Maternité et résiliation judiciaire : comment cela s’articule avec les règles liées à la salariée enceinte ?

Par Frédéric Chhum, Avocat.

1451 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # résiliation judiciaire # salariée enceinte # licenciement # protection de la maternité

Lorsqu’au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n’a pas informé l’employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C’est ce que vient d’affirmer la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 2018 (n°15-29330).

-

1) Rappel des faits et de la procédure.

Mme Y., épouse Z., a été engagée le 29 novembre 2012 par la société Ambulances Championnet (la société) en qualité d’infirmière à temps partiel.

Le 29 juillet 2013, elle a saisi la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre distribuée le 12 décembre 2013, elle a transmis à la société une déclaration de grossesse.

Elle a été licenciée pour faute grave le 18 décembre 2013.

Dans un arrêt du 5 novembre 2015, la Cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, et dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul.

La Cour a également condamné la société au paiement de sommes au titre de rappels de salaire et de congés payés afférents pour la période de janvier à octobre 2013, des salaires dus jusqu’au 24 août 2014, date à laquelle a pris fin la période de protection, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et d’indemnité pour licenciement nul.

L’employeur s’est pourvu en cassation.

2) Solution de l’arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2018.

Dans un arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Dans un premier temps, la Cour de cassation valide la résiliation judiciaire.

A cet égard, elle relève que la Cour d’appel de Paris avait constaté qu’à compter du mois de janvier 2013, la société n’avait pas fourni à la salariée du travail à hauteur de la durée convenue en sorte qu’elle n’avait pas satisfait à son obligation de paiement du salaire contractuellement prévu, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à d’autres recherches, a légalement justifié sa décision.
Dans un second temps, elle considère que les effets de la résiliation judiciaire ne sont pas un licenciement nul mais un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au visa des articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause, la Cour de cassation affirme que « lorsqu’au jour de la demande de résiliation judiciaire, la salariée n’a pas informé l’employeur de son état de grossesse, la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

La Cour de cassation relève aussi que « pour dire que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul, l’arrêt retient que la salariée avait informé l’employeur de son état de grossesse ».

La Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en affirmant « qu’il résultait des constatations [de la Cour d’appel] que la salariée n’avait informé l’employeur de son état de grossesse que postérieurement à la saisine de la juridiction prud’homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

C’est la première fois que la Cour de cassation statue, à notre connaissance, dans un tel sens.

3) Portée de l’arrêt : le licenciement est nul uniquement si l’employeur était informé de l’état de grossesse à la date de la saisine du conseil de prud’hommes.

La Cour de cassation pose une alternative :
- si l’employeur ignore l’état de grossesse à la date de la saisine du Conseil de prud’hommes faute d’en avoir été informé, la résiliation judiciaire doit s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- si, en revanche, l’employeur est informé de l’état de grossesse à la date de saisine du Conseil de prud’hommes, la résiliation judiciaire ultérieurement prononcée pourra produire les effets d’un licenciement nul. En plus d’une indemnité de licenciement nul au moins égale à six mois de salaires, la salariée a droit au paiement des salaires couvrant la période de protection liée à la maternité.

Il est donc recommandé aux salariés enceintes d’informer, leur employeur de leur état de grossesse, dès que possible, par lettre recommandée avec accusé de réception.

C. cass. 28 novembre 2018, n° 15-29330

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

11 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs