Un mariage refusé par le juge des tutelles !

Par Claudia Canini, Avocat.

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Explorer : # protection des majeurs # consentement éclairé # mariage sous tutelle # droits fondamentaux

L’éthique affirmée par la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs réside dans l’affirmation et le respect :

-  des libertés individuelles,
-  des droits fondamentaux,
-  de la dignité de la personne.

-

La finalité de la mesure vise l’intérêt de la personne et la recherche de sa volonté.
Le législateur a donc cherché avant tout à protéger les libertés individuelles et les droits fondamentaux des personnes les plus vulnérables.

1) L’information préalable du majeur protégé complète et adaptée

Quelle que soit la mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future), l’article 459, alinéa 1er du Code civil pose le principe d’autonomie de la personne, selon lequel le majeur protégé prend lui-même les décisions touchant à sa personne.

La loi pose ainsi l’obligation de laisser le majeur protégé prendre seul les décisions touchant à sa personne et, à tout le moins, impose le recueil a priori du consentement de la personne protégée par la personne en charge de la protection.

Parce qu’il ne peut y avoir de consentement éclairé sans une information complète et précise, l’article 457‑1 du Code civil pose en tête des principes gouvernant la protection de la personne, le droit à l’information de la personne protégée « sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part  ».

L’information doit être délivrée par la personne chargée d’exercer la mesure de protection. Cette dernière doit adapter l’information à la personnalité et à la capacité de discernement du majeur protégé (Circ. 28/02/2009 – JUSTICE2009/1).

Compte tenu de ses effets juridiques personnels et patrimoniaux, le mariage est classé fait parmi une série d’actes spécifiquement encadrés par la loi au même titre que le PACS ou encore la rédaction d’un testament.

2) Une personne sous curatelle ou tutelle est-elle libre de se marier ?

À priori la réponse devrait être oui.

Cependant, le législateur a souhaité préserver la personne sous curatelle des effets d’un mariage auquel elle n’aurait pas librement consenti ou encore d’un mariage dont elle n’aurait pas mesuré les conséquences (violences conjugales, spoliation etc…).

Dès lors, le mariage d’une personne en curatelle n’est permis qu’avec l’autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge (C. civ. art. 460 alinéa 1er).

Le mariage d’une personne en tutelle n’est permis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles et après audition des futurs conjoints et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage.

Le consentement à mariage ainsi délivré doit être conforme à l’intérêt de la personne protégée (C. civ. art. 460 alinéa 2).

3) La nécessité de l’assistance du curateur pour se marier : une exigence conforme à la Constitution

Par décision rendue le 29 juin 2012, le Conseil Constitutionnel s’était déjà penché sur la constitutionnalité de la nécessité de l’assistance du curateur pour se marier (Sources Cons. const., déc., n° 2012-260 29 juin 2012 QPC ; Journal Officiel 30 Juin 2012) :

Eu égard aux obligations personnelles et patrimoniales qui en résultent, le mariage est « un acte important de la vie civile ».

Aussi, en subordonnant le mariage d’une personne en curatelle à l’autorisation du curateur ou à défaut à celle du juge, le législateur n’a pas privé la liberté du mariage de garanties légales ; les restrictions dont il a accompagné son exercice, afin de protéger les intérêts de la personne, n’ont pas porté à cette liberté une atteinte disproportionnée.

L’article 460 alinéa 1 du Code civil est donc conforme à la Constitution.

4) Quels sont les motifs valables pour refuser le mariage du majeur sous tutelle ?

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nancy le 24 mai dernier offre une illustration des raisons susceptible de justifier le refus d’autoriser le majeur sous tutelle à se marier.

Marie-Madeleine H. a été placée sous mesure de protection dès sa majorité en raison en raison d’une déficience intellectuelle et d’une très forte influençabilité. Ses difficultés sur ce plan ont peu évolué puisque le médecin-expert chargé de procéder à un examen dans le cadre du renouvellement de la mesure a indiqué, le 15 décembre 2011, l’existence de difficultés décisionnelles par insuffisance de connaissance et de difficultés intellectuelles (…).

Sur le plan personnel, la situation de madame H. se caractérise par une forte instabilité sentimentale ; ainsi, l’intéressée est la mère de cinq enfants issus de pères différents.

Les magistrats considèrent donc que ce sont là autant d’éléments caractérisant la non-conformité de ce projet de mariage aux intérêts de la majeure protégée (CA Nancy, 3e ch. civ., 24 mai 2013).

Claudia Canini
Avocat - Droit des majeurs protégés
Droit des majeurs protégés
www.canini-avocat.com

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