel, la pandémie de la Covid-19 avait conduit le pouvoir réglementaire français à prendre des mesures de confinement de la population, et à interdire notamment aux résidences de tourisme d’accueillir du public entre le 14 mars 2020 et le 2 juin 2020, puis du 29 octobre 2020 au 15 décembre 2020. En outre, le gouvernement français avait également dû envisager et imposer des mesures de restriction de la circulation des personnes, du 16 décembre 2020 au 20 juin 2021.
Par ailleurs, des dispositions avaient également été adoptées pendant cette période exceptionnelle d’urgence sanitaire, afin de proroger certains délais échus et d’adapter les procédures en cours, notamment l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, relative entre autres au paiement des loyers afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité était affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19, et l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 réglementant les conséquences d’un défaut de paiement des loyers et charges par des entreprises éligibles à un dispositif et dont l’activité était affectée par une mesure de police administrative (règlementation de l’ouverture au public d’établissements recevant du public et des lieux de réunion, d’une part, et fermeture provisoire de ces mêmes lieux et établissements d’autre part.)
Cependant, aucune de ces dispositions n’a effacé les loyers échus ni interdit au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer pendant la période juridiquement protégée. Elles ont uniquement suspendu en réalité les effets de ce type d’acte pendant une durée qui diffère selon que le locataire remplit ou non les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides financières financées par le fonds de solidarité, de sorte que ces dispositions n’ont pas dispensé lesdits établissements de procéder au paiement intégral des loyers de la période sanitaire, obligation résultant de leur bail commercial par exemple.
Les juges continuent donc d’appliquer cette position à l’égard de la société Odalys Résidences par exemple, et de condamner celle-ci au règlement des loyers covid demeurés impayés et réclamés par les bailleurs.
À cet égard, la société Odalys Résidences continue toutefois de s’opposer.
Si celle-ci ne conteste pas le montant des loyers réclamés, elle s’oppose à leur règlement et au versement en référé notamment d’une provision à ce titre, en estimant qu’il existerait des contestations sérieuses liées d’une part à l’existence d’une clause contractuelle contenue à ses baux commerciaux, d’autre part au droit commun des contrats, notamment au manquement selon elle, des bailleurs à leur obligation d’exécuter le contrat de bonne foi en application de l’article 1104 du Code civil en cas de circonstances exceptionnelles.
Concernant la clause invoquée tout d’abord, celle-ci stipulait que dans le cas où l’indisponibilité du bien résulterait soit du fait d’une faute du bailleur, soit de la survenance de circonstances exceptionnellement graves affectant le bien (ex. incendie) et ne permettant pas une occupation effective et normale, le loyer ne serait pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance, mais serait couvert par l’assurance couvrant la perte des loyers souscrite par le preneur.
Cette clause est considérée par les Juges comme claire et précise, ne nécessitant aucune interprétation, et qu’elle vise donc, soit des manquements personnels du bailleur, soit des circonstances affectant le bien.
La jurisprudence juge alors que les mesures d’interdiction d’exploitation adoptées par l’État dans la période d’urgence sanitaire ne sont ni du fait ou de la faute du bailleur, ni ne constituent une circonstance intrinsèque au bien lui-même. Elle déboute donc Odalys Résidences qui tend à invoquer ces stipulations contractuelles pour tenter d’échapper au règlement des loyers dus au titre de la période de pandémie.
Concernant ensuite l’exigence de bonne foi contractuelle, les juges sont assez stricts et considèrent que si Odalys Résidences a formulé auprès des bailleurs des propositions consistant à appliquer une franchise pendant les périodes susvisées et à négocier, il ne peut être reproché aux bailleurs de les avoir refusées dès lors que cette dernière ne démontrait pas la réalité de ses difficultés économiques ni des démarches mises en œuvre pour y remédier.
Les loyers de la période Covid sont donc dus.
Attention toutefois, l’année 2025 approche et avec elle, l’expiration du délai de prescription permettant aux bailleurs de réclamer judiciairement le règlement de leurs loyers impayés au titre de cette période.
L’action en paiement des loyers commerciaux ne figurant pas parmi les actions régies par l’article L145-60 du Code de commerce qui fixe une prescription biennale, elle est donc soumise au délai de prescription de 5 ans.
Quel le point de départ du délai de prescription quinquennal dans le cadre d’une action en paiement de loyers ? Ce point de départ vaut-il pour tous les loyers redevables ?
L’article 2224 du Code civil, prévoit que le point de départ de la prescription débute le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, c’est-à-dire qu’en matière de non-paiement des loyers, le point de départ de la prescription quinquennale débute au jour où le preneur a cessé de payer les loyers, au lendemain du jour de l’échéance.
En effet, la Cour d’Appel de Montpellier a affirmé dans un arrêt que le délai la prescription court à partir de chaque échéance [3]
La prescription de 5 ans est donc applicable à l’égard de chaque échéance de loyer successive.
De plus, l’article 1155 du Code civil, prévoit que les revenus échus, tels les loyers, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention. Une cour d’appel a fait une exacte application de ce texte en retenant que le bailleur pouvait obtenir paiement des intérêts de droit sur le montant des loyers impayés depuis les échéances, sans qu’il soit nécessaire qu’une clause soit stipulée à cet égard ou qu’une mise en demeure ait été adressée au fermier [4].